Fan Coaching

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Malgré l’ampleur du drame du Heysel en 1985, le ministre de l’Intérieur ne démissionne pas (ce serait reconnaître la responsabilité de l’État) et, comme toujours, une commission d’enquête est mise en place. Celle-ci démontre qu’il est nécessaire de mener une politique de rénovation des stades pour les mettre aux normes de sécurité mais aussi qu’il existe, en Belgique, un problème de hooliganisme et qu’il doit être traîté par la répression policière. Très peu de place est alors faite à la prévention.

Des chercheurs de la Katholieke Universiteit Leuven ( KUL), remarquant l’inefficacité de la répression, initient alors à l’Antwerp un premier projet basé sur ce qu’ils nomment « la prévention radicale ». Peu après, un dispositif s’inspirant de leur expérience est mis sur pied au Standard. Nous sommes en 1990 et le Fan Coaching est né. Institutionnellement, il s’agit d’un partenariat entre le Standard, la Ville de Liège et l’Université de Liège qui s’inscrira initialement dans le cadre des contrats de sécurité pour ensuite passer dans celui, plus confortable, du plan de prévention. Formellement, c’est une recherche- action menée par une équipe sous la direction scientifique du professeur George Kellens.

Il faut dire qu’à l’époque, la petite équipe coordonnée par Manuel Comeron a fort à faire puisqu’elle doit travailler avec « le Hell Side de la grande époque ». En effet, si d’un point de vue sportif, l’équipe ne parvient pas à se relever des séquelles de « l’affaire Standard-Waterschei », le groupe de hooligans qui gravite autour du club est indiscutablement l’ennemi public numéro 1 du foot belge.

S’inspirant notamment des travaux théoriques du professeur Lode Walgrave qui avait participé à l’expérience pilote menée à l’Antwerp, le Fan Coaching du Standard développa ce qu’ils appellent « une socio-prévention offensive ». Cette approche consiste à ne plus concevoir le groupe-cible comme une source de danger dont il conviendrait de se prémunir en la contrôlant mais comme une réserve d’opportunités et de possibilités à développer. Il s’agira donc d’accompagner des membres du Hell Side dans une démarche qui visera à les intégrer à la construction de la problématique dont ils font partie – les associant ainsi à l’élaboration des solutions. Le tout en visant à établir et à maintenir des liens de confiance et en favorisant l’autonomisation des personnes avec qui le travail est mené.

Les spoters (policiers en civil qui accompagnent les supporters) surnomment ironiquement alors le Fan Coaching : « Le Thomas Cook du Hell Side ». En effet, les hooligans font du saut à l’élastique et du rafting. Mais ils vont aussi au Mondial anti- raciste en Italie, construisent leur local en face de la tribune 1, organisent un convoi humanitaire pour venir en aide aux victimes de la guerre en ex-Yougoslavie. Et le projet qui fonctionne comme une courroie de transmission entre les jeunes membres du « noyau dur » d’une part et les institutions et la société d’autre part porte ses fruits.

Aujourd’hui, le local du Fan Coaching se trouve toujours au même endroit. Nous y avons mené la presque totalité des ateliers d’écriture qui ont produit la plupart des textes qui composent ce dossier. Le projet a, en partie, pris un virage décidément inspiré par l’éducation permanente en accompagnant des groupes de supporters dans la création de productions culturelles – la pièce de théâtre « On s’en foot », qui a connu un succès retentissant, les différentes éditions des soirées lectures intitulées « Des livres et du foot » ou encore le présent numéro de C4 en sont les témoignages les plus visibles.

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Sommaire n°228 été 2016