Courage : fuyons !

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Eloge Fuite 1Bien sûr, on n’en est pas encore arrivés là. Mais on ne peut plus sérieusement nier qu’avec l’avènement de la coalition suédoise, le champ des possibles politiques a changé dans notre pays. On a longtemps regardé la Hongrie de Victor Orban ou l’Autriche de Jorg Haider avec une indignation relativement confortable. On a aussi beaucoup glosé, concernés mais pas tant que ça, sur le potentiel avenir présidentiel de Marine Le Pen. Aujourd’hui, c’est bien chez nous, au niveau fédéral, que s’installe un composé de droite décomplexée, néo-conservatrice et un brin autoritaire.
Bien sûr, on n’en est pas encore arrivés là, mais est-il toujours aussi alarmiste de penser que ça pourrait finir très mal ? Toujours difficile à prévoir – et puis il faut se méfier de la puissance des croyances réalisatrices : on envisage le pire donc il advient. Un capitalisme autoritaire saurait-il s’installer dans nos contrées ? Difficile à prévoir avec certitude. Et si cela advenait, la situation serait-elle tenable ?
On peut en douter.
Bien sûr, on n’en est pas encore là, mais si ça part en sucettes, faudra pas attendre d’en être certains pour avoir une solution de repli. Se barrer pourrait apparaître comme une option. Et une fuite, ça se prépare. En sachant avant tout dans quelle direction partir.
Bien sûr, on n’en est pas encore arrivés là, mais si on doit foutre le camp, où pourrait-on aller  ? De manière aléatoire, nous avons exploré le monde, à partir d’expériences vécues, à la recherche du meilleur port d’attache.

La Brésilienne

Eloge Fuite 2« Se révolter, c’est courir à sa perte […], et la révolte, seule, aboutit rapidement à la soumission du révolté… Il ne reste plus que la fuite. » Courage, fuyons ! C’est ce que semble nous dire en substance Henri Laborit, neurobiologiste et philosophe, dans son ouvrage Éloge de la fuite paru en 1976. Fuir pour résister, fuir pour exister, fuir pour (se) reconstruire. Et pourquoi ne pas fuir au Brésil, à Porto Alegre, la ville qui voulait démocratiser radicalement la démocratie ?

La capitale de l’État du Rio Grande do Sul, métropole de plus d’un million d’habitants qui s’étend du nord au sud sur les rives du Lac Guaiba, est nichée à l’extrême sud du Brésil. Mais à vrai dire, on s’y sentirait presque chez soi, comme dans de nombreuses grandes villes européennes. Un paysage urbain, étendu, qui fait la part belle au tout voiture. Une ville laide, bruyante, en tension, avec son hyper-centre et sa ségrégation spatiale. Mais aussi ses îlots de tranquillité, ses parcs, sa rue des bars et ses quartiers alternatifs. Une ville sans palmiers mais avec des saisons et un hiver froid, ou presque. Pas de caïpirinha à siroter sur la plage mais de la bonne bière à boire à la bouteille dans un club rock.

Enfin, une ville métissée mais à la population majoritairement blanche, une rareté au Brésil, puisque ce sont principalement des vagues d’immigration allemandes, italiennes, hollandaises ou polonaises qui ont façonné l’endroit.

Fuir. Partir. Quitter Charles, Bart, Jan, Théo et louper l’anniversaire de Bob. En soi c’est déjà une chose, et une bonne diront certains. Mais traverser l’Atlantique pour atterrir dans une métropole latino-américaine européanisée, ou l’inverse, c’est tout de suite moins engageant.
Tout ça pour ça. Oui mais.

« L’espoir d’une nouvelle
démocratie »

Oui mais voilà. Outre son maté, sa culture gaucha et son derby footballistique Grenal endiablé, la ville est surtout mondialement connue pour avoir hébergé les trois premières éditions du Forum Social Mondial. En 2001, 2002 et 2003, tout ce que la planète compte d’altermondialistes se retrouve à Porto Alegre pour poser les bases d’une autre mondialisation, en parallèle au Forum Économique Mondial de Davos. Porto Alegre érigée en capitale de l’alternative, en nouveau recours au néolibéralisme. Et pour cause : plus de vingt ans avant le FSM, la ville était déjà le théâtre d’une expérience unique en son genre. En 1988, Olivio Dutra, homme politique brésilien et premier maire de Porto Alegre élu démocratiquement, instaure le budget participatif dans la capitale du Rio Grande do Sul.

Cet orçamento participativo est à l’initiative du Parti des Travailleurs. Le PT a vu le jour en 1980 à São Paulo dans le sillage des grandes grèves ouvrières et de la lutte pour la démocratie. Ce parti, dont sont issus les deux derniers présidents du Brésil, Lula et Dilma Roussef, prône à l’époque la participation populaire et va réussir à l’appliquer dans la métropole portalegrense qui compte déjà plus d’un million d’habitants. La démocratie participative se veut un système qui favorise l’implication directe des citoyens dans la gestion des affaires publiques. Porto Alegre a choisi le budget participatif comme outil de décision pour l’utilisation des ressources publiques.

De manière concrète, dans un cycle annuel, les habitants se réunissent par quartiers, appelés « regiões », pour des réunions préparatoires. Ils votent ensuite les priorités pour leur secteur comme la santé, l’éducation, le logement, etc, et élisent les délégués et les conseillers qui seront chargés de négocier les projets avec la mairie selon les possibilités techniques et financières. Les travaux retenus sont alors budgétisés avant d’être réalisés les années suivantes. Ce système permet, sous cette forme, à la classe populaire de s’exprimer dans le débat public et d’améliorer ses conditions de vie. Pour Marion Gret et Yves Sintomer, universitaires français et auteurs en 2006 de l’ouvrage Porto Alegre. L’espoir d’une autre démocratie, « son budget participatif apparaît comme un espoir pour tous ceux qui sont insatisfaits des limites actuelles de la démocratie et luttent pour la justice sociale ».

On estime que, chaque année, environ 5% de la population participe à l’élaboration du budget de la ville. En 2013, 174 millions de reais (autour de 58 millions d’euros) ont été dépensés et depuis 25 ans, cela a permis la réhabilitation de quartiers entiers, du goudronnage des routes à l’installation d’éclairages publics en passant par la construction de postes de santé jusqu’à la réfection d’écoles.

De l’innovation à
l’institutionnalisation

« […] car la révolte, si elle se réalise en groupe, retrouve aussitôt une échelle hiérarchique de soumission à l’intérieur du groupe […] » Ces mots sont ceux qui manquent à la citation initiale de cet article et rendent complet le propos d’Henri Laborit. L’auteur expose ce qui 0selon lui constitue les limites de la révolte. Cela peut également parfaitement caractériser la situation portalegrense aujourd’hui.

En 2004, le Parti des Travailleurs perd la mairie au profit d’une coalition de centre droit. Si le discours officiel de la municipalité affirme que le budget participatif serait resté le même après cette alternance politique, ils sont en réalité nombreux à estimer que le budget participatif a connu une détérioration depuis cette date. Pour Giovanni Allegretti, chercheur au Centre des Études Sociales de l’Université de Coimbra au Portugal : « Le budget participatif de Porto Alegre n’est plus aussi efficace. Il a perdu son caractère innovant usé par un mélange de désengagement citoyen et de récupération politique. »

Et l’année 2014 est en cela parfaitement révélatrice. En
juin, à l’appel de leur principal syndicat, les fonctionnaires municipaux se mettent en grève et réclament une hausse des salaires. Dans le même temps, sous prétexte de préparer au mieux la Coupe du Monde de Football dont Porto Alegre accueille plusieurs matchs, la mairie décide d’opérer des changements dans le cycle du budget participatif : les assemblées plénières qui doivent rassembler des milliers d’habitants pour discuter et voter les thématiques de chaque quartier sont décalées d’un mois. Une décision symboliquement forte qui ne va pourtant susciter aucune réaction de la part de la société civile. Vingt-cinq années après sa création, le Budget Participatif de Porto Alegre doit faire face à ses propres limites : son passage du statut d’innovation à celui d’institution a favorisé l’émergence d’un nouveau clientélisme social et la création d’un corporatisme au sein même de la société civile. L’inertie qui en résulte a fini par rebuter la jeune génération qui se désintéresse à présent totalement du processus.

Ilha Grande, la possibilité d’une île

À peine arrivé(e), vous voilà déjà dans l’obligation de quitter le mirage Porto Alegre et son expérience de démocratie nouvelle, devenu mythe sans avenir. Sur la route défoncée de l’aéroport, l’autoradio de la voiture de location crachote un tube de votre compil préférée de reprises folk américaines.

« Les portes du pénitencier / Bientôt vont se fermer / Et c’est là que je finirai ma vie / Comm’d’autres gars l’ont finie… »
Les paroles de ce jeune homme d’origine belge, qui a chanté sa révolte en France avant de fuir en Suisse pour raisons fiscales, trouvent un écho particulier à quelque 1500 kilomètres au nord de Porto Alegre, au large de l’État de Rio de Janeiro. Sur ce bout de caillou de 193 km2 qu’est Ilha Grande, pas l’ombre d’un conseil de quartier. Autogestion ? Cogestion ? Participation citoyenne ? Rien, ou presque. Jusqu’en 1994, dans la Mata Atlantica, forêt tropicale humide atlantique, le village d’Abraao est un pénitencier.

Dans la baie de Dois Rios, l’Institut Pénal Cândido Mendes regroupe prisonniers politiques et prisonniers de droit commun de la dictature militaire. C’est dans ce bagne, au cœur des années 1970, que va voir le jour la plus grande organisation criminelle brésilienne, le Commando Vermelho. 1994, date de la démolition du pénitencier, va correspondre à la réouverture de l’île au public. Aujourd’hui, c’est un écosystème rare entièrement protégé, un parc national aux règles d’urbanisme très contraignantes et où les voitures sont prohibées. Une exception au Brésil. Mais une exception vouée à la disparition avec le développement d’un « éco »-tourisme toujours plus important et envahissant.

Alors oui, courage fuyez ! Mais même à la brésilienne, même à l’autre bout du monde, faites-le sans tarder ! R.G.

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L’Espagnole

Pour fuir le chômage, le fascisme rampant et la folie des marchés, la première destination qui vient à l’esprit n’est pas forcément l’Espagne, touchée de plein fouet par la crise bancaire de 2008. Et bien détrompez-vous. Comme dirait le poète Jean-Claude Brialy, « c’est dans le fumier qu’éclosent les fleurs magiques ». Et dans le cas qui nous occupe ici, il faut remonter jusqu’à la mort de Francisco Franco, autre grand fumier devant l’Eternel.

Et la fleur magique me direz-vous ? Marinaleda, un village de 2700 habitant(e)s situé dans l’est de l’Andalousie avec des caractéristiques qui font rêver : pas de banquiers, pas de promoteurs, pas de flics parce que pas de délinquance, et un chômage proche du zéro. La solution ? La démocratie directe et la mutualisation des moyens de productions, pardi !

Marinaleda, terre de rebelles

Marilaneda, si l’on en croit wikipedia,
a toujours eu son petit côté rebelle. Déjà au 19ème siècle, la région était peuplée de plusieurs groupes de brigands encore célèbres en Espagne (José María Hinojosa Cobacho « El Tempranillo », Francisco González Ríos « El Pernales » et Juan Caballero… Bon, ça, c’est pour la culture générale).

Jusqu’à la mort du dictateur, la population locale est essentiellement paysanne, pauvre et sans terre. Le village est dans un sale état, les routes en terre battue et la majorité des ouvriers agricoles travaillent pour le duc de l’Infantado, principal propriétaire terrien de la région avec 17.000 hectares. C’est à cette période qu’est créé le syndicat des travailleurs de la terre (Sindicato de Obreros del Campo) et des occupations de terre eurent symboliquement lieu dans la foulée.

Deux ans plus tard se déroulent les premières élections municipales depuis le front Populaire de 36 (où le maire républicain fut assassiné par les royalistes au début de la guerre civile), le syndicat, ou du moins certains de ses membres, a créé un parti, le Collectif d’Unité des Travailleurs (le Colectivo de Unidad de los Trabajadores), qui remporte les élections avec un score stalinien et rafle neuf des onze sièges du conseil communal. Le plus jeune maire espagnol de l’époque est un communiste utopiste de vingt-sept ans : Juan Manuel Sánchez Gordillo, professeur d’histoire et syndicaliste. Et comme l’utopie, ça met du temps à se réaliser, trente ans plus tard, le camarade Juan est toujours maire, réélu à chaque élection avec des scores à faire pâlir un socialiste carolo.

Mais n’allons pas trop vite… En 1980, 700 habitant(e)s commencent une grève de la faim et les occupations de terre et de fermes appartenant aux grands propriétaires terriens se succèdent. Sous le slogan de d’Emilio Zapata « La terre appartient à ceux qui la travaillent », ils réclament plus de moyens et l’expropriation de certaines terres appartenant au duc de l’Infantado. Si la grève de la faim a duré une dizaine de jours, la lutte autour des occupations est de plus longue haleine et durera plusieurs années. En 1985, c’est plus d’une centaine de fermes qui est occupée avec son lot de bagarres avec la gendarmerie et les dossiers judiciaires qui s’accumulent.

Après dix ans de luttes et d’occupations, l’Etat espagnol cède du terrain et exproprie le duc de 1250 hectares qu’il cède à la commune de Marilaneda. Les terres seront gérées en coopérative, la Marinaleda S.C.A. Les mobilisations ne s’arrêtent cependant pas là et commence alors une campagne d’occupation de bâtiments officiels et d’institutions avec entre autres pour revendication l’irrigation.

Vers la fin des années 90, la coopérative entend étendre son champ d’influence dans la vie économique locale et crée une conserverie pour transformer la matière première ainsi qu’un moulin pour la production d’huile d’olive, véritable planche à billets de Marinaleda…

Les bénéfices ne sont jamais redistribués, mais réinvestis pour le bien-être de la commune (infrastructures et services) ou dans la création de nouveaux emplois.

Vivre l’utopie

Tu as l’âme rebelle ? Che Guevara et Emilio Zapata sont tes idoles depuis ta plus tendre adolescence ? Tu n’as pas peur de troquer tes soirées série-télé contre des assemblées populaires interminables ? Et surtout, tu n’as pas peur de bosser en usine ou dans les champs ? Marilaneda est fait pour toi !

Ton salaire mensuel sera de 1128 euros, que tu sois cueilleur d’olives ou responsable de la production à la conserverie. Ok, ce n’est pas beaucoup, mais sache que ton loyer sera de 15 euros par mois. En contrepartie, tu devras construire ta maison toi-même sur le terrain que la commune aura mis à ta disposition. Mais rassure-toi, la coutume veut que les habitant(e)s du quartier viennent t’aider, ainsi que des professionnels payés par la commune, si vraiment t’en touche pas une niveau construction. Pour les matériaux, c’est le gouvernement régional d’Andalousie qui régale (avec un certain ralentissement depuis la crise de 2008). Ta maison t’
appartiendra, mais le terrain restera communal. Ta marmaille sera accueillie et nourrie par la garderie pour 12 euros par mois, le wifi et les infrastructures sportives sont gratuites. Comme dit plus haut, ne cherche pas du boulot au commissariat du coin. La commune avait un policier il fut un temps, qui a pris se retraite il y a quelques années, et on n’a pas perpétué son poste. N’essaye pas non plus de faire carrière en politique, cette fonction se pratique bénévolement. Pour être bien intégré, tu te rendras à l’assemblée populaire une fois par semaine. C’est là que se discute l’affectation des bénéfices de la coopérative aux infrastructures publiques ainsi que les orientations politiques. J.N.

L’Australienne et la Néo-Zélandaise

Eloge Fuite 3Australie ou Nouvelle-Zélande, deux pays perdus à l’autre bout du monde, avec des paysages et des histoires qui font fantasmer. Devenus très à la mode, l’un comme l’autre attirent de nombreux expatriés à la recherche d’évasion. Camille et Nico (des Français) ont testé les deux pays. « On a d’abord choisi l’Australie parce que le côté “bout du monde” et aventure nous tentait beaucoup, raconte Camille. Et puis il faut avouer que le visa a été très facile à obtenir et qu’à l’époque (il y a 4 ans) il n’y avait encore pas beaucoup de monde qui partait là-bas. » Fuir  ? Oui et non. « Non, parce qu’on voulait faire ce voyage quoi qu’il arrive et oui, parce qu’après mes études je n’avais pas envie de galérer à chercher du boulot sachant que dans ma branche (l’art) c’était encore plus difficile à trouver. »

Comme pour le Canada [voir escale suivante], un des meilleurs moyens de mettre un premier pied en terre promise, c’est le PVT (Permis Vacances Travail) : avoir entre 18 et 30 ans, sans enfant, être en bonne santé et ne pas avoir de casier judiciaire. « Pour l’obtenir il faut répondre à une série de questions sur le site de l’immigration du pays et dans les deux cas on a eu une réponse par mail dans la journée. Il faut aussi payer, environ 250 euros pour l’Australie et 100 euros pour celui de la Nouvelle-Zélande. » Pour les Belges, les conditions sont quasi les mêmes, ajoutez qu’il faut également justifier de détenir un fonds d’environ 3 500 euros sur son compte en banque pour l’Australie et de 2 500 euros pour la Nouvelle-Zélande. « Pour s’y installer en revanche c’était très différent. En Australie la demande augmente de plus en plus et ils sont donc très stricts. Ils pratiquent la politique de « l’immigration choisie » c’est-à-dire qu’ils n’acceptent les étrangers qu’à certaines conditions et selon certains critères : l’âge (mieux vaut être jeune), niveau d’anglais, compétences et métiers (hôtellerie, santé, artisanat, construction… Seuls les métiers en forte demande). Il existe différentes méthodes pour obtenir un visa de travail mais toutes sont longues, coûteuses et sans garantie. Pour la Nouvelle-Zélande, c’est beaucoup plus facile. En gros il suffit d’avoir une offre d’emploi dans un secteur qui recrute. C’est ce qu’on a eu alors qu’on ne recherchait même pas. On était encore à Sydney à chercher un visa de travail là-bas quand nos anciens employeurs (une ferme en NZ pour laquelle on avait travaillé trois mois l’année dernière) nous ont proposé de revenir travailler pour eux. En trois semaines le dossier était monté, principalement parce que c’est le temps qu’il faut pour recevoir des papiers de France et en deux semaines on avait la réponse positive de l’immigration. »

Ce visa de travail d’un an en Nouvelle-Zélande est renouvelable à volonté dans la mesure où la personne a toujours un contrat de travail. En Australie le salaire était quatre fois plus élevé qu’en France, jusqu’à 6000 dollars AU par mois pour un « petit boulot », d’
après l’expérience de Camille qui a été caissière ou employée de ferme. En Nouvelle-Zélande, les salaires sont plus faibles : « C’est la raison pour laquelle tous les jeunes néo-zélandais partent bosser en Australie et que du coup l’offre augmente en NZ ! », mais restent plus avantageux qu’en Europe.

Après son passage en Australie et maintenant sa vie néo-zélandaise, Camille ne regrette pas ses choix : « Les gens sont accueillants en Australie et très très accueillants en Nouvelle-Zélande. Ici les gens t’aident sans te connaître et te parlent naturellement. il n’y a pas de méfiance comme chez nous. Les Kiwis sont des bons vivants et aiment partager. Tu fais vite partie de la famille et cet état d’esprit nous a de suite plu. Ensuite la beauté du pays évidemment, qui est un gros plus. » Pour les inconvénients, la vie est en général une fois et demi plus chère en Australie et deux fois plus en Nouvelle-Zélande par rapport à la France, par exemple. Et là-bas, on ne compte pas les heures : « En gros, tu bosses autant d’heures que tu veux ou que ton boulot t’impose, avec des horaires irréguliers, mais ça, c’est parce qu’on travaille dans une ferme ! » H.M

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La Canadienne

« On a choisi Montréal parce qu’on ne connaissait pas mais qu’on en avait entendu du bien, par affinités culturelles et parce qu’on est citadins dans l’âme. » Julien et Flo sont partis vivre à Montréal il y a six mois en profitant d’un accord entre la Belgique et le Canada qui permet chaque année à plus ou moins 750 jeunes de moins de 30 ans d’obtenir un PVT (Permis Vacances Travail), d’une durée d’un an. « Les conditions sont plutôt faciles à remplir, se souvient Flo. Et, en Belgique, on ne peut pas dire que la concurrence soit rude : de mémoire, il nous a fallu trois ou quatre semaines pour obtenir le permis de travail. L’ensemble des permis met plusieurs mois à être écoulé. » Le PVT ne permet néanmoins pas de travailler dans les secteurs de la santé, de l’éducation ou du commerce du sexe. « Le dernier point a été ajouté récemment et ça fait beaucoup rire les employés de l’immigration qui doivent te le stipuler en te remettant tes documents. » Il faut également justifier d’un fonds minimum de 2 300 euros sur son compte en banque.

Dans le cas du PVT, la personne reste officiellement résident belge : « Il y a donc peu d’autres démarches à faire sur place. Une, en fait : aller chercher un numéro d’identification et renseigner ton domicile. On a aussi ouvert des comptes en banque et pris une assurance habitation, mais rien ne t’y oblige. » Julien et Flo ont aussi souscrit à une assurance santé privée contractée en Europe, « testée et approuvée par un ami qui s’est bien blessé dans le même contexte deux ans auparavant ». Depuis qu’elle y habite, Flo « plane » : « La vie à Montréal me semble n’être qu’une longue séance de luminothérapie. Les saisons ressemblent à des cartes postales, les rues sont pour la plupart larges et super vertes et il suffit de sortir de la ville pour prendre une grosse dose d’espace et de nature : personnellement je trouve assez difficile d’être de mauvaise humeur pour peu que tu sortes de chez toi et que tu ouvres les yeux. » En plus d’une vie assez paisible, où il est possible de rouler à vélo sans se faire écraser, où le voisin sonne à la porte pour faire remarquer que Julien a, pour la énième fois laissé son appareil photo (il est photographe) dans le porte-bagage de son vélo, où la postière sait que Flo s’appelle Flo, même si ça n’apparaît pas sur la boîte aux lettres, « tu trouves aussi pratiquement tout ce que ton petit cœur d’expatrié peut vouloir en matière de gastronomie ». La nourriture est cependant souvent un peu plus chère, parfois même beaucoup plus (le fromage par exemple), mais aussi à
un prix normal, comme la mortadelle… lorsqu’on habite près de la Petite Italie. Même la bière belge peut se trouver au coin de la rue.

Côté recherche d’emploi, Julien a réussi à trouver un job d’assistant photographe en allant boire une bière avec un collègue québécois et après l’envoi d’un mail à un magazine en ligne, il a obtenu de faire un test le surlendemain. Flo, qui cherche dans le domaine de la culture – « autant dire que je n’aimerais pas être en train de faire les mêmes démarches en Belgique à l’heure qu’il est », précise-t-elle – postule auprès d’employeurs qui suivent des processus d’embauche plus traditionnels : « On est bien plus nombreux sur le coup et ça me demande un petit effort d’adaptation. Exemple stupide : j’ai envoyé quatre ou cinq CVs avant de réaliser que… le format de papier est différent, les miens étaient inimprimables pour l’employeur. » Les jobs dits « alimentaires » ne manquent pas non plus et pour la rémunération cela dépend évidemment du secteur. « La plupart de mes contacts bossent dans la photo, l’animation, le graphisme, l’éducation… ils gagnent plus, voire beaucoup plus qu’en Belgique (la rémunération hebdomadaire moyenne des employés salariés non agricoles s’est établie à 943$ en août 2014, ndlr). » Les loyers ? Moins chers, mais à la hausse.

Montréal semble effectivement une bonne destination pour l’expatriation (taux de chômage : 6,8 % pour le Canada, 7,6 % pour le Québec). Mais certaines mesures souhaitées par le gouvernement Couillard rendent ce dernier de plus en plus impopulaire. Pas de bol, l’austérité est aussi en train de leur tomber dessus. Dans un communiqué du 12 novembre, le Conseil National des Chômeurs et Chômeuses (CNC), appelle à la mobilisation :

« Rien n’est épargné : le programme d’aide sociale, les caisses de retraite des secteurs municipal et universitaire, les conservatoires de musique, les services d’aide aux devoirs des enfants, les subventions pour les petits-déjeuners scolaires, en passant par les programmes publics les plus intéressants des dernières décennies : le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) et le réseau des garderies publiques.Pour les travailleurs et travailleuses du secteur public, les ballons d’essai sont tellement nombreux au-dessus de la colline Parlementaire qu’ils ne savent plus où donner de la tête. Fermeture des agences de santé, fusion de dizaines de CSSS [centres de santé et de services sociaux, ndlr], les annonces sont plus inquiétantes les unes que les autres. Et les rumeurs de fermetures de services à la population se multiplient à vitesse grand V. Le temps de la mobilisation pour sauvegarder le Québec que nous voulons est arrivé. Une société égalitaire qui prend soin de ses enfants, de ses malades et de ses aînés. Le Québec dont nous sommes fiers, qui a su, au fil des luttes des dernières décennies, se distinguer par des programmes sociaux accessibles et de qualité pour l’ensemble de la population. INDIGNEZ-VOUS, SOYEZ DE LA RIPOSTE ! »

Le CNC est une association de défense des droits des travailleurs avec ou sans emploi, qui édite notamment le Petit guide de survie des chômeurs et chômeuses (ils en sont à la 11ème édition). Petite astuce : le taux de chômage de la région (région administrative arbitrairement découpée par le Ministère, précise le CNC) est l’un des éléments qui détermine si vous avez droit aux allocations et pour combien de temps. La Commission prend en effet en compte le taux de chômage de la région où vous habitez, soit le taux en vigueur le mois où vous déposez votre demande. Plus ce taux est bas, plus il faudra avoir accumulé des heures de travail. Plus il est élevé, moins il en faudra.

En attendant, Flo et Julien sont bien où ils sont, mais rien n’est sûr pour la suite : comme dans de nombreux cas d’expatriation, cela dépendra des visas. « Soit on reste, soit on repart, soit on repart pour revenir… c’est flou, flou, flou. On a tous les deux l’impression qu’on sera un peu frustrés s’il faut rentrer après un an, mais on est assez
persuadés qu’on sera bien où qu’on atterrisse. Ce n’est pas la première fois qu’on va voir ailleurs et ce qui est sûr c’est qu’aucun pays n’est parfait : il y a toujours un petit quelque chose qui te manque. Avoir la possibilité d’expérimenter ces petits quelques choses, c’est déjà dingue, et ça améliore pas mal ta vie quotidienne. Deux générations plus tôt dans ma famille, aller à Paris était une aventure et avoir des amis « à l’international », inconcevable quand on n’était pas une star de cinéma. Après, tout ça, c’est finalement un point de vue de citoyenne du monde gâtée, qui est née et n’a vécu que dans une partie du monde relativement confortable (« fuir » la Belgique n’implique pour le moment pas de représailles sanglantes au retour), à une époque où être mobile est beaucoup plus accessible. Ce qui est sûr c’est que d’une certaine façon, plus tu voyages, plus les distances se réduisent. Le jour où on rentrera, j’aurai l’impression d’avoir toute l’Europe sur le pas de ma porte (j’en profiterai tellement) et c’est plutôt une belle perspective ! »  H.M

L’Islandaise

Eloge Fuite 4L’Islande est une île du nord, où les volcans côtoient de vastes plaines et où les habitants cohabitent avec les elfes, le « peuple invisible », dans une nature immense et puissante habitée par les esprits et les trolls. « La beauté du pays, la démographie (le pays fait plus de trois fois la Belgique et a trente-quatre fois moins d’habitants), un certain côté “protecteur”… », voici les raisons qui poussent Skaïa et son compagnon à vouloir un jour s’installer en Islande. Ça et sans doute le fait que c’est un des pays les plus heureux de la planète, selon l’étude approfondie d’Éric Weiner dans son livre The Geography of Blis  : One Grump’s Search for the Happiest Places in the World. L’Islande est aussi championne du monde de l’égalité homme-femme depuis six ans (selon le Forum Économique Mondial), a reconnu l’État de Palestine en décembre 2011 et fournit à ses habitants un des meilleurs systèmes de santé au monde (frais hospitaliers gratuits). Autre détail intéressant : l’Islande est un volcan, les sources d’eau chaude et la géothermie sont exploitées au mieux pour fournir de l’énergie verte à très bas prix (quasi 98 % d’énergie renouvelable) et de l’eau chaude « courante » partout dans le pays.

Ce qui rend ce pays encore plus fascinant, c’est surtout sa façon d’innover en politique. « Le bourgmestre de Reykjavik, de 2010 à 2014, était Jon Gnarr, chanteur d’un groupe punk des années 1980 », raconte Skaïa. Jon Gnarr a aussi été acteur de série télé et donc fondateur d’un parti parodique Besti Flokkurinn, « Le meilleur parti », dont les membres ne connaissaient rien à la politique. « À la sortie des élections, il a même annoncé qu’il refuserait de faire une coalition avec quelqu’un qui n’aurait pas vu entièrement la série d’HBO The Wire, qui raconte l’histoire fictive d’une équipe d’enquêteurs dans un Baltimore dont la police et la classe politique sont corrompues jusqu’à la moelle. » Cet anarcho-surréaliste a dirigé la capitale islandaise avec un succès étonnant. Ajoutez au tableau : une loi votée à l’unanimité, dite « Initiative pour la modernisation des médias », suite aux révélations de Wikileaks dans le but de protéger les journalistes et leurs sources, 4,4 % de chômage (juillet 2014), une relance économique basée sur une politique de New Deal artistique qui a fait de la culture le deuxième moteur de la croissance du pays, rapportant près d’un milliard d’euros par an, sans oublier ce qui a fait de l’Islande l’ovni de l’Occident (notons que le pays ne souhaite plus entrer dans l’Union Européenne) : son refus de rembourser la dette de leurs banques, voté deux fois par référendum.

Rare
bémol : un tribunal islandais a autorisé le blocage de deux sites de liens BitTorrent, dont The Pirate Bay. Les deux opérateurs concernés ont mis en place un blocage DNS. Nul n’est parfait.

Comment partir ? Le plan de Skaïa : « Dans un premier temps il nous fallait un visa de touriste (valable trois mois) et trouver un travail. À partir du moment où on est engagé quelque part, on peut se procurer un numéro de registre national islandais et donc participer activement à la vie du pays (impôt, taxe, mutuelle, s’acheter un logement ou un terrain). En Islande on ne peut pas acheter des terres si on n’habite pas sur place ou si on n’y travaille pas. Pour la mutuelle, il y avait quelques documents à remplir en Belgique puis une possibilité d’être couvert jusqu’à ce que tout se mette en place. Le coût de la vie est un peu plus élevé, surtout au niveau de la nourriture. Après avoir discuté avec des expatriés sur la facilité ou non de trouver un job, ils m’avaient dit que c’était faisable, surtout dans les grandes villes (Reykjavik et Akureri), pour des jobs alimentaires (café, bar, resto, supermarché). Il y a sur place beaucoup de personnes qui donnent des cours d’islandais, mais l’anglais est pratiqué dans quasi tout le pays. Il est intéressant de se renseigner par rapport à son job actuel car ma supérieure hiérarchique m’avait conseillée de prendre trois à six mois de pause carrière et ensuite passer à cinq années de congés sans soldes. Ça me permettait d’apprendre la langue, pour ensuite trouver du travail sur place. Et de récupérer mon poste si je voulais revenir en Belgique. »  H.M

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