Depuis le 1er janvier 2012, les paris sportifs en ligne sont devenus légaux en Belgique. DH-bet FiRST, Vincennes et Bingoal – PMU sont les sites agréés par la Commission des Jeux de Hasard, l’organe de contrôle et de régulation du marché des jeux en ligne. Pourquoi parie-t-on? Est-il possible de gagner sa vie en pariant ? Nous avons interrogé de jeunes joueurs pour comprendre qui est le parieur d’aujourd’hui, ce qu’il fait dans la vie et pourquoi il choisit de jouer.
La chance et le hasard sont les éléments constitutifs du jeu. Même quand on parle de paris sportifs, un joueur doit savoir qu’il court toujours des risques. Cela, Philippe, 27 ans, le sait bien. Après de longs mois de chômage, il travaille depuis deux mois à Verviers dans une entreprise qui s’occupe d’impression de toutes sortes. Il y a intégré le service clientèle dans lequel, visiblement, tout le monde parie : « Quand j’ai entamé mon nouveau boulot je voyais mes collègues jouer tout le temps. Un jour, l’un d’eux m’a invité sur le site Bwin et j’ai mis le minimum requis de 10 euros. Le parrainage me donnait à moi et à mon collègue la possibilité d’avoir 15 euros de plus pour jouer. Les paris ne m’ont jamais intéressé avant, j’ai commencé par hasard. Observer mes collègues m’a surement influencé. Ça me permettait de me sentir comme eux vu que je venais d’arriver. Ça faisait un sujet en commun ».
Le site Bwin a été considéré comme illégal par l’État belge et il a été fermé le 14 mai 2012. 1 « J’ai commencé par le tennis parce que je connais bien ce sport et il y avait la possibilité de suivre les matchs en direct. Je pouvais voir quand la situation se renversait et quand la côte diminuait ou augmentait. Le fait de connaitre ce sport me donnait l’impression de faire des paris plus justes. Pour les mêmes raisons, je pariais aussi sur le football, surtout asiatique, parce qu’il n’y avait quasiment que ça pendant la semaine. Mais il faut attendre beaucoup plus longtemps pour les résultats, tandis que pour le tennis de table, tu étais plus vite fixé, la cote était assez haute et tu gagnais plus! »
La chance, c’est aléatoire ! Et l’argent aussi…
Philippe a misé seulement un mois et il s’est arrêté quand il a compris que la chance pouvait tourner rapidement en sa défaveur « J’ai gagné pas mal d’argent: 300 euros sans perdre presque rien. Je jouais uniquement la journée mais je me connectais, parfois, même le soir pour voir s’il n’y avait pas un bon coup. Finalement je me suis rendu compte que c’est vraiment dilapider de l’argent avec très peu de chance de réussite… Ce n’est pas un moyen concret de se faire du fric! »
Selon des études, il semblerait que la rapidité de la mise soit un facteur décisif pour développer un rapport problématique avec le jeu. Une astuce que les sites en ligne connaissent déjà bien. Philippe révèle en fait : « C’est assez prenant! Tu mets une somme et tu ne bouges pas pour regarder ta vidéo : tu as la boule au ventre, tu es stressé, mais tu penses que si jamais tu gagnes tu vas faire ça et ça… Mon opinion a changé par rapport aux parieurs. Avant je pensais qu’ils étaient des imbéciles qui jetaient de l’argent par les fenêtres. Après tu te rends compte que c’est très attirant… On se fait facilement avoir! »
« Plus tu gagnes, plus tu as envie de continuer et plus tu perds, plus tu as envie de te refaire »
Le jeu et ses conséquences a souvent été considéré comme un problème social. Cependant, aujourd’hui la politique permet une dérégulation du secteur, motivée par un grand intérêt économique. Le nombre de personnes qui parient s’accroît d’année en année mais il arrive que le jeu devienne pathologique: une forme réelle de dépendance.
Adam, collègue de Philippe, a 35 ans. Il est marié et père d’une fillette de deux ans. «Je mise sur plusieurs
matchs en même temps en faisant des combinés-systèmes. Il s’agit d’une sorte de combinaison où tu paries de l’argent pour gagner des sommes beaucoup plus grandes. Mais si jamais tu perds un match, tu perds tout». Lui ne se déclare « pas accro », mais ses collègues ne sont pas du même avis.
Philippe nous dévoile: « Je le vois miser tous les jours! Dix euros par jour, des fois beaucoup plus et j’ai l’impression que plus il perd, plus il augmente la somme pour se rattraper. Le problème c’est qu’il perd souvent! Il est déjà arrivé qu’il me demande 40 euros à la fin du mois parce qu’il était dans la dèche. Ce n’est pas possible de vivre de paris, il faut des choses plus concrètes. Cela peut marcher un moment et, après, tout peut s’écrouler et on tombe dans une spirale négative sans fin. Gagner du fric c’est toujours attirant, mais plus tu gagnes, plus tu as envie de continuer et plus tu perds, plus tu as envie de te refaire. »
Mais pourquoi les jeunes qui ont un salaire fixe et honnête devraient-ils passer leur temps à parier? Philippe nous confie: « Je crois qu’on a pris ça à la rigolade, pour s’amuser… et pour lutter, d’une certaine manière, contre l’ennui. Ce n’est pas très stimulant notre travail! Pour être honnête, je pensais continuer à miser 10 euros de temps en temps et finalement j’ai laissé tomber. J’ai trouvé plus intéressant à faire. »
Philippe n’a jamais été aspiré par le jeu – il a pu arrêter. Adam a décidé, il y a peu de temps, d’entamer un deuxième travail en tant que réceptionniste 2 dans un hôtel, huit heures par nuit. Pour combler toutes ses pertes.
Le jeu dans « il bel paese » : les parieurs italiens
Avant l’année 1942, les paris sportifs et hippiques étaient illégaux selon la législation italienne. Leur progressive diffusion et popularité a suggéré une attention institutionnelle et a conduit à la création d’un organisme public (l’UNIRE) pour réglementer et financer le monde sportif. Par suite des premières agréations de bookmakeurs, le Totocalcio, monopole d’État, est né. Mais aujourd’hui, même en Italie, les paris en ligne gagnent du terrain au détriment des méthodes traditionnelles de jeu.
Alessandro, 24 ans, étudiant, l’a expérimenté. « J’ai ouvert un compte chez un bookmakeur. Je peux miser aussi avec internet sur le site on-line ». Comme la plupart des parieurs, il joue régulièrement, même deux fois par semaine. Sport privilégié: le football, une religion nationale par excellence. «J’ai commencé au lycée et je l’ai fait surtout pour la possibilité de gagner beaucoup en jouant très peu. Et puis parce qu’étant fan du foot, je pensais être compétent ».
Malgré cela, il y a quand même des parieurs « traditionnels ». Gerardo, 20 ans, est parti du sud de l’Italie jusqu’à Parme pour ses études en économie. Il reçoit une bourse chaque année et il n’a jamais raté un an. Quand il mise, c’est exclusivement chez des bookmakeurs. « Je parie sur le football, notamment sur les résultats des matchs, et sur d’autres sports comme la Formule 1 et le tennis, mais rarement ». Au début, Gerardo a été motivé à jouer par émulation : « Je voulais montrer à mes frères que j’étais aussi capable de deviner, mais je le fais pour l’argent aussi! Avec 3 euros il est possible de gagner 50 euros ». Mais par rapport aux victoires, il se montre pessimiste: « Depuis que j’ai commencé je n’ai gagné que cinq fois, 150 euros au total… ça me donne envie de laisser tomber! Si avant je pariais 5 ou 10 euros par semaine, maintenant je ne joue plus que 2 ou 3 euros. J’habite tout seul et je dois gérer mon argent. Il faut dire que je fais ça surtout pour arrondir les fins de mois, mais ça n’arrive jamais. Je joue aussi avec un pote pour augmenter les probabilités de gagner en misant très peu, mais ça fait déjà un mois que j’ai arrêté parce que je sais bien que je ne gagne jamais! »
Mais bien loin de s’arrêter,
Gerardo pense qu’il perd des opportunités quand il ne va pas chez le bookmakeur: « J’écris sur une feuille mes résultats hypothétiques et il m’est arrivé de deviner». En plus, il imagine déjà ses prochains paris: « J’envisage de jouer prochainement parce qu’il y aura bientôt la Coupe d’Europe de football et même si mes chances de gagner sont minces, j’ai envie de le faire, surtout pour le prestige de la compétition. »
À la maison, en ligne, chez les bookmakeurs… Les possibilités de miser ne manquent pas et les parieurs, quant à eux, semblent vouloir fermer les yeux devant une pratique qui n’est jamais avantageuse et qui, au contraire, comble les poches du marché du sport.