Facebook au pays des soviets

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Quand avez-vous vu le marteau et la faucille pour la dernière fois ? Dans un film des années 70 ? Dans un jeu vidéo ? Dans un manuel d’histoire? C’est vrai, en tant que militant, on entrevoit parfois l’étoile rouge sur le béret d’un ex-soixante-huitard dans une manif ou sur le drapeau des partis communistes encore en activité, souvent éclipsés, en Europe, par des mouvances « de gauche » plus récentes. Même le PTB, historiquement maoïste, ne conserve que très peu de références – et plutôt de façade – de cet héritage. Pour le reste, le marteau et la faucille sont devenus l’un des innombrables atours du marketing global. Ici, un café dont un dessin de Youri Gagarine orne la devanture ; là, une barre chocolatée estampillée CCCP ; à moins que ce ne soit un chien portant sa laine jaune sur fond rouge. Les pendants soviétiques du t-shirt du Che, en quelque sorte. Les créateurs des fringues de l’homo œconomicus s’inspirent sans vergogne de la garde-robe de l’homo sovieticus – transformant les symboles qui ornaient son uniforme en marchandise, dans un mouvement qui tient du pillage et de la neutralisation. Sur le terrain symbolique, la guerre continue d’être totale et les combats se poursuivent, plusieurs décennies après la chute de l’Homme Rouge.

D‘entre tous les champs de bataille, internet est probablement le lieu des mouvements de troupes les plus féroces et des innovations techniques les plus décisives. Sur la toile se composent, se recomposent et se dupliquent des images à l’infini. Le « mème » 1, cet élément écrit, visuel, parfois animé, crée un langage, une grammaire. Dans ce chaos auto-référentiel, certains blogs ou pages facebook utilisent des visages d’une autre époque comme matériau créatif : Marx, Lénine, Trotski, Luxemburg ou Kerenski, le marteau et la faucille, ou les chœurs de l’armée rouge continuent d’être dans le coup. Qui produit ces images ? Quel effet est recherché ? S’agit-il de convoquer un imaginaire et des représentations politiques ou de moquer les références d’un passé politique ? Il se pourrait bien que, sur les réseaux sociaux, les dernières traces visuelles de la révolution d’octobre n’occupent pas le même statut que le vulgaire débauchage marchand.

Mème communiste et humour autogéré

La page Socialist meme causus, forte de 75 000 likes, regorge de mèmes et détournements ayant pour thème le socialism. Sous cette dénomination anglo-saxonne, on retrouvera des références à l’URSS, au trotskisme, à l’antifascisme, et bien sûr, des piques régulièrement envoyées en direction de l’« Alt-Right » et de Trump. Pour peu que l’on fasse défiler la page, on peut y voir d’anciennes affiches de propagande de l’amitié sino-russe, l’hymne national de l’URSS chanté par Crash Bandicoot, l’égérie de la Playstation, ou encore le visage de Trotski détouré sur une photographie du groupes Kings of Léon (Trotski).

Les pages francophones ne manquent pas à l’appel, avec autant de noms improbables : Le Front Prolétarien Mao-Guevariste Hoxhaiste de Sciences Po, ou Le Comité des Mèmes Trollétariens. Cette dernière page combine les références révolutionnaires à celles de la culture web pour détourner aussi bien des photos de Lénine que des images de Pokémon ou de Super Mario. Parmi ces pages, l’une des plus actives, mais également l’une des plus drôles (ou provocantes, c’est selon) est celle du Courant anarchostalinien. La page fut lancée par des jeunes de « SUD Étudiants » 2 ayant aujourd’hui terminé leurs études. « Il y a une longue tradition d’humour à base d’autodérision gauchiste dans le syndicalisme étudiant “d’extrême gauche” (mais on n’aime pas ce terme : nous ne sommes pas extrémistes, c’est juste les autres qui sont trop mous !). Entre deux bières et un pourrissage du local de l’Unef, nous avions décidé de proclamer cette nouvelle organisation ubuesque qui réconcilierait anarchistes et communistes grâce au concept du goulag autogéré », confient les administrateurs du « Politburo autogéré », l’improbable instance suprême du Courant.

Quant au « goulag autogéré », auquel sont envoyés les récalcitrants aux idées volontairement dogmatiques, il fonctionne comme une référence fleurissant dans les commentaires. « Allez hop, aller simple pour le goulag autogéré ! ». « Le goulag c’est un élément marrant parce qu’on a l’impression que c’est la solution à tous les problèmes dans l’URSS stalinienne. Du coup, c’est très drôle de pousser cette logique jusqu’à l’absurde comme s’il s’agissait de la martingale ultime. » Les clins d’œil au totalitarisme stalinien ou à la Corée du Nord sont assumés, car pris au cinquième degré, tout comme le concept d’anarchostalinisme. « C’est un concept impossible, une absurdité, un non-sens. Il ne peut exister que parce que les anarchistes ont tellement de tendances barges qu’ils ne sont plus à ça près, et parce que les staliniens sont habitué à obéir à la ligne fixée sans sourciller, aussi contradictoire qu’elle puisse être. L’anarchostalinisme a un projet : le goulag autogéré pour tous. Le courant anarchostalinien est farouchement opposé au trotskisme car la haine de Trotski est l’un des seuls points sur lesquels anarchistes et staliniens peuvent tomber d’accord. Logiquement, le courant anarchostalinien est dirigé par un Politburo autogéré. »

Grâce à de solides références visuelles et à des figures qui ont su s’imposer dans l’Histoire, les symboles communistes ont tendance à prendre le pas sur leurs pendants anarchistes, dont les symboles sont plus obscurs et peut-être plus complexes. La propagande bolchévique est, il faut le dire, un socle idéal pour la reproduction de la culture mème, des codes visuels très identifiables aux références historiques mythifiées : « Déjà, ce sont des images qui conservent malgré le temps une force visuelle exceptionnelle. Ensuite, il suffit seulement de changer un ou deux détails à travers une ligne de texte ou en faisant parler un personnage pour en faire tout autre chose. C’est ce décalage entre le sens originel du visuel et le sens qu’on lui donne à travers nos modifications qui crée le rire ». Et qui crée également le message politique. L’image ainsi conçue devient le vecteur d’une autre signification : c’est tout l’art du détournement.

Les situationnistes ont joué un rôle-clé dans la mise au point de cette technique de subversion du discours. Citons notamment « La dialectique peut-elle casser des briques ? » de René Viénet, qui se présente comme le premier film entièrement détourné de l’histoire du cinéma. « Si Debord nous a toujours royalement emmerdé, force est de constater que l’on se situe dans la tradition situationniste du détournement. Cet héritage est cependant indirect puisque nous avons été formés par le biais d’une culture propre au syndicalisme étudiant alternatif qui, elle-même, est héritière du situationnisme (avec des trucs comme « Le retour de la colonne Durruti », pondu par les situationnistes qui avaient pris le contrôle de l’Unef Strasbourg peu avant 68). »

Se détourner soi-même

Les détournements proposés par le Courant ont ceci de particulier qu’ils détournent non seulement des discours (écrits, visuels) médiatiques « mainstream » mais aussi, et surtout, des codes visuels propres aux courants idéologiques multiples de ses membres. « Ce concept nous permet de blaguer et de détourner à partir de tout le milieu militant de gauche et d’extrême-gauche, puisque nous sommes aussi bien anar’ que stal. » Des communistes et des anarchistes qui réussissent à s’entendre et parviennent à s’amuser ensemble : comment ça marche ? Les membres du courant s’organisent en réalité via un groupe de discussion privé qui leur sert à discuter des visuels qui seront publiés, de leur programmation, ainsi que de leurs débats. « On échange, on confronte nos points de vue et on cherche le consensus. Sans s’en rendre compte, il semble qu’on ait repris les règles de fonctionnement autogestionnaires qu’on avait connues à SUD Etudiant. Il n’y a jamais vraiment eu de conflit entre anars et cocos, même si on se chambre les uns les autres, sûrement parce qu’au-delà des appartenances politiques différentes, on a une appartenance syndicale commune. »

De là à dire qu’il n’y a jamais de tensions, il y a un pas que le Politburo ne franchit pas : « La politique internationale n’a jamais causé de clash, mais cela aurait pu avec la situation au Venezuela, qui est très clivante entre anarchistes et communistes. Finalement, il n’y a pas eu de problème puisqu’on a choisi de balancer des visuels (très moches d’ailleurs) qui se moquaient précisément des dissensions entre anars et cocos plutôt que de se positionner en faveur d’un camp. » Cela permet d’éviter de trancher, au fond, pour savoir si l’insurrection contre un appareil d’État ou la sauvegarde d’une résistance anti-impérialiste prévalent dans une nation éloignée, et d’empêcher de se déchirer sur une question ciblée si 99% des idées et des stratégies concordent sur le reste. « Là où, en revanche, ça peut clasher sévère, c’est quand on s’en prend aux grandes figures révolutionnaires. Un de nos membres anarchistes s’est opposé pendant des semaines à la publication d’un visuel représentant Bakounine en Jabba le Hutt (comparaison peu flatteuse à un personnage de l’univers de Star Wars, ndlr.). Autre exemple : l’émotion des admins cocos au moment de la mort de Fidel Castro était palpable dans les visuels qu’on sortait à ce moment-là, ce qui a fait grincer les dents des libertaires. Tout ça pour dire que si nous sommes capables de mettre assez facilement de côté nos différences idéologiques et de trouver des consensus en cas de problème de fond, nous avons plus de mal à mettre de côté ce qui touche à l’irrationnel et à nos héros de jeunesse. Ça illustre bien ce qu’est le courant anarchostalinien : un truc qui cherche à travers l’humour à faire prendre de la distance avec la mythologie et l’imagerie militante, mais fait par des gens qui restent malgré tout profondément attachés à cela. C’est la contradiction permanente. »

Convergence des luttes 2.0 ?

Toujours est-il qu’à un média, fût-ce une page facebook autogérée, la question de la ligne éditoriale finit toujours par se poser. Une question que les membres du Politburo autogéré n’ont pas éludée : « Doit-on utiliser l’audience de la page pour relayer de temps à autre des luttes et initiatives, ou doit-on se cantonner dans le registre comique ? Quelles conditions, quelles limites, quel cadre ? Il y a aussi l’antisexisme qui a pris une importance plus grande au fil des années avec la commission “Féminisme et sécateur”. Même si nos visuels peuvent parfois encore être marqués par une forme de virilisme, on essaie de faire gaffe, et savoir si un visuel est “clean” à ce niveau-là ou pas peut engendrer des débats. Et qui tranche en cas de débat ? Est-ce la majorité qui doit l’emporter ? Dans la pratique, on en est arrivé à systématiquement s’aligner sur l’avis des filles du Politburo, les mecs n’ayant pas à dire aux copines ce qui est sexiste et ce qui ne l’est pas. Tout ça pour dire que les discussions sur la ligne à adopter dépassent largement le clivage coco/anar. Pour l’anecdote, un jour on discute d’un visuel bien sale où on reprend une photo du cadavre du Che exposé par la CIA et les Boliviens avec la légende suivante : « la pire gueule de bois de ma vie ». Il n’y a eu qu’une seule opposition à la publication de l’image… et c’était un admin anar pas du tout porté sur les figures marxistes-léninistes. »

Le compte ne sert pas uniquement au délire très politisé entre potes, mais soutient ouvertement et critique vertement. Dans un registre plus premier degré, on peut y trouver des dénonciations satiriques prenant pour cible, pêle-mêle : les sociaux-démocrates, les libéraux, le gouvernement français, et, bien sûr, la loi El Kohmri. Une sorte de double lecture est proposée : une autodérision vis-à-vis des tendances de gauche, mais aussi des revendications politiques directes. « Les deux ne sont pas incompatibles. On rit du militantisme mais nous sommes aussi des militants. Parfois, on a besoin de souffler un peu et de se lâcher sur nos propres courants politiques. Pratiquer l’autodérision et la démystification est nécessaire et nous permet de ne pas finir complètement bornés et sectaires. », explique le Politburo. Il s’agit aussi, pour les militants de gauche sur le web, de gagner du terrain par rapport à une extrême-droite ayant très bien compris et intégré les codes d’internet, particulièrement en France où ses représentants frontistes ou soraliens (les fanas d’Alain Soral) sont nombreux et actifs. « On sait où sont nos véritables ennemis, on sait aussi où sont nos vrais camarades et on ne va pas se priver de faire passer des messages. Le courant anarchostalinien n’a pas été pensé comme cela, mais on participe de fait un peu à un combat culturel. Il y a une hégémonie culturelle de la fachosphère à contester sur le net, il faut y opposer une culture gauchisante à l’aise avec les codes de l’internet moderne. Qu’en penserait Gramsci ? » En voilà une question qu’elle est bonne, d’ailleurs, nous y reviendrons plus tard.

Il y a quelques mois, le Courant affichait, en statut facebook, que le youtubeur Usul était venu leur rendre visite. Celui qui doit sa célébrité aux podcasts sur jeuxvideos.com et qui a maintenant sa propre chaîne de réflexion politique, fut aussi un des relayeurs principaux du mouvement #OnVautMieuxQueCa, en opposition à la réforme du code du travail français. Un mouvement qui a vu une frange jeune et connectée de la gauche française s’unir temporairement sous une seule bannière. « Il est venu sur une session de live youtube. On a aussi rencontré pas mal de gens qui nous suivaient sur facebook à travers les “Apéros du Politburo” organisés à la Fête de l’Huma. » Un lieu visiblement propice à la création, puisque les anarchostaliniens aimeraient décliner leur délire sur d’autres supports : « On a fait quelques vidéos. On a aussi conçu une version anarchostalinienne du Monopoly, mais faudra un jour qu’on pense à l’imprimer, l’idée d’un jeu vidéo anarchostal traîne dans nos cartons… Bref, ça part un peu dans tous les sens, mais y’a bien cette idée de rencontrer d’autres gens qui seraient dans cet état d’esprit et d’essayer de faire d’autre choses qu’une page facebook. Mais pour l’instant, rien de bien folichon, peut-être par manque de temps ou d’ambition. »

Du temps que les admins du « buro » ne considèrent pas comme perdu, et qui a servi à faire évoluer leurs organisations respectives tout en servant leur engagement : « L’expérience du Courant anarchostalinien nous a en revanche pas mal fait progresser dans notre pratique militante. » Au point de faire des émules ailleurs, sur d’autres campus étudiants et dans d’autres villes ? Après tout, c’est bien le propre de l’aspect réplicateur de la culture mème. Les membres du Courant ont effectivement vu naître quelques clones, localisés dans des villes universitaires françaises, et même belges : « Au départ, on a vu une page du courant anarchostalinien de Bruxelles qui s’est créée. On aurait pu prendre ça comme une usurpation mais la page était drôle et comme on avait reçu des demandes pour créer d’autres pages locales, on est partis dans le délire et on a lancé un appel à candidatures. Ces pages n’ont plus beaucoup d’activité aujourd’hui mais y’en a quand même qui continuent en suivant leur propre chemin. » Et le copié-collé ne s’arrête pas là : « À côté de ça, on a aussi ouvert des pages issues de délires du courant anarchostalinien comme “l’Action antifasciste nord-coréenne” ou “Féminisme et sécateur”. Mais on a rapidement tourné en rond et ces pages ne sont pas très alimentées. L’essaimage n’est pas toujours une réussite. »

Sabotage soviétique

Alors, finalement, le détournement permet-il de recréer une hégémonie culturelle propre aux aspirations de gauche, ou du moins, génère-t-elle une force d’agir politique ? Si, comme le pensait le fondateur du Parti communiste italien, Antonio Gramsci, le maintien de l’hégémonie capitaliste tient aux représentations culturelles agissant sur les travailleurs, un contrepoint passe-t-il par la mobilisation d’anciennes représentations ? « Désolé d’enfoncer une porte ouverte, mais il est toujours bon de rappeler que, par-delà les différences entre anarchistes, communistes et autres, il y a une base commune qui s’appelle le mouvement ouvrier », tiennent à rappeler les membres du Politburo autogéré, quand bien même les images n’ont plus le même sens qu’hier, diluées dans les souvenirs du passé et parfois ridiculisées par ses échecs. «  Peut-on parler avec quelqu’un de communisme, ou même tout simplement de perspectives anti-capitalistes et de révolution, sans que Staline et l’URSS n’arrivent à un moment donné dans la conversation ? On ne peut pas faire comme si Staline n’avait pas existé. Une subjectivité politique révolutionnaire doit de toute façon à un moment donné prendre en compte le passé. »

Selon le Courant, les figures qu’ils détournent détiennent toujours une force évocatrice, qui oscille quelque part entre le symbole militant et le détournement : « Qu’on le dénonce ou qu’on l’assume, Staline ne peut être passé sous silence. Et puis, paradoxalement, la brutalité de Staline contribue à entretenir le mythe. Dans l’une de nos familles, on disait de Robespierre : “Ok la guillotine tournait à plein régime, mais au moins pour une fois dans l’histoire, les riches y passaient aussi”. Pour Staline c’est pareil. À tort ou à raison, il incarne la peur des possédants et la revanche des classes populaires. C’est peut-être aussi parce qu’il n’y a plus rien pour faire peur aux puissants que Staline reste toujours une référence pour construire notre subjectivité politique. » Le Courant anarchostalinien n’a pas recours au mème dans le but de créer une puissance d’agir de gauche, il l’utilise car l’autodérision permet au moins de surmonter certaines divisions. « Encore aujourd’hui, on a un gros fond commun, on se retrouve en permanence dans les mêmes manifs et comités de lutte, et pourtant on s’étripe à la moindre occasion et on ressort à tout bout de champ les querelles de nos aînés. Pourquoi s’engueuler encore sur Kronstadt ? Et pourquoi poursuivre le duel Staline/Trotski alors que les deux sont morts depuis belle lurette et que l’URSS s’est effondrée quand nous ne savions même pas encore lire ? Pourtant, les appels à l’unité sont souvent des échecs. Soit parce qu’ils dégoulinent de naïveté et de bon sentiments façon bisounours, soit parce qu’ils ne sont que des discours de façade qui ne servent qu’à exiger des autres un ralliement sans condition. Si toutes nos querelles, nos mythes et nos idoles deviennent des sujets de blagues potaches, est-il encore raisonnable qu’ils soient prétexte à se prendre la tête ? »

Dernier paradoxe, et non des moindres, un des produits-phare du capitalisme numérique et de la « société du spectacle » tel que Facebook peut-il se révéler l’outil adéquat pour s’engager dans une lutte a minima culturelle ? « L’idée que tout passerait par là et que les révolutions s’organiseraient désormais sur les réseaux sociaux, c’est pas notre came » répond le Politburo. Ces militants en sont conscients : « La révolution ne sera pas un pique-nique », comme a pu le dire l’économiste Frédéric Lordon en face des Assemblées de Nuit Debout, encore moins un « event facebook », serait-on tenté d’ajouter. Dans la tradition du cultural jamming, le « sabotage culturel » 3, issu de la rencontre des expériences situationnistes et de la cyberculture, ils produisent pourtant des objets culturels subservifs, un hacking, à la fois détournement et autodétournement, avertissement pour les uns et vecteur de rassemblement pour les autres : « Négliger ces outils web, c’est laisser nos adversaires prendre plusieurs longueurs d’avance sur nous. »

Notes:

  1. Terme utilisé pour la première fois par Richard Dawkins en référence au gène biologique se définit comme un réplicateur culturel, une reproduction de l’image en simple copie ou en multiples variations sémantiques.
  2. SUD est l’acronyme de Solidaires, Unitaires et Démocratiques. Il s’agit d’une union syndicale française née en 1981. Ses nombreuses structures membres peuvent reprendre l’acronyme SUD dans leur appelation, dont SUD Étudiant, organisation étudiante française fondée en 1996.
  3. Frédéric Kaplan et Nicolas Nova placent la perspective situationniste entre autres origines du cultural jamming, concept qui « intègre différentes pratiques du détournement culturel. (…) Selon Mark Dery, dans son écrit « Cultural Jamming: Hacking, Slashing and Sniping in the Empire of Signs », la formule cultural jamming a été utilisée pour la première fois aux USA, par le collage band Negativeland pour décrire le sabotage des médias, dans le but de résister à l’envahissement des flux des médias de masse ». F. Kaplan & N. Nova, La culture internet des mèmes, Presse polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2016.

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