Une bière, Simone !

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P img_1Simone : Eh les filles, aujourd’hui j’ai bien réfléchi et je suis arrivée à une conclusion : « on ne naît pas femme, on le devient » !

Ruth : Eh ben bravo ! On ne naît pas dans la merde mais on nous y pousse !

Magdalena : Mais oui, mais bon, il parait qu’il y a ces putains d’hormones et qu’on est prédestinées.

Pam :  Les modes de socialisation n’y sont pas pour rien…

Ruth : Après, il faut savoir ce qu’on met derrière le mot femme, si c’est au niveau physique, oui on naît femme, on naît avec une prune par exemple…

Magdalena : Et hormonal !

Fiona : Une prune aux hormones ! [rires]

Ruth : C’est le genre qui s’acquiert avec le temps, la société…

Magdalena : Oui mais le genre, déjà, c’est quoi ça, le genre ?! N’empêche que socialement parlant, on est construites, donc oui, on ne naît pas femme, on le devient !

Pam : Après, reste à savoir quel genre de femme !

Magdalena : C’est ça, exactement !

Fiona : Une vraie femme !

Magdalena : Une femme comme nous, quoi !

Ruth : Sauf qu’on n’est pas des vraies femmes, nous ! Ah que c’est compliqué… c’est l’habitus dirait Bourdieu !

Fiona : La-bite-us

Ruth : Ces hommes, toujours avec leur termes sociologiques phalliques !

Fiona : Ca me stresse, je vais fumer une cigarette ! Simone, remets-moi encore une bière s’il te plaît !

Pam : Oui mais bon, si on arrêtait de se définir différentes des hommes, peut-être qu’il y aurait plus de différences.

Magdalena : Suis en couple hétéro maintenant, et lors d’une discussion je lui ai dit : je suis un individu, tu es un individu, et beh ça l’a rassuré !!! Bon, je l’appelle mon homme, hein !

Fiona : Moi aussi, je l’appelle mon homme. [rires]

Ruth : Moi, je l’appelle ma femme, je sais pas pourquoi, peut-être parce qu’elle m’appelle mon homme.

Magdalena : Quand j’étais avec une nana, je ne me posais pas la question de pourquoi elle faisait ça ou ça, alors que quand je suis repassée hétéro, c’était le contraire … maintenant je me dis « détends-toi et arrête de te dire qu’il est comme ça parce que c’est un homme, il est comme ça parce que c’est lui »… et du coup ça va vachement mieux…

Ruth : Pour moi aussi, c’est une question de personne. Tu prends une place dans le couple qui ne permet pas à l’autre de trouver la sienne ou qui l’étouffe ; le truc intéressant, c’est quand l’autre te permet d’être vraiment toi et que tu n’es pas enfermée dans un rôle en essayant de prouver quelque chose… qu’il y ait un équilibre et que tu ne sois plus dans un jeu de rôles. Aujourd’hui, je me trouve avec quelqu’un qui me dit « je sais le faire aussi, laisse moi l’occasion de le faire »…

Pam : Sortir les poubelles ?

Fiona : Conduire la
voiture ? Quand je sortais avec Jean-Paul, chacun faisait son linge. En ayant été pendant sept ans avec un mec et depuis quelques mois avec une fille, partager les tâches, c’est principal ; sinon pour moi, c’est insupportable. Et ça me rappelle chez moi, mon père travaillait, ma mère non, et c’est elle qui se tapait tout, il rentrait, pieds sur la table et attendait la bouffe.

Pam : Moi, ils travaillaient tous les deux et c’est quand même ma mère qui se tapait tout…

Fiona : Il s’occupait de la voiture ?

Pam : Même pas… Il s’occupait de politique, allait aux manifs contre le nucléaire, etc, en même temps, d’où je viens, il n’y a plus de nucléaire, mais bon…

Simone : Arrêtez de vous plaindre et pensez à ça plutôt « En soi l’homosexualité est aussi limitante que l’hétérosexualité : l’idéal devrait être de pouvoir aussi bien aimer une femme qu’un homme, n’importe quel être humain, sans éprouver ni peur, ni contrainte, ni obligation. »

Fiona : Je suis d’accord, d’ailleurs je le vis. J’ai trente-huit ans, j’ai jamais vécu ça avant. Je suis avec une fille maintenant, et mes parents ne le savent pas. Tout le monde le sait autour de moi, sauf eux !

Pam : Mon père sait pas non plus que je fume des clopes hein…

Magdalena : C’est comparable ?

Ruth : Moi, j’ai annoncé à mes parents que j’étais avec Tatiana quand j’avais trente ans et, du même coup, j’ai fumé devant eux… Il te reste plus qu’à sortir avec une femme et la présenter à tes parents !

Magdalena : Fiona, Christine va chez tes parents ?

Fiona : Beh non, mais ma mère n’est pas débile… je crois qu’elle le sait…

Magdalena : Mais comment tu te dis qu’elle le sait ?

Fiona : Parce que j’ai une fille qui a trois ans et qui parle… et ma mère m’a déjà dit « c’est qui cette Christine ? »… et moi  « Bernadette, tu as mis tes chaussures à l’envers » [rires]

Pam : Mais pourquoi tu es réticente à leur en parler? Tu penses qu’ils vont réagir comment ?

Fiona : Par rapport à moi je m’en fous, c’est surtout par rapport à ma fille. Ils vont dire que c’est malsain…

Magdalena : En même temps, est-ce qu’on peut vivre en se disant « je nie une partie de moi-même et de mon identité » ?

Pam : Et de ton existence…

Fiona : Ce que j’ai envie de dire à ma mère, c’est : « j’ai envie que tu saches ce que je vis pour le moment et ce qui fait que je me sens bien ; je n’ai pas envie que tu me juges »…

Magdalena : Tu es bien, et c’est ça aussi qui est important pour les parents. Moi, je ne l’ai pas fait à l’époque, c’est mon grand-père qui m’a demandé : « tu n’as rien à me dire ? », et quand il a su que j’étais en couple, même avec une femme, ça l’a rassuré. Il avait fait son travail entre temps, car plus jeune, il m’avait dit : « tu épouses un Noir, un Juif, un Arabe et tout ce que tu veux, mais pas une femme ! »

Fiona : Je suis entourée de gouines, ma mère les connaît et m’a toujours dit que ça ne lui posait pas de problème… mais évidemment parce qu’elle n’avait jamais senti ça chez moi !

Pam : Tout ça me rappelle quand j’ai dit à ma mère que j’allais vivre avec un mec, sans me marier bien évidemment, elle m’a répondu « tu n’es pas gênée ! », avec un air méprisant… c’était
en 2005. Au final, il y a plein de coming out différents en fonction de ce qu’on vit et des contextes culturels.

Magdalena : Moi, avec mes frères et sœurs, ça a été super, pas de jugement ni rien… mais j’ai appris qu’ils ne parlaient pas de ma relation… ils ne disaient pas « ma sœur est avec une fille »…

Ruth : Le regard des autres… Mon père peut dire à tout le monde : « ma fille est avec une fille ». Ma mère, je pense qu’elle ne le dit pas, ou si elle le dit, elle s’effondre en pleurant. Elle culpabilise, elle se projette dans le jugement des autres. Elle se rend pas compte de la facilité que j’ai dans mon entourage à vivre tranquillement avec une femme.

Magdalena : Beh oui, tu n’es entourée que de lesbiennes !

Ruth : Cet été, on a été en France et je l’ai moins sentie, cette ouverture.

Pam : Quand tu vois le tollé qu’il y a eu contre le mariage homosexuel… il y a de quoi ne pas se sentir à l’aise là-bas !

Magdalena : Quand j’étais avec une femme, je n’osais pas lui prendre la main. Au début, on le faisait, après on a reçu une, deux, trois agressions… du coup, je ne m’affichais plus ; mais quand j’étais à l’étranger, pas de soucis. Ici, c’était autre chose, peut-être aussi à cause de mon boulot, je n’avais pas envie de revendiquer quoi que ce soit… j’étais juste amoureuse.

Fiona : Beh oui, être amoureuse, c’est la vie, on ne va pas non plus revendiquer la vie, merci beaucoup !

Magdalena : C’était pas tellement par rapport à mes collègues, mais plutôt pour mes élèves que je faisais gaffe… et en même temps, ils ont besoin de savoir qu’autre chose est possible.

Ruth : Tu parles maintenant avec eux d’homosexualité, alors que tu es dans une relation hétéro et pas avant ?…

Magdalena : C’est eux qui ont choisi le sujet, moi j’étais là « mais qu’est-ce que j’en ai à foutre de cette homosexualité »… moi suis guérie [gros rires]

Fiona : Elle a fait des injections, pris des médicaments…

Magdalena : Mais attention, à tout moment madame Magdalena peut rechuter…

Fiona : Il y a un truc que je trouve horrible, c’est quand tu es perçue comme homo, bi et tous ces machins-là ; c’est que les gens pensent qu’en étant lesbienne, tu es attirée par toutes les femmes, style dès que tu vois une paire de loches, tu te jettes dessus…

Ruth : C’est vraiment ça ! C’est fou !

Fiona : 20h35 ?! Je dois partir ! Je dois mettre ma fille au lit !

Ruth : Tranquille, elle ira dormir un peu plus tard ce soir !

Fiona : C’est vrai ! Mais je vais quand même appeler pour leur dire. J’ai quand même un peu peur que Christine abuse d’elle… vous savez, toutes ces lesbiennes sont pédophiles [gros rires]

Ruth : Beh oui fais attention [gros rires]

Magdalena : Des bières Simone ! Merci !

Ruth : En revenant au genre, je pense que c’est difficile pour un mec, comme pour nous, de se retrouver dans l’image qui nous est collée…

Pam : Tout le monde a des côtés masculins et des côtés féminins, peu importe. Je le vois, moi, le matin. En fonction de comment je me sens, je peux m’habiller en femme fatale dans mon genre ou en banlieusarde, sweet à capuche, jeans. Et je le vois aussi dans l’éducation de mon enfant, son
père a un côté fort sensible, la manière dont il s’en occupe, les gestes, comment il lui parle, il est très « féminin »… il est super doux, super tendre… alors que moi, c’est plus le contraire et ça ne me dérange pas .

Fiona : Moi, j’ai eu ça avec le père de ma fille, il est patient alors que moi je suis plus « rentre dedans »

Magdalena : Moi, je vois des points communs entre Gérard et Pascale, mon ex.

Fiona : Par contre, il y a des réflexions que je peux supporter chez Christine parce que c’est une femme mais que je n’aurais pas supportée chez Jean-Paul. Des trucs macho… style « c’est toujours moi qui conduis la bagnole ». Avec Jean-Paul, je me serais sentie « la fille que se laisse faire par son homme », ou « t’es ma femme, on te touche pas », beh avec Christine, ça me fait rire…

Pam : Fiona, l’autre jour, tu disais que tu n’aimes pas les cases, ni être « bi », homo ou hétéro… donc t’es queer ?

Fiona : C’est quoi ça ? Je ne connais pas bien cette théorie. Le truc, c’est que je n’ai pas envie de me définir parce je ne le sais même pas moi-même, je suis juste moi. Je ne suis pas amoureuse d’une personne parce que c’est une fille ou un garçon. Je suis avec un être humain qui a des côtés « féminins » et « masculins »… J’ai toujours envie que ce soit une personne entre les deux… Bon, sauf quand suis trop soûle et trop droguée, je peux me taper n’importe qui, même Ruth [rire]. Peut-être que je dois m’intéresser à la théorie queer ?!

Magdalena : Mais est-ce que c’est vraiment intéressant ? Ça reste quand même une catégorie…

Fiona : Bon, je m’en vais… Au revoir, les salopes !

Magdalena : Et Pam, pour avoir l’enfant avec Pedro, vous avez fait comment ?

Pam : Beh on a baisé ! Et toi, des gosses ?

Magdalena : J’en aurais pas

Ruth : Tu le sais ça ?

Magdalena : Beh oui !

Ruth : Physiologique ou psychologique ?

Magdalena : Mon physiologique me dit : « j’en veux un, j’en veux un », et ma tête dit : « non, non, non ». J’ai assez avec moi-même, égoïstement, et je pense que ça ira… Je me dis que ce n’est pas une fin en soi. Je peux pas construire ma vie en fonction d’un gosse. Après… « jamais dire jamais »…

Ruth : Moi, je sais pas… Quand suis dans une situation où c’est possible, j’ai peur et je n’ai pas envie, quand je suis dans une situation où c’est moins possible, genre maintenant, j’ai parfois des envies.

Magdalena : Pam, mais pour toi ça été un choix ?

Pam : Oui, c’était le moment pour moi, parce que lui en avait envie depuis un certain temps, mais moi pas à ce moment-là, j’avais envie d’autres choses. On en a fait un après huit ans de vie commune. Mais je comprends les personnes qui n’en veulent pas parce qu’un gosse, ça prends du temps (après tu es toujours libre de le prendre ou pas), tu dois le trouver en mettant de côté d’autres choses. Comme j’avais envie de prendre ce temps, j’ai attendu avant de le faire. C’est un choix qui a fait son chemin mais qui a dû attendre aussi.

Magdalena : D’un côté, je vais passer à côté de quelque chose, mais en même temps, je vais vivre quelque chose d’autre.

Ruth : Moi aussi je vois ça comme ça… Je ne vais pas être détruite si je ne suis pas maman !

Pam : Moi,
ce qui me freinait aussi, c’est que je n’avais pas envie de me retrouver dans le rôle (on en a beaucoup discuté pendant des années) de la mère qui s’occupe toute seule de son gosse ad vitam aeternam, car si on choisit de faire un gosse ensemble, on s’en occupe à deux…

Magdalena : Moi, je trouve que c’est ça qui est compliqué, est-ce qu’il faut réfléchir à chaque fois pour être parents ?

Ruth : Quand tu es homo tu dois bien réfléchir ! Tu imagines les démarches ? Tu peux pas te dire quand tu sens le bon moment, allez viens, on fait un gosse ! Car après, il faut aller à l’hosto, voir des psys, vérifier si tu es apte ou pas, si ton couple est solide, si ton homosexualité est assumée, etc !

Magdalena : En tout cas, c’est une histoire d’amour, maintenant les conditions ne sont pas du tout les mêmes.

Ruth : Mais ça enlève un peu de spontanéité quand même !

Magdalena : Donc tu réfléchis à deux fois…

Pam : Sinon, tu prends un sans-papier et hop, le lendemain, il est renvoyé chez lui et te fait pas chier avec des droits de parentalité [gros rires]

Ruth : Tiens donc, j’en connais justement un !

Magdalena : Bon, on se met en route ?

Pam : A plus Simone ! Et merci de nous (faire) prendre la tête !

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