Kevin ira-t-il voter le 25 mai ? Pas sûr. Et, même s’il y va (bien obligé), il n’aura guère le temps d’y penser. Ce dimanche-là, en effet, comme tous les dimanches, Kevin sera très fatigué. Lisez notre rubrique « Boulot de merde » et vous comprendrez pourquoi. Kevin est un travailleur modèle : caissier chez Leaderprice, il encode une centaine d’articles à la minute, ce qui lui vaut d’être cité en exemple à tous les caissiers présents et à venir. Certain-e-s ont bien cherché à le rencontrer, ne serait-ce que pour voir comment il arrivait à faire une chose aussi stupide, et sans doute aussi pour lui demander d’arrêter. Le problème est qu’ils/elles ne l’ont jamais trouvé. En fait, Kevin n’existe sans doute pas. Ce n’est qu’une image, un de ces mythes qui servent, paraît-il, à fonder une société.
Parlera-t-on de Kevin dans la prochaine campagne électorale ? C’est assez peu probable. Pourtant, il y aurait beaucoup de choses à dire sur son étrange destin virtuel. Quand un vieux monde s’efface et qu’un nouveau monde n’arrive pas vraiment à s’imposer, on voit ainsi errer de curieux fantômes. C’est un peu aussi le thème de notre dossier de printemps : le droit de propriété intellectuelle. On aurait pu y croiser de vieux fantômes : ceux des artistes qui se sont battus jadis pour la reconnaissance du droit d’auteur. Mais, depuis, l’eau a coulé sous les ponts. Les grands groupes industriels et médiatiques s’en sont mêlés, ils se sont bâtis des citadelles qu’ils croyaient imprenables.
Mais le système craque de toutes parts sous les coups de boutoirs du net et, plus largement, dans la bataille du copyright et du copyleft. Ici encore, les grands élans libertaires nous préparent peut-être d’amères désillusions.
Nous avons donc tenté d’y voir un peu plus clair. Après tout, ce monde qui va émerger, ce sera le nôtre. Bonjour Kevin!