La mutuelle des vaches à lait

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Lassés d’attendre un débat sur la gratuité des transports en commun, des usagers mettent en place des systèmes pour la rendre dès à présent effective. Des « mutuelles de fraudeurs » ont ainsi fait leur apparition en France, il y a quelques années déjà. Concrètement, des groupes d’usagers ont décidé de « mutualiser les coûts » de la fraude, en s’acquittant d’une modique cotisation mensuelle qui permet de payer les amendes que les « affiliés » reçoivent en utilisant les transports en commun sans ticket. Car bien sûr, aucun assureur classique ne vous couvre pour ce genre de frais.

Le retournement des technologies, à l’origine créées pour le contrôle des individus mais vendues comme confort améliorant le quotidien (mobilophonie, systèmes de géolocalisation, etc.), apportent de nouvelles armes défensives aux usagers. Certains ont ainsi eu l’idée de créer des applications pour téléphones portables qui informent en temps réel les usagers des contrôles sur les réseaux de transport. Le système est alimenté par les usagers eux-mêmes, lorsqu’ils constatent un contrôle, ce qui permet aux autres d’éviter une ligne de bus ou de métro ou même une station à un moment donné… Outils de survie dans la jungle urbaine, ces applications portent des noms parfois aussi poétiques que « Rentre avec ton pognon »…

A Bruxelles, on se souvient des déclarations malheureuses du nouveau patron de la Stib, qui entendait « traire le client » pour financer la société de transport régionale. Vaches à lait vicinales ou cochons (mauvais) payeurs, des usagers réagissent à leur manière. Un site internet, avec comptes Twitter et Facebook associés, informe en temps réel des contrôles en cours sur le réseau 1 On se souvient qu’à l’aube des années 2000, le Collectif sans ticket (CST) avait lancé une initiative similaire (les « opérations free zone »), sans les outils technologiques d’aujourd’hui, qui n’existaient pas, plus artisanalement donc ça leur avait valu d’être traînés en justice pour « fraude et incitation à la fraude ». Les avocats des militants avaient eu beau argumenter que ces actions visaient à ouvrir un débat, les juges les avaient condamnés. De même, ceux qui mettent au point ces applications se défendent d’inciter à la fraude, ils « informent » les usagers de contrôles en cours, libre à eux d’utiliser ces informations pour « frauder » ou pas. Depuis des lustres, les automobilistes sont avertis des contrôles qu’ils peuvent subir – l’argument avait été utilisé lors du procès du CST, sans succès. Même les « informateurs de radars » personnels, jadis interdits, sont désormais légaux en France.

Ce qui est légal pour les automobilistes ne devrait pas l’être pour l’usager des transports en commun ? Le succès du système anti-contrôle dépendra du nombre d’usagers qui y ont recours. Il mettra en évidence, le cas échéant, l’absurdité de la lutte anti-fraude, qui coûte bien plus qu’elle ne rapporte aux sociétés de transports en commun. Pour ne prendre que l’exemple des dispendieux portiques d’entrée du métro bruxellois, les communicants sont très fiers d’annoncer que ce dispositif censé empêcher la fraude a rapporté « des centaines de milliers d’euros ». Le coût d’installation des portillons : quarante millions au bas mot. Sans compter les frais de maintenance – la moitié serait déjà hors service…

Notes:

  1. Pour toute personne intéressée : http://controlestib.be/
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