Une nouvelle revue qu’on me fait découvrir et dont le titre me séduit illico, L’or aux 13 îles. Le premier numéro a vu le jour en janvier 2010 déjà (j’suis pas en avance sur mon temps cette fois-ci ! ) ; il y en aurait quatre, m’a-t-on dit, mais je n’en possède que trois. On se renseigne auprès de Jean-Christophe Belotti, 7, rue de la Houzelle – F 77250 Veneux-Les-Sablons (jc.belotti@laposte.net). La finalité est aimablement définie dans le texte d’ouverture (Où le rêve trébuche sur sa réalité) : « Toute l’ambition de la revue prend sa source dans la possibilité qu’a notre esprit de se délier et de s’écarter du donné le moins exaltant, de tendre à ce dernier le miroir d’une liberté renouvelée en se libérant lui-même des signes figés que lui sert la seule fatigue du monde. Il s’agit de faire valoir cette liberté pour elle-même, et de donner à voir les résultats — toujours provisoires — de son action et de ce jeu sans fin. » Le contenu s’avère alléchant ; j’y épingle un article sur le génial Jan Svankmajer et un second (de 38 pages ! ) parfaitement remarquable sur l’Abbé Fouré, l’ermite de Rothéneuf, où l’on découvre nombre de documents iconographiques rarement (voire jamais) vus jusqu’ici. La thématique de la deuxième livraison, « L’homme hanté par l’animal », a tout pour plaire tant au niveau des plumes (Vincent & Gilles Bounoure, Bruno Montpied, Pierre Peuchmaurd entre autres) que du poil à gratter les yeux quant aux hallucinantes illustrations. Le n° 3 (« Alice in Wounded Land ») est tout aussi bandant. Toute une flopée de dessins et gravures d’Alan Glass, illustrant, entre autres, un poème de Leonora Carrington en justifient à eux seuls l’acquisition. Bref, une revue 100% impeccable. Restons un moment dans le domaine des images, si vous le voulez bien. J’ai adoré le Bestiaire non surveillé des indispensables PLONK & REPLONK qui ne sont plus à présenter. Leurs « belles images » sont ici animées, du moins pour ceux qui sont plus modernes que moi et sont capables de scanner avec une tablette ou un téléphone le QR Code situé sous l’image afin de visionner l’animation en ligne. « Depuis la nuit des temps, l’homme suppose que les animaux se cachent dans une autre dimension quantique, qu’ils y vivent et s’y épanouissent selon des critères qui nous sont totalement étrangers. Nous avons réussi à percer le cylindre et à nous introduire dans l’intimité de quelques spécimens », affirment les artistes. Et la révélation est à mourir de rire. Même plaisir d’humour (qui, contrairement à l’autre, dure plus qu’un moment) grâce à Sébastien Fayard fait des trucs (Yellow Now, Côté photo avec l’aide de la Galerie 100 Titres). Cet acteur et performeur nous livre des photos qui visent à détourner des clichés (ça ne laisse pas d’être poilant) qui prennent au pied de la lettre des phrases toutes faites et autres poncifs. Emmanuel d’Autreppe résume très bien ce dont il s’agit : » L’air de rien, sans avoir l’air d’y toucher, à travers de petites mises en scène absurdes et des jeux de mots flirtant volontiers avec le consternant, il élabore une entreprise non seulement très drôle, mais aussi pertinente et impertinente, utilement critique et irrévérencieuse envers les diktats de l’art ou l’autoréférence triomphante, le règne des ambitions ronronnantes ou encore les épineuses et robustes imperfections de notre quotidien en société. » J’adore. Toujours chez Yellow Now, Côté arts cette fois, & 100 Titres, plongez-vous donc dans le Flipchart de Benoît PIRET. « En fin de séminaires organisés par des entreprises, l’artiste a recueilli les feuilles de flipchart — au format 100 x 70 cm avec leur quadrillage imprimé et leurs six trous en haut de page — qui ont servi aux exposés et échanges de vues. Tout en conservant textes, chiffres et schémas originaux réalisés à l’aide de marqueurs rouges, verts, bleus ou noirs, il intervient ensuite avec un travail plastique qui tient à la fois de l’esprit du pochoir caractéristique du street art et de la pixellisation propre à la numérisation des images. En confrontation avec le langage issu du marketing, Benoît Piret superpose, en noir ou en couleurs, de tout autres repères, issus de la nature, des tragédies du monde, des illustrations anciennes ou plus récentes ou encore des portraits d’artistes. » Et c’est vraiment super chouette.
Un roman inédit de Georges PEREC, on croit rêver ! Mais non, car voici L’attentat à Sarajevo, que publie La Librairie du XXIème Siècle, au Seuil. Ce roman, datant de 1957, fut le tout premier de l’auteur car il n’avait que 21 ans lorsqu’il s’essaya à l’écriture. Certes, ce n’est pas un chef-d’œuvre comme ce qu’il écrivit par la suite au cours de sa trop brève existence mais ça se lit sans déplaisir aucun. Un immense type à redécouvrir, c’est Jacques-B. BRUNIUS, dont les Éditions du Sandre viennent de publier Dans l’ombre où les regards se nouent (Écrits sur le cinéma, l’art, la politique 1926 – 1963). Dans une lettre à Claude Roy, cet homme écrit ces lignes qui le définissent parfaitement : « Je suis tout à fait découragé de perdre mon temps avec des gens de cinéma, et le théâtre m’intéresse beaucoup plus désormais ; il est peut-être un peu absurde de me lancer à mon âge dans une nouvelle carrière d’où je pars à peu près de zéro. Mais j’ai été ainsi toute mon existence. Je n’ai presque rien publié mais mon nom figure dans des tas d’index en fin de livres. Je n’ai presque pas fait de films mais quelques jeunes me tiennent pour leur maître, et j’ai laissé une petite marque là où j’en avais envie. Je n’étais clairement pas fait pour réussir, mais pour une étrange carrière semi-occulte et dispersée. Je n’y peux rien. Ou plutôt si, je pourrais agir autrement si je m’y décidais, mais ce serait au prix de contrarier ma nature, mes inclinations. Alors à quoi bon ? » Toujours est-il que le volume dépasse les 500 pages, ce qui est impressionnant pour quelqu’un qui considère qu’il n’a pas écrit grand-chose. Ça part dans tous les sens, traitant de Metropolis, du Cabinet du docteur Caligari, d’Un chien andalou, de L’Opéra de quat’ sous ou encore de L’Atalante, pour ne citer que quelques œuvres impérissables. Mais on peut lire aussi diverses lettres à André Breton pour le moins intéressantes, une étude sur le Jabberwocky de Lewis Carroll qui vaut fichtrement le détour, des propos intelligents sur les Nouvelles Impressions d’Afrique, etc. Et puis c’est sans doute le premier à avoir en quelque sorte « révélé » le Palais idéal du Facteur Cheval et c’est grâce à son enthousiasme pour ce monument hors normes que ses amis surréalistes s’y sont intéressés. C’est pas rien, quand même ! Ne loupez pas les « Témoignages » qui suivent. Je ne résiste pas à en citer tous leurs auteurs (vous comprendrez) : Yannick Bellon, Freddy Buache, Paul Grimault, Maurice Henry, Ado Kyrou, Jean-Paul Le Chanois, Jean Oberlé, Jacques Prévert, Pierre Prévert, Jean Renoir. À découvrir ainsi que je l’ai fait, volant de surprise en surprise. En cette époque où se joue la présidence des États-Unis, pas question de rater Fields président, une parodie de programme électoral populiste parue en 1940, que republie utilement Wombat. Tout y passe, impôts, éducation, santé, beau sexe, affaires, spiritueux, corruption, … et l’on se tord à de multiples reprises. Certains propos de William Claude Dukenfield, dit W.C. Fields sont gravés dans toutes les mémoires : Quelqu’un qui déteste les enfants et les chiens ne peut être tout à fait mauvais ou Tout le monde a besoin de croire en quelque chose. Moi je crois que je vais reprendre une bière. Que ceux que l’ignoble Donald Trump voire Hilary toussant énervent se ruent dans ce bouquin qui flingue à tout va avec un humour caustique et décapant résolument moderne. Un autre zig qui m’a fait bien me marrer c’est Gérard BASTIDE dans L’INTRÉPIDE CENTRIPÈTE à la recherche du Centre (Artisans voyageurs éditeurs, Collection Les Vélocipédiques). Immense merci à Nicolas de m’avoir conseillé cette lecture ébouriffante. Un pur « excentrique » décide d’enfourcher sa bécane pour « se recentrer » sur le sens à donner à sa vie et se lance pour ce faire dans des tribulations géopoétiques à travers l’Hexagone. C’est qu’il en existe une flopée de cœurs du monde, nombrils, centres, milieux, axes et sa quête initiatique l’amène à de profondes réflexions sur la notion même des centres, topographiques, politiques, historiques, philosophiques, religieux, … avec une érudition sans faille quoique un tantinet décalée. C’est assez génial. Et puis il a créé ce mot qui m’a sauté à la figure et dans lequel je me suis tout de suite reconnu et ai d’ailleurs adopté illico : « Inventurier ».
Les pataphysiciens ont, pour leur part, déjà dévoré de bout en bout les Écrits pataphysiques complets de Sa Feue Magnificence LUTEMBI, absolument indispensables. Ceux qui s’intéressent à la Nature de l’Univers, au Problème de la croyance au XXème siècle, aux Origines des extravasations diluviennes, voire à l’Histoire qui repasse les plats ne peuvent en nul cas manquer de méditer sur ces pages… Les mêmes auront également apprécié les XIII Icônes de Sa (neuve) Magnificence, Tanya PEIXOTO, portraits assez rafraîchissants de saints séculiers réels ou imaginaires (c’est équivalent). Ils auront aussi chéri à sa juste valeur la merveille de livre (— Je n’exagère pas, croyez-moi ; cette impression bicolore sur papier Platine Curieux et ces illustrations collées soigneusement chacune à la main suscitent une admiration sans bornes) publié Au crayon qui tue, L’extravagante réussite de Miguel de Cervantès & William Shakespeare, du Transcendant Satrape Fernando ARRABAL. Je ne vous en dis rien pour que votre plaisir point défloré, conserve donc sa virginité. (— Y a des moments où je me fais honte d’écrire. ) Chez le même éditeur, montrez-vous donc sensibles à un charmant opuscule de Jean-Luc PARANT, Le silence du monde. Jouxtant un très beau texte, ces dessins réalisés sur des feuilles imprimées en braille sont du genre réussis. Une seule adresse pour se procurer ces quatre ouvrages : 51 A, rue du Volga – F 75020 Paris. Les Éditions du Basson (28, rue de l’Ange 6001 Marcinelle) m’ont réjoui à deux reprises. D’abord par un recueil de « poésies dangereuses » dans leur Collection « Enfants Trash », La poupée au micro-ondes, textes de Dominique WATRIN et illustrations de Florence WEISER (Interdit aux moins de 3 ans). Un délice. Ensuite par cette merveille de Dominique MEEÙS, 52 recettes de cuisine anthropophagique joyeusement et joliment illustrées. Dédié à Jonathan Swift, immortel auteur de la Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres d’Irlande d’être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public que tout le monde devrait connaître, ce VRAI livre de cuisine vous apprendra la manière de préparer un succulent jarret de vieux aux chicons, un chasseur sauce lapin, une cuisse de grenouille de bénitier, la langue de concierge sauce piquante, l’overdosé aux fines herbes ou encore une empotée Bretonne. Végétariens et culs gercés s’abstenir absolument.
Bon ! Il me faut passer au Cactus inébranlable, vous n’y couperez pas ! En ces temps pourris qu’on désigne par ces mots « La rentrée littéraire », mon pote Jean-Bernard Pouy m’écrivit un jour : — Je ne rentre pas, moi. Je pénètre. Eh ben, Le Cactus, c’est pareil. Sept d’un coup, comme le vaillant petit Ailleurs (dans la Collection « Les p’tits cactus », qui s’est spécialisée dans l’aphorisme). J’adopte l’ordre alphabétique et comme l’exception infirme la règle j’en garde une pour la fin (dans le ou du Monde, c’est comme vous voulez). Alain HELISSEN nous propose un abécédaire disjoncté, bien illustré par Émelyne DUVAL, une jeune talentueuse qui risque bien à l’avenir de nous surprendre, Des lettres de la Voie Lactée. Abri de fortune abrite surtout l’infortune. • Vague à l’âme s’en va parfois avec la marée descendante. • Écrire ses mémoires en comblant les trous avec son imagination. À siroter sans modération. Notre ami Jacky LEGGE, explorateur littéraire passionné par les cimetières, l’architecture funéraire, les décrottoirs et les empêche-pipi, nous livre des « Réflexions sans importance, sauf quelques-unes » sous le titre (L’)Armes à feu et à sang. Parfois ironique, voire cynique, mais souvent drôle, il traite (non des blanches mais) de la violence, de l’injustice, de la guerre, de l’armée, avec ce côté souriant en coin ou riant sous cape qu’on lui connaît. Sous les pavés, / La plage. / Sous les matraques, / La réalité. • Au prononcé de sa condamnation à mort, l’écologiste exigea que sa chaise électrique fût raccordée à une éolienne. • Ce que préfère le démineur, c’est désamorcer les mines d’enterrement. MICKOMIX (pseudonyme de Mickaël Serré), artiste athée, mais créant, illustre, dans L’esprit fera peur, de ses dessins explosifs ses aphorismes ravageurs. Je suis non-violent, mais pacifiste que ça non plus ! • La femme du plombier était chaude hier. • La marée noire éprouve l’angoisse de la plage blanche. Dans Les Hamsters de l’agacement, Francesco PITTAU mêle à la cruauté (qui n’est jamais qu’un excès de réalisme) l’absurde, la franche bouffonnerie, mais aussi souvent la vraie poésie. Même les amibes ont une âme immortelle. • Quand tu montes un descente et que tu descends une montée, il est bien possible que tu commences à comprendre le sens de l’existence. • Il sentit la nuit tomber sur sa nuque comme la lame froide d’un couteau à pain. Thierry ROQUET mord juste et les dents acérées. L’Ampleur des astres offre un très subtil cocktail plutôt enivrant. Là-bas, ils ont le Tigre et l’Euphrate. Ici, on a les tags et les frites. • J’ai le sens de l’honneur, avec un doigt. • Aux forces de l’ordre, je préfère la faiblesse de mon désordre. L’humour de Dominique SAINT-DIZIER dépasse les frontières, y compris celles de l’entendement. Aussi, Indocile heureux se lit avec grand plaisir. Dos au mur, même un lâche ne recule devant rien. • Parler pour ne rien dire. Pourquoi pas, encore faut-il trouver les mots justes. • Est-il nécessaire de rappeler que les imbéciles heureux prennent tout pour argent content ? Et puis, il y a cet ovni de l’impayable Freddy TOUGAUX alias David GREUSE (Vous le connaissez, vous avez sans doute tous entendu « Ça va daller ») qui se coupe non en quatre mais en deux et nous assène d’un côté Unique double sens & de l’autre Double sens unique. Sur les cendres de la démocratie, nous irons aux urnes. • Le rire est grand, Aha Akbar. • Lancez des affirmations à la face d’un fou, irrémédiablement il dément. • Il faut savoir s’arrêterrrrrrrrrrrrr !