L’Arène de Sabam

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« Sabbam Hussein, c’est une plate-forme de réflexion et d’action contre les abus de la Sabam et un lobby pour les licences libres de type Creative commons 1 et les licences libres en général. A la base, l’idée est partie du collectif Tadda ! Avec pour objectif de rassembler un maximum de gens concernés par la problématique : musiciens, organisateurs de soirées, de concerts. Le déclencheur a été le jour où nous (Tadda) avons reçu une facture de la Sabam pour une soirée que l’on organisait alors qu’aucun musicien programmé n’était affilié. »

La relation entre artistes émergents et la « Sabam » est depuis toujours problématique, les premiers dénonçant le fait que la société des auteurs-compositeurs utilisent des clés de répartition des fonds favorisant les artistes connus au détriment des autres. Les « petits » organisateurs de concert ne sont pas en reste, dont certains estiment – et depuis longtemps – être victimes d’un véritable racket de la part de la société coopérative à chaque soirée qu’ils organisent. La salle de concert « La Zone » a en son temps produit une expertise sur le sujet qui, bien que datée, reste une référence en la matière 2. Outre le fait de répartir inéquitablement les revenus générés sur les droits de reproduction, la Sabam est également épinglée pour sa gestion opaque et son caractère anti-démocratique : « Lors d’une assemblée générale, il faut réunir le soutien de 199 autres personnes lorsque l’on est associé titutaire » [Ibidem]. Henri surenchérit : « Pour pouvoir être éligible au conseil d’administration, il faut que tu aies gagné plein de thune par le biais de la Sabam. C’est donc que tu fais partie de ceux à qui le système profite le plus. Des changement profonds dans la façon dont c’est géré ne sont donc pas à attendre de l’intérieur ».

Henri poursuit : « Avec la Sabam, il n’y aucun contrôle en amont. Ils envoient les factures en supposant que tout le monde est affilié chez eux, et qu’en somme, tout le monde leur doit du blé ! Alors nous, évidemment, on leur a répondu qu’on n’avait rien avoir avec eux et ça s’est arrêté là. Mais on a remarqué que d’autres organisateurs payaient sans broncher parce que le ton de la lettre est agressif, style « huissier de justice ». Beaucoup d’organisateurs voient les factures de la Sabam comme un mal nécessaire, une taxe. On en oublierait presque que c’est une entreprise privée qui propose un service, pas une structure publique ! Donc voilà, nous, notre boulot informer les gens, leur dire : « ne payez pas systématiquement, informez-vous », etc.»

Henri se plaît à nous rappeler que la Sabam s’est fait piéger par l’émission satyrique de la VTM « Basta ». Ces derniers ont organisé une fausse soirée sur un pallier d’appartement de 0,99 cm2 avec de faux artistes dont les noms sont inspirés de marques de supermarché (Suzy-Wan, Party Mixer, etc). Ils ont reçu une facture de plus de 500 euros! 3

« Il n’y a pas que les petits organisateurs de concerts qui tringlent, les radios associatives ne sont pas en reste. La Sabam leur demande à présent de ne plus rentrer de listes exhaustives des artistes qui passent sur les ondes mais de choisir une radio mainstream la plus proche de leur programmation pour répartir la cotisation de ces radios entre les artistes les plus joués sur la radio mainstream choisie … Si vous prenez l’exemple d’une radio comme 48fm dont 80% de la programmation est faite d’artistes peu connus voir inconnus ou non affiliés, c’est une pratique scandaleuse ! Le collectif fait partie du réseau CLIMA (centrale liégeoise des musiques amplifiée) d’où a émergé un sous-groupe « Sabam » (la Zone, le Carlo Levi, l’Aquilone, Sabbam Hussein, le Centre Culturel « Les Chiroux », entre autres). Nous avons pour objectif de
négocier collectivement le statut des petits lieux culturels à vocation non commerciale vis-à-vis de la Sabam .
»

« Moi je parle ici en tant qu’organisateur de concert, mais prenez la position du musicien : si vous voulez presser un disque pour le distribuer en Europe, vous êtes obligé d’avoir un document de la Sabam qui atteste que vous n’êtes pas inscrit chez eux ou, au contraire, que vous avez bien payé votre redevance. En général, la Sabam rechigne à délivrer le papier qui atteste que vous n’êtes pas membre. Enfin, il faut vraiment insister. Elle va systématiquement vous envoyer les documents d’inscription et, in fine, nier la possibilité de se protéger d’une autre manière. »

Sabam Hussein. Juste un jeu de mot rigolo ou la dénonciation d’un monopole dictatorial ? « Il s’agit d’un monopole de fait. En tant qu’artiste, vous pouvez vous inscrire dans n’importe quelle société de droits d’auteur européenne. Cela dit, il y a clairement de l’abus de pouvoir avec la Sabam, surtout dans la façon dont il se présente. Genre : « Nous sommes les droits d’auteur des musiciens et il n’y a pas d’alternative » . En pratique, les artistes peuvent très bien se passer de la Sabam. Pour la plupart, c’est d’ailleurs vivement conseillé ! En tant qu’artiste, il y a plusieurs façons de s’inscrire dans une structure de droits d’auteur. Vous pouvez déléguer une partie ou l’ensemble de vos droits. Vous pouvez simplement notifier la paternité de vos œuvres, mais la Sabam, ce qu’elle cherche avant tout, c’est à s’accaparer les droits de diffusion et de reproduction. Elle va donc prélever sur tous les maillons de la chaîne : presseurs de disques, organisateurs de concerts, passages en radio, etc. Et ne va clairement rien vous redistribuer, sauf si vous êtes assez connu. Donc, pour tous les artistes émergents ou qui ne vont pas devenir des superstars dans l’année, c’est plutôt un frein à leur création. Je donne un exemple concret : quand vous êtes musicien, il n’est pas rare que le montant de votre cachet soit calculé en fonction de ce qu’il faut payer à la Sabam (généralement, une centaine d’euros). De l’argent déduit de votre cachet dont vous ne verrez jamais la couleur, ou des clopinettes. »

Même si vous n’êtes pas DJs, sachez que vous payez votre pizzo 4 à la Sabam. Henri nous explique : « L’Etat a instauré une taxe sur les supports numériques (cds / disques durs / lecteurs mp3 / clés usb / …) qui fait que chaque personne qui achète un support paye des droits d’auteur pour les œuvres qu’elle pourrait copier illégalement dessus… C’est comme si vous faisiez un peu de prison à chaque fois que vous achetez un couteau, pour les meurtres que vous pourriez commettre avec … In fine, l’artiste qui n’est pas inscrit dans une société de droits d’auteurs se retrouve à payer des taxes pour les Cds où il grave ses démos à l’attention des organisateurs de concerts. L’artiste peu connu se retrouve donc à financer d’autres artistes, qui eux, sont déjà connus et récupèrent la plus grosse partie du gâteau. »

Rappelons également que la Sabam a trempé en 2007 dans une sombre histoire de blanchiment d’argent 5 et fut accusée en 2009 de malversation aux ayant droits 6.

Sabbam Hussein, ce n’est pas que de l’analyse critique, c’est aussi et surtout de l’action et du lobbying. « Nous poussons les artistes à utiliser des licences libres. La Creative Commons nous paraît la plus souple et la plus intéressante pour les musiciens. On est en train d’écrire une brochure à double usage : «Comment éviter la Sabam et utiliser des licences libres ». On était à Esperanzah avec une borne de
téléchargement de musique libre et des tracts. L’idée était d’aller à la rencontre des artistes et du public pour leur expliquer quels sont les enjeux liés aux droits d’auteur, pourquoi c’est mieux d’utiliser des licences libres… et pourquoi la Sabam, c’est mal ! »

Ok, on a bien compris que « la Sabam, c’est mal »… Elle pompe du fric qui pourrait revenir aux artistes émergents en leur redistribuant des clopinettes. Mais concrètement, ils faut bien qu’ils mangent aussi, les artistes. Non? « Oui. Grâce aux concerts, ou en vendant leurs créations, sans intermédiaire. L’industrie du disque, c’est totalement dépassé, dans la mesure où les artistes peuvent s’enregistrer eux-mêmes grâce à des home studio abordables. Pareil pour la distribution. Rien de plus facile que d’installer un serveur de téléchargement accessible à tous sans passer par Itunes pour ne pas le citer. Pour les musiciens, Internet permet d’avoir une relation directe avec le public. C’est par là qu’ils doivent se faire, ou non, rémunérer.

Notes:

  1. http://fr.wikipedia.org/wiki/Creative_commons
  2. http://www.lazone.be/sabam/9.html
  3. La Sabam à son tour piégée par Basta :
    http://www.lesoir.be/culture/medias/2011-01-25/la-sabam-a-son-tour-piegee-par-basta-817454.php
  4. terme sicilien qui désigne, métaphoriquement, le versement d’une somme d’argent à la mafia en échange d’une protection. Bref, une sorte de racket mais vachement bien organisé – quasi institutionnalisé.
  5. Inculpations pour fraude à la Sabam :
    http://archives.lesoir.be/?action=nav&gps=557598
  6. http://www.lalibre.be/economie/actualite/article/517755/porte-parole-de-la-sabam-il-est-premature-de-reagir.html

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