Le travail à temps partiel a littéralement explosé ces vingt-cinq dernières années pour représenter aujourd’hui près de 25% des emplois (contre 8% en 1983). Les raisons sont multiples, aussi bien d’ordre privé (je désire garder du temps libre) que conjoncturelles (il n’y a pas assez d’emploi). Mais en Belgique, il est aussi le résultat d’une réforme visant à pousser les chômeurs complets indemnisés à accepter de travailler, quelle que soit la nature du contrat.
Retour en arrière et constat
Le 16 et le 17 janvier 2004 se réunit en toute discrétion à Petit-Leez (Gembloux) le Conseil des Ministres de la coalition « Violette ». Sous la houlette du ministre de l’emploi, le très « socialiste » Franck Vandenbroucke, le Conseil élabore les bases de «l’activation des chômeurs ». Un autre point est la réforme de l’Allocation de Garantie de revenu (AGR). «L’AGR garantit au demandeur d’emploi qui accepte un travail à temps partiel le maintien, outre de sa rémunération, d’une partie de son allocation. De cette manière, il gagne, en net, plus qu’une allocation de chômage. » La formule est pour le moins surprenante; c’était déjà le cas avant la réforme, la seule chose qui change est que le travailleur a un plus petit revenu… Mais continuons : « L’intéressé reste cependant demandeur d’emploi : il doit donc chercher un travail supplémentaire ». Bingo! Cela signifie qu’il n’est donc pas exempté du plan d’activation des chômeurs et que le travailleur est censé s’activer pour chercher un deuxième emploi.
Suivant une nouvelle formule de calcul alambiquée (qui n’a pas beaucoup d’importance dans l’article), le travailleur perdra entre 130 et 200 euros par rapport à l’ancienne formule en la matière. Et comme il s’agit d’un calcul basé sur le salaire, le travailleur glanant ici et là des heures supplémentaires à prester verra son allocation diminuée pour un net égal. Le voilà dans un cercle vicieux. Par crainte de subir les foudres de l’ONEM via le contrôle de l’activation des chômeurs, le travailleur acceptera un boulot pour lequel il gagnera quasiment l’équivalent du chômage.
Le gouvernement de l’époque visait une économie de 39 millions d’euros. C’est-à-dire pas grand chose à l’échelle du budget national. Il s’agit bien là d’une tentative de plus de virer des allocataires sociaux. Non seulement les travailleurs à temps partiel indemnisés par l’Onem ne rentrent pas dans les statistiques du chômage, mais les procédures administratives pour obtenir quelques centaines d’euros sont telles que de nombreux travailleurs, coincés entre l’activation et les tracasseries administratives, finiront probablement par y renoncer. [voir encadré]
Après une longue période de chômage, Marouane, 35 ans, vient de décrocher un boulot à mi-temps dans un théâtre en tant que webmaster. Sa compagne a perdu son travail il y a peu.
C4 : Un travail à mi-temps, c’est mieux que rien, non?
Marouane : « Je dois avouer que c’est la formule que je préfère. Etant intermittent par le passé, j’ai toujours été habitué à gérer mon temps et cette formule me permet d’en garder pour m’occuper d’autre chose : ma vie amoureuse et les différents sites web que je gère bénévolement. En fait, ma copine a dû arrêter son boulot pour cause de burn-out. Depuis, elle aussi cherche un mi-temps. En attendant, je reste chef de ménage et bénéficie donc d’un complément chômage. »
C4 : Concrètement, ça se passe comment?
M. : « Moi, naïvement, je pensais que j’allais bénéficier de deux semaines de chômage additionnées à deux semaines de salaire. C’est comme cela que ça se passait quand j’étais intermittent : mes prestations étaient cumulées à des allocations pour les jours non noircis sur ma carte . Mais ce n’est pas du tout comme cela que ça se passe ! Tout est fait pour que tu laisses tomber le complément. Non seulement tu gagnes des cacahuètes, mais en plus tu dois faire remplir tous les mois un formulaire à ton patron et compléter un tableau correspondant à tes
heures de travail. Je ne vous raconte pas le casse-tête quand on est webmaster et que l’on n’a pas un horaire fixe ! Le pire, c’est que ces documents doivent être cachetés à un guichet de la ville, comme à l’époque du « pointage », avant de retourner au syndicat. Ces fameux guichets sont ouverts deux heures par jour et parfois fermés à l’heure indiquée. A ce moment-là, on te balade à travers la Cité administrative à la recherche d’un guichet capable de délivrer ce fameux cachet. Il faut faire cela tous les trois mois, ce n’est pas la mort non plus, et je suis très mobile. Mais je ne pense pas que ce soit le cas de tout le monde, je pense notamment aux femmes seules élevant leurs enfants. »
C4 : Cette démarche vous rapporte combien?
M. : « C’est encore difficile à dire, je viens de commencer et je n’ai pas encore toucher mon supplément. Et pour cause, mon premier document pour le mois de janvier, je l’ai fait cacheter le 2 février. Et boum, arrivé à mon syndicat, on me dit que le document devait être cacheté au mois de janvier et que je ne toucherai pas de supplément ce mois-ci. Ils m’ont proposé de faire une réclamation, arguant que c’était mon premier moi mais le type m’a dit de ne pas me faire d’illusion. A 99% de chance, l’ONem refuse. Alors quand tu fais la file au syndicat, que tu perds une matinée de congé pour t’entendre dire ça, ben oui, clair que ça fout les boules. Mais pour répondre à la question, ça doit me ramener environ 230 euros. Ce n’est pas négligeable quand l’on gagne 850 euros… Mais bon, je me réjouis que ma copine trouve un boulot pour envoyer balader ce délire administratif pour des clopinettes. »
En pratique
Quand le travailleur a-t-il droit à un complément chômage (allocation de garantie de revenu)?
L’allocation de garantie de revenu (AGR) assure au travailleur un revenu au moins égal à une allocation de chômage si l’emploi ne dépasse pas un tiers d’un temps plein. L’AGR sera supérieure à l’allocation de chômage si l’emploi dépasse le tiers d’un temps plein. Inversement, pour être considéré comme un travailleur à temps partiel, il faut travailler au minimum le tiers d’un temps plein.
Attention, ceci n’est pas valable pour les travailleurs à temps plein qui sont passés à un emploi à temps partiel dans le cadre d’un plan d’entreprise de redistribution du travail ou d’un accord pour l’emploi.
Dans tous les cas, la rémunération mensuelle brute doit être inférieure au salaire mensuel brut de référence (1.440,67€ au 1er janvier 2009 pour les plus de 21 ans et 1.137,74€ brut pour les travailleurs de moins de 21 ans).
Comment percevoir l’allocation de garantie de revenu ?
Quand vous avertissez le Forem ou Actiris pour signaler que vous venez de signer un contrat à temps partiel, demandez le formulaire « A234 » qui est une attestation pour bénéficier de l’AGR. Rendez-vous ensuite à la CAPAC ou dans votre syndicat pour faire remplir l’attestation. Munissez-vous de votre contrat de travail. L’on vous donnera alors deux types de documents, le formulaire C131B et le C3-Temps partiel à remplir par vous et/ou votre employeur. Vous devez faire ces démarches dans les deux premiers mois succédant le début de votre contrat. Le verso du C3-Temps partiel est à remplir par vos soins. Il s’agit d’une grille reprenant le mois et vous devez cocher case par case les heures que vous avez presté. Vous êtes censé avoir ce document sur vous en cas de “descente” de l’ONem sur votre lieu de travail.
Si vous travaillez dans l’associatif, que vous avez des horaires variables, et que vous décider de clamer que vous êtes en train de faire du bénévolat des fois que votre grille ne correspondrait pas aux heures prestées, sachez qu’il vous sera probablement demandé de montrer le formulaire C45B relatif au volontariat. Vous voilà prévenu!
Le C3-Temps partiel doit être tamponné par un bureau de la ville, à la mode “pointage à l’ancienne”. Vous pouvez faire tamponner 3 documents (l’équivalent d’un trimestre) à la fois. Attention, si vous commencez en janvier, le document
doit obligatoirement être tamponné ce mois-là, dans le cas contraire, vous perdez votre AGR. Si le document est raturé ou tippexé, vous ne pourrez pas bénéficier d’un duplicata et vous perdrez également votre AGR pour le mois. Bonne chance à tous!
Joël Napolillo
1Notes:
- Sources :
Plate-forme pour le retrait de la réforme de l’Allocation de Garantie de Revenu http://www.asbl-csce.be/journal/57AGR.pdf
Allocation Garantie de Revenus : L’enfer pavé de (soi-disant) bonnes intentions :
www.asbl-csce.be/journal/AGRdossier112006.pdf ↩