Pour commencer, il faut bien les choisir.
Et comment tu t’y prends?
Je les soupèse, il faut qu’ils soient bien lourds, charnus, les petits fripés et racornis, tu oublies…
Ha…!
La queue aussi doit être bien ferme. Les bretons, jamais de blague avec les bretons, c’est du costaud.
Ça m’excite déjà, allez, continue, j’en ai l’eau à la bouche…
Et alors qu’elles se réjouissent de cette papote popote, une ambulance pimponnante pénètre dans le sas des urgences…
Et zut, la recette d’artichauts est à l’eau…
On verra plus tard, enfile ton tablier, on y va à deux, paraît que c’est grave.
Le corridor résonne de tactactacs qui se précipitent vers des ouilleouilleouilles.
Dans son box, pâle sur son lit blanc où la lumière pleut, il est étendu nu comme un ver (merci Arthur), il a déserté ses filets.
Aïe! Ouille! Ouille!
Ouh là là, sont arrangées…
C’est vrai qu’elles sont bien rouges et vachement gonflées…
Et demain, elles seront bleues…
Je vous en prie, arrêtez de parler rouges et bleus et faites quelque chose, j’en peux plus…
Dites-nous quand même comment vous les avez mises dans cet état…?
L’état, c’est pas moi, c’est le foutu numéro onze des rouges et bleus, aïe! Un penalty, je suis gardien de but, ouille! Imaginez l’angoisse, j’ai d’abord cru qu’il allait tirer à droite et j’ai tendu mon bras gauche puis j’ai pensé, tout ça très vite, qu’il tirerait à gauche et j’ai allongé mon bras à droite et l’imbécile m’a envoyé son boulet de canon juste au milieu… Ouille! Ouille! Ouille!
Quid èdon?
Un peu de glace et nous allons souffler dessus à tour de rôle. L’important, c’est de garder son calme et de maintenir le muscle au repos. Je vais chercher la glace pilée, tu commences à souffler?
Ok!
Souffler et pas jouer!
Pfttt…Pfttt…Pfffffffffffffttttt…………… (quelques minutes)
Voilà la glace. Bougez pas…
Aaarrrgh… Je meurs…
Pas si vite… Allez! On souffle toutes les deux…Pfffft.. Pffftt…
Quelle torture… Rhâââ…
Vous voulez qu’on appelle un infirmier pour souffler à notre place?
Fichtre non..Vous faites ça trop bien et ça va doucement mieux.
Alors je souffle et toi tu continues la recette…
Ok, on commence par casser la queue d’un coup sec…
Hé, ho… pas de blague!
Je parle artichauts…
Ah!
Il faut casser la queue et non la couper, les fils restent alors dans la tige. Puis on coupe le dessus des feuilles, un centimètre, et on les fait cuire une petite heure à l’eau bouillante salée. On les égoutte la tête en bas et on ôte délicatement le foin. La farce prendra sa place…
Tu souffles un peu, j’ai besoin de souffler…
C’est pas nécessaire, il s’est endormi. Tu fais donc une farce avec tout ce que tu attrapes, mie de pain trempée dans du lait puis égouttée et la même quantité de ricotta, du parmesan à gogo, des pignons grillés, du persil en abondance, une pointe d’ail, sel et poivre, il faut que ce soit léger et aéré. Tu déposes la farce dans l’artichaut en écartant doucement les feuilles. Au besoin, une petite ficelle pour maintenir le tout et hop au four une demi-heure. Tu déposes l’artichaut sur une assiette, un filet d’huile d’olive sur la farce et on déguste avec du pain gris grillé tartiné de pesto: roquette, parmesan, noix et huile d’olive…
C’est tout bête.
Un peu comme le foot…
Et deux jours plus tard…
Alors, cher monsieur, vous allez mieux?
Hé oui, quel dommage…
Je ne crois pas qu’il y aura de dommages, d’ailleurs je vais faire un test sur le champ… avec cette petite plume…
…
Ca va?
Oh, oh, oh oui… Même pas mal…