Cette année, du 17 au 20 novembre, le Festival Voix de Femmes fêtera sa dixième édition. Vingt ans déjà que ce Festival pas comme les autres nous emmène aux quatre coins du monde, nous faisant découvrir le chant, la parole, les silences, et les combats des femmes. Mais aussi de la danse, du cinéma, du théâtre, des arts plastiques… Rencontres, forums, expos, ateliers, journée des associations, ciné-club… Un programme d’une densité extraordinaire.
Cette édition anniversaire est l’occasion de revenir aux sources et de reparcourir, en compagnie de sa directrice, Brigitte Kaquet, vingt ans de cheminement et de passion.
Le Festival Voix de Femmes est né il y a vingt ans au sein du Cirque Divers à Liège. Parmi les divers secteurs du Cirque Divers, Brigitte Kaquet, directrice du Festival Voix de Femmes, s’occupait de l’atelier de recherche théâtrale. Elle se souvient : « Dans le cadre de l’atelier de recherche théâtrale, j’organisais différents ateliers pédagogiques de disciplines artistiques sur le chant, la voix, la danse… On faisait aussi des créations. En partie à cause des études que j’avais faites au Danemark, j’ai rencontré le « Magdalena Project » qui se trouve à Cardiffe. J’y ai organisé un premier festival il y a vingt-cinq ans, à l’époque de la création du « Magdalena Project ». Dès le départ, le « Magdalena » a fonctionné comme un réseau dans lequel chacune des participantes pouvait lancer un projet et le réaliser chez elle. En 86, il y a eu un Festival Voix de Femmes à Cardiffe, et celui-ci a vraiment marqué les consciences car on ressentait très fort que quelque chose reliait les femmes entre elles à travers la voix. J’ai alors décidé d’organiser un Festival Voix de Femmes à Liège. »
Pour cette première édition, Brigitte Kaquet invite quelques femmes artistes et pédagogues qui faisaient partie du « Magdalena Project ». L’objectif est de faire se rencontrer disciplines artistiques et pédagogie. Le festival dure dix jours au cours desquels s’alternent concerts et ateliers. Ainsi naît le principe d’un festival pédagogique en résidence, puisque toutes les participantes restent sur place les dix jours.
Les grandes étapes
Qu’est-ce qui a véritablement changé en vingt ans ? Quelles sont les évolutions ? Quelles spécificités ont, au fil des éditions, fait du Festival Voix de Femmes ce qu’il est aujourd’hui ?
« Un premier grand tournant est intervenu lorsque nous avons commencé à inviter des artistes africaines » explique Brigitte Kaquet. « Elles ont changé la donne au niveau de la pédagogie. La méthodologie y est radicalement différente par rapport à l’Europe. En Afrique, la transmission est surtout orale, et passe par tous les événements tout au long de la vie : naissances, mariages, fêtes… On a donc dû modifier les approches des ateliers et on a ajouté les rencontres entre artistes, ce qui a donné lieu plus tard aux journées « Cultures en Résistance ». Un autre changement a eu lieu en 2000. Suite à la fermeture du Cirque Divers, le Festival s’est organisé à Bruxelles, aux Halles de Schaerebeek. Laurence Vanpaeschen, journaliste à C4, avait rencontré au Liban Waddad Halwani, fondatrice d’un comité de personnes disparues. En discutant ensemble, nous avons eu l’idée d’inviter plusieurs femmes impliquées dans des comités de disparus de par le monde. On a invité ensemble quatorze femmes proches de personnes enlevées ou disparues originaires du Chili, du Liban, du Maroc, d’Algérie, d’Argentine… C’était la première rencontre du Réseau des mères, épouses, sœurs, filles, proches de personnes enlevées ou disparues. Le Réseau est rapidement devenu un élément central du Festival Voix de Femmes, qui a aussi orienté son évolution et ses contenus. L’aspect politique du Festival qui était amené jusque là par la diversité des cultures et les rencontres « Cultures en résistance », s’est trouvé amplifié, d’une manière peut-être encore plus fondamentale, par la création du Réseau.
Les autres changements sont davantage de type institutionnel. Sur une décennie, de 2000 à aujourd’hui, le Festival est passé par des lieux aussi différents que les Halles de Schaerebeek, le Flagey, le Mamac à Liège, pour atterrir finalement au Manège Fonck.
Brigitte Kaquet insiste : « Ça peut sembler anodin, mais ces changements demandent une énergie et un travail incroyables. Chaque nouveau lieu implique une dynamique différente, mais également des choix artistiques spécifiques. Par exemple, l’édition du Mamac était complètement surréaliste… Il y avait un petit public, c’était un retour au bricolage des débuts, aux petits espaces, mais en même temps, j’en garde un excellent souvenir car c’était très intense au niveau des rencontres entre les artistes, les mères, les participants aux ateliers… Les éditions aux Halles de Schaerebeek étaient difficiles en termes de charge de travail, mais l’espace était idéal pour le concept de résidence. On pouvait, sans quitter les Halles, participer à des concerts, des Forums, des rencontres, tout en passant par le catering où tout le monde se retrouvait. C’était plein de convivialité. Le Manège est un espace magnifique, mais nous n’y avons organisé qu’une édition encore, et nous devons encore trouver nos marques… A Anvers, le Zuidersperhuis est resté depuis 2000 un partenaire constant. Cette année, à Bruxelles, on travaille avec le Senghor. Le Flagey était un très beau lieu, mais très institutionnel, et c’était vraiment très difficile d’en faire un espace de convivialité.»
L’édition anniversaire : quatre jours intenses
En raison de difficultés budgétaires, l’équipe du Festival Voix de Femmes s’est trouvée face à des choix stratégiques importants. Dès lors, la formule s’est resserrée : « Au lieu d’avoir un Festival de dix jours, on aura un Festival de quatre jours. L’édition est dédiée aux associations de femmes. J’avais souhaité pouvoir présenter une édition anniversaire comportant la totalité du Festival tel qu’il a existé, mais nous avons dû faire des choix, et finalement, nous avons en quelque sorte tout rassemblé sur quatre jours. Evidemment, il va y avoir des moments qui se chevauchent ou se superposent, et le public devra choisir, mais c’est un vrai défi, et l’équipe et moi-même avons un bon feeling. Les soirées seront intenses, avec trois ou quatre concerts qui se succèdent. On verra ce que ça donne, c’est un challenge, mais j’ai confiance. »
Les coups de cœur de la directrice artistique pour cette édition à venir ? Sans détour, elle avance le nom des Intwatwa. « Ce sont quatre femmes twa du Rwanda. Elles sont déjà âgées. Elles chantent et elles tapent des mains. Elles sont accompagnées de deux musiciens insensés. Elles suscitent un incroyable élan de tendresse et de joie. C’est un vrai coup de cœur ! Ensuite il y a les Deba de Mayotte. Ce sont des associations de femmes qui pratiquent le chant soufi. Ce sont des femmes de toutes générations, et ce n’est jamais deux fois le même groupe, on a chaque fois une composition différente.
De belles découvertes en perspective… Et pour ceux et celles qui auraient envie d’en savoir plus sur le Festival, un livre est en préparation, en collaboration avec D’une certaine Gaieté.