L’histoire veut que le 28 octobre 1950, les supporters réputés bouillants du club croate de l’Hadjuk Split s’inspirèrent des images de fans sud-américains vues à la télévision, l’été précédent – notamment lors d’un Brésil-Yougoslavie pendant la coupe du monde –, pour préparer la réception de leur rivaux serbes de l’Étoile Rouge de Belgrade. Au Brésil, les groupes de supporters se nomment Torcida Organizada. Le groupe de jeunes qui soutient l’Hadjuk prend alors le nom de Torcida Split. On les considère comme les initiateurs du style ultra, celui qui consiste à montrer son soutien à ses couleurs en faisant usage de véritables scénographies (avec chants, voiles, drapeaux, tambours, chorégraphies, banderoles, fumigènes, pétards,…).
Le nom d’ultra, lui, n’existe pas encore, il vient plus tard. Les premiers à l’utiliser sont des supporters de la Sampdoria de Gênes qui décident de s’appeler « ultras Tito Cucchiaroni » (du nom d’un buteur argentin qui évoluait alors pour l’équipe blucerchiata). À l’époque, en Italie, beaucoup de groupes informels animent les tribunes à la manière du Torcida Split. Le premier d’entre eux à voir le jour avait été celui des « Fedelissimi Granata » (du Torino), en 1951. Mais la fermentation sociale qui saisit la botte à la fin des années 1960 change un peu la donne.
En Italie, Mai 68 dure jusqu’en 77. Une bonne partie de la jeunesse entre en ébullition et les remous générés par la sitution passent par les stades. Un peu partout dans les curves (les virages), l’endroit dans le stade où ont trouve les places les moins chères, les tifosi (les supporters enthousiastes et fanatiques) donnent naissance à des groupes qui refusent désormais leur condition de simples spectateurs pour devenir acteurs et jouer le rôle de douzième homme décisif. Ils donnent naissance à des organisations caractéristiques de ce qui va constituer, au-delà du style et de l’esthétique expressive dont ils font preuve en tribune, le mouvement ultra : solidarité entre membres et respect de l’ancienneté, indépendance (notamment financière) par rapport aux dirigeants des institutions (fédérations et clubs).
Cette dernière particularité leur permet de se poser, le cas échéant, comme un véritable groupe de pression défendant l’histoire et les intérêts du club. Cela explique en partie pourquoi les instances dirigeantes du football et les pouvoirs publics leur mènent la vie si dure – en interdisant leur matériel, censurant leur banderole, démantelant leur organisation [voir « Le Parc des Princes » p.49]. Les ultras développent une conception conflictuelle du football : ils s’opposent à ce qu’il appellent le « foot business », ils défient leurs homologues adverses par des tifos qui peuvent avoir recours à la provocation et ne fuient pas nécessairement la confrontation physique (sans pour autant la chercher systématiquement, comme le font les hooligans). Dans un même temps, chaque groupe construit également un réseau d’amitiés et de solidarités internationales [voir « Amitiés ultras », page 60].
D’Italie, le mouvement ultra se répand dans toute l’Europe du sud pendant les années 1980 pour finir par atteindre tout le continent durant la décennie suivante. À l’exception de la Green Army du Celtic de Glasgow, les Britanniques restent insensibles à la tendance ultra. Au Standard de Liège, deux groupes se revendiquent de cette mouvance, les Ultras Inferno 96 (date de leur fondation) qui occupent la tribune 3 (avec le Hell Side), côté terril et, en face, en T4, au bord de la Meuse, on trouve le Publik Hysterik Kaos 2004 (PHK).