En matière d’addiction, les politiques anti-prohibitionnistes ainsi qu’une tendance nette à la pathologisation – qu’on parle de dépendance aux drogues, au jeu, à Internet, au shopping… – ont depuis longtemps montré leurs limites et leurs dérives – pour ne pas dire leur totale inefficacité.
Malgré d’intéressantes expériences comme la distribution contrôlée d’héroïne à Liège ou à Liverpool, malgré ce que nous enseignent d’autres types d’usages et d’usagers dans d’autres milieux, d’autres populations, d’autres époques, malgré le constat évident selon lequel la prise de conscience n’est certainement pas LA clé de voûte qui va comme par miracle déverrouiller les mystères de l’addiction, la plupart des médias convoquent inlassablement les mêmes experts dont beaucoup semblent n’avoir jamais vraiment écouté parler des usagers.
« La dépendance, c’est mal ». Usé et usant, ce leitmotiv escamote une réalité avec laquelle il faudrait pourtant tenter de penser et d’avancer: une substance peut receler en elle le poison et le remède, tout à la fois. Pour accéder à ce miracle, il faut accepter que les choses soient beaucoup plus mouvantes et complexes que ce qu’on veut bien nous faire croire. C’est vrai en matière d’addictions. Mais aussi dans d’autres zones de la vie et de la cité. Pour faire muter des effets mortifères, il faut être capable d’expérimenter, d’échanger et d’apprendre de nouveaux usages. Et pour que ces usages soient partagés, il faut laisser les usagers parler. Et les entendre.