Les mutations du club du Paris Saint-Germain et de son public constituent assurément un véritable repoussoir et une hantise pour tous les supporters dénonçant les dérives du foot business. Jusqu’en 2010, l’équipe de la capitale française n’avait pas le palmarès d’un cador historique du championnat national.Elle avait même accumulé, durant les années 2000, des séries de mauvais résultats, risquant la relégation. Elle bénéficiait cependant du soutien d’un des publics les plus chauds de l’hexagone, capable d’y mettre une des ambiances les plus réputées en Europe (pour le meilleur et, parfois, pour le pire).
Au Parc des Princes, le stade du PSG, la ferveur montait des deux tribunes situées derrière les buts. Le Kop Boulogne (fondé fin des années 70) faisait face au Virage Auteuil (créé dans les années 90). La dénomination des deux groupes témoigne d’influences culturelles distinctes. Boulogne s’inspire du modèle anglais, Auteuil à un côté davantage à l’italienne [voir « Ultras » p. 40]. Ce ne sont pas là les seules différences majeures qui les caractérisent : le Kop a acquis au fil des années la réputation d’être une tribune nationaliste et résolument « blanche », voire un repère pour certains néo-nazis, pendant que le Virage se veut clairement un reflet de la multiculturalité de la société francilienne.
Après une période initiale de non-agression, ces antagonismes radicaux vont donner lieu à des heurts et à des confrontations violentes entre les « noyaux-durs » des deux camps. Deux personnes trouveront la mort. Pour résoudre le problème, le président du club, alors propriété du groupe Canal +, va prendre une décision drastique : en mai 2010, quelques semaines après le second décès dû à des incidents entre supporters parisiens, il annonce la mise sur pied du plan « Tous PSG ». Celui-ci comprends des mesures telles que la suppression des abonnements en tribunes Boulogne et Auteuil, remplacés par un placement « aléatoire ». Les milliers de supporters qui ont l’habitude d’y voir les matchs ne peuvent plus choisir leur place, c’est le système informatique de la billetterie qui le fait pour eux. Les groupes sont de fait démantelés (ceux qui étaient suspectés de violence font quand à eux l’objet d’une dissolution en bonne et due forme).
Le bébé a donc été jeté avec l’eau du bain. De nombreux observateurs ne cesseront d’ailleurs d’affirmer qu’il aurait été possible d’affronter plus minutieusement le réel problème pour la sécurité publique que constituait la tension, devenue ingérable, entre groupes parisiens rivaux. Quelques mesures d’assouplissement seront prises mais le mal est fait : il ne se réparera plus. Lors de la saison 2010-2011, l’affluence au Parc des Prince atteindra un niveau historiquement bas : certains matchs se jouent devant cinq mille personnes. Et, cerise sur le gâteau, le 30 juin 2011 de cette saison, le groupe Canal + revend le club au Quatari Sports Investments.
Les Quatari vont alors bâtir à coup de pétrodollars une équipe de stars qui écrase désormais la compétition nationale et ambitionne de remporter la Ligue des Champions. Les maillots et les survêtements du PSG se vendent comme des petits pains dans le monde entier. Dans les tribunes du Parc, on trouve désormais un nouveau public, invité à se comporter en clients d’une animation plutôt qu’en supporters fanatiques. L’ambiance est fade mais les affaires, elles, sont bonnes.