Puis, un beau jour, presque par hasard, C4 se rend compte que ça fait déjà
20 ans qu’il existe …
Flashback, direction l’édito du premier numéro, où l’on comprendra que, d’emblée, notre magazine prit un soin tout particulier à s’assigner, l’air de rien, une tâche précisément infinie: « Alors, il n’y aura plus uniquement des gens qui ont un travail et d’autres qui en attendent. JI y aura dorénavant des qui travaillent et des qui ne travaillent pas, … dans un même monde? » – interrogeait Antaki.
Le plan initial se lit entre ces lignes: il s’agit de construire, en pratique, un dispositif médiatique capable de porter les paroles de ceux qui gravitent dans les multiples territoires improbables et méconnus d’une société fragmentée par le retrait des grands récits fédérateurs et autres instances unificatrices. En commençant par cette banlieue du travail salarié où, au travers de l’expérience du chômage, s’élaborent des trajectoires de vie aussi puissantes que chaotiques.
L’expérience partira du monde des chômeurs pour ne jamais vraiment le quitter, passera par celui, parfois connexe, des sans-abris, et puis par celui des sans-papiers. Et, finira par accueillir, dans ses colonnes ou dans son conseil de rédaction, tous les mouvements minoritaires qui croisent son chemin, toutes les tentatives d’hybridation qu’elle rencontre dans ses pérégrinations : médiacktivistes, (intello-)précaires, squatteurs, usagers des transports publics rebelles et tous types d’identité en fuite.
Encore fallait-il mettre au point une méthode capable de s’orienter dans ces territoires interlopes. L’exploration du quotidien, héritage de notre lieu de naissance: le Cirque Divers, fera l’affaire. Elle fonctionne comme une méthode qui permet d’affronter tout ce désordre généré par l’estompement de ces bonnes vieilles catégories qui nous permettaient de classifier la société en homme/femme, travailleur/chômeur, gentils/méchants, … et la falsification de toutes les cartes due à l’explosion des grands repères. Une méthode qui ne nie pas que la période dans laquelle nous gravitons possède un caractère résolument trouble, mais qui laisse à penser qu’il s’agit là d’une opportunité. Il pourrait, dès lors, (nous) convenir de rester « d’une certaine gaieté ».
Aujourd’hui, en 2012, ce qu’on appelle « la » crise pourrait servir de prétexte à remettre de l’ordre là où il y avait du trouble, du flou, des marges. À commencer, d’ailleurs, par ce monde du chômage dont on somme les habitants de s’activer toujours davantage. Dans le champs médiatique, les pouvoirs publics et les grands lobbies de l’industrie de l’entertainment voudraient parvenir à assainir ce territoire qu’ils présentent comme une sorte de far-west virtuel. Leur plan: mettre des barbelés sur la prairie.
Voilà le moment« choisi» par C4 pour opérer un re-déploiement stratégique sur le web: quand on a 20 ans, on croit que tout est encore possible – on aurait tort de s’en priver. Et les pages qui suivent s’envisagent, dans cette perspective, comme un pensebête pour le futur: à la célébration nous avons préféré la prospective. On ne se refait pas – on n’a jamais arrêté de bouger.