[Les Diogènes] « Long live la nouvelle avant-garde »

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Durant l’Antiquité, Diogène apostrophait la foule. A présent, c’est au tour du philosophe de se voir brocardé. De la rue s’élèvent les murmures d’artistes  réclamant son départ. Parmi ces contestataires, le musicien Garrett List qui, le temps d’une soirée, n’a pas hésité à déloger l’antique Grec de son confortable tonneau.

Une ruelle, la nuit. Un homme s’approche de moi. Il me demande s’il peut me lire quelque chose, tout bas. Il promet de ne pas crier et s’excuse d’avance pour son français approximatif. En temps normal, laisser un étranger surgi de l’obscurité me susurrer des mots à l’oreille (aussi doux soient-ils) ne fait pas partie de mes habitudes. Mais comme on m’avait prévenu qu’un « Diogène » allait sans doute intervenir…

L’annonce faite à Diogène

« Je veux proclamer la nouvelle avant-garde » chuchote-t-il. « Il faut mettre Diogène à la porte ! » Soit. Mais pourquoi mon oreille est-elle la seule à recueillir ces confidences ? Ne vaut-il mieux pas les proclamer haut et fort, à la manière du vieux sage ? « Il représente une façon de faire de l’art qu’il faut maintenant changer » m’assure son successeur. «Depuis la nuit des temps, on a cherché les meilleurs hommes pour toute une série de tâches spécifiques : le meilleur chasseur, le meilleur coureur, le meilleur constructeur, le meilleur ceci, le meilleur cela. Et les gens qui n’avaient pas de talent ont été exclus. On a créé une myriade de hiérarchies, remplies de mensonges et d’hypocrisie. On s’est retrouvé avec des généraux et des lieutenants, des sergents et des caporaux, des présidents et des vice-présidents…»

Certes, en matière d’énumération, mon nouvel avant-gardiste se montre très convaincant. Mais la démonstration de sa maîtrise du langage devrait se faire en public et non dans l’intimité de mon pavillon auditif. Au moment où l’idée m’effleure qu’il ignore sa propre position, il renchérit : « l’artiste a toujours joué en fonction de cette idée-là : il était pour ou contre le statu quo. Et les artistes qui étaient contre ont toujours cherché une façon insolite de provoquer la conscience des gens. Maintenant, on a besoin d’une nouvelle avant-garde.»

Le nouvel art de Garrett List

Enfin, j’entends le murmure de mon harangueur : «On va créer un art qui est fait pour mettre en valeur la qualité unique de chaque être humain. Un art qui change les faiblesses en forces, qui remplace les souffrances par de la détermination, de la joie. Fini avec l’art de la consécration, fini avec les artistes qui ne sont là que pour se positionner face au status quo. » Ce soir-là, Garrett List s’est adressé à moi en ma qualité d’individu. Il a laissé la foule à la Grèce antique et transformé, le temps d’une intervention, chaque présent en être singulier. Du sentiment d’être unique à la gêne d’être à part, la démarche artistique de Garrett List a provoqué ses écoutants.

Chez lui, ce nouvel art se met également en œuvre au quotidien. Musicien, compositeur et fondateur de l’orchestre européen « ViVo ! », Garrett List tente de créer « une nouvelle musique populaire, une nouvelle avant-garde en réaction aux problèmes de notre époque [ndlr : un art pollué par une vision artistique le plus souvent mercantile, la destruction lente mais inévitable de notre planète,…], une musique construite sur d’autres fondations, qui éveillerait la conscience et stimulerait l’imaginaire de tous [1]».

Au risque de faire se retourner Diogène dans son tonneau, n’hésitons pas à proclamer, même tout bas : longue vie à cette nouvelle avant-garde.

[1 http://www.garrettlist.com/

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