La Rémunération Equitable?: quitte ou double??

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La loi belge protège depuis longtemps les auteurs de musique et de chansons: des droits leur sont déjà payés via la Sabam. Depuis le 30 juin 1994, elle accorde une protection comparable aux artistes-interprètes et aux producteurs. Ceux-ci ont droit désormais à une « rémunération équitable » lorsqu’on diffuse leur musique dans un endroit accessible au public. Plus de 80 pays ont déjà reconnu ce principe, solidement établi aujourd’hui dans toute l’Union Européenne.

Qui doit payer ?

Ces droits voisins sont dûs par toute institution, organisation, association, commerce ou particulier… qui organisent des activités temporaires ou récurrentes, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur, et durant lesquelles le répertoire musical des artistes-interprètes et des producteurs de musique est diffusé en présence d’un public. Par activité, il faut entendre non seulement activités culturelles ou de divertissement, mais aussi activité commerciale ou de prestation de service)Sont concernés : les organisateurs de braderies, de fancy-fairs, le secteur Horéca, les dancings, les magasins, les galeries d’art, les associations, les salons de coiffure et d’esthétique, les cinémas, drive-in, les les professions libérales de prestations de services, les centres culturels, les salles polyvalentes, les administrations, les radiodiffuseurs…

Certes, nul n’est censé ignorer la loi, mais l’information concernant ces droits voisins a été peu ou mal communiquée, car bon nombre de témoignages de personnes travaillant dans les divers secteurs concernés ont découvert avec beaucoup de surprise les premiers courriers émanant de la rémunération équitable et les enjoignant de payer des montants quelquefois considérables. Pourtant, leur site dit explicitement : « Cette rémunération est dite “équitable”, notamment parce qu’elle n’est pas imposée par les ayants droit, mais a été longuement négociée avec les utilisateurs. » De quels utilisateurs parlent-ils exactement ? Car en ce qui concerne notamment les organisateurs d’événements et le monde associatif, on se demande bien quand et comment ils ont pu effectivement « négocier ».

Les tarifs

Les tarifs en vigueur concernant les droits voisins dépendent de plusieurs facteurs : le type de local (commerce, salle polyvalente, cinéma…) ; la récurrence ou non des activités ; la superficie de la salle (ou du terrain, si c’est à l’extérieur); la présence ou non de boissons sur le lieu de l’activité et l’option « avec danse » ou « sans danse ». Par exemple, pour une activité temporaire à l’intérieur dans une salle de 400 m2 avec boissons et avec danse, la rémunération équitable est d’environ 160 euros minimum par soirée. Si l’on y ajoute les droits d’auteurs versés à la SABAM, une activité même modeste peut rapidement coûter très cher.

Informez-vous bien !

Que l’on soit ou non d’accord avec le principe des droits voisins et le payement de cette « rémunération équitable », ce qui représente en soi un vaste débat, il est devenu impossible de s’y soustraire. De plus, si vous ne déclarez pas votre activité dans les délais impartis (soit 5 jours ouvrables avant l’activité) , les amendes sont de mise, et elles sont importantes : 15% de majoration minimum. De même, si vous possédez un établissement public mais que vous n’y diffusez pas de musique, vous êtes malgré tout tenu de renvoyer le formulaire complété. Dans le cas contraire, vous serez présumé débiteur, soit du tarif forfaitaire le plus élevé de votre catégorie, soit d’une majoration de 15%, avec un minimum de 166,16 euros.

Il s’agit de bien s’informer, mais c’est là que le bât blesse. Plusieurs témoignages émanant du secteur associatif tendent à démontrer que la Rémunération Equitable les a mal renseignés, voire carrément désinformés.

Ainsi, une association d’éducation permanente dont nous tairons le nom nous a raconté la triste — et coûteuse — expérience qu’elle connut en se fiant aux informations données par téléphone par divers opérateurs de la
Rémunération Equitable.

Cette association organise des activités récurrentes dans un même lieu, avec boissons et, certaines fois, avec danse. La plupart des soirées sont gratuites, parfois à prix libre. La Rémunération Equitable leur a demandé de rentrer pour chaque activité une déclaration préalable. Pour quatre soirées dans une salle de 250 m2, le montant se chiffrait à environ 400 euros. De plus, comme c’est le cas de beaucoup de petites structures, le personnel est en sous-effectif, et il est parfois difficile d’exécuter dans les délais impartis les procédures administratives exigées. Dans le cas qui nous occupe, il suffit d’un jour de retard pour que la Rémunération Equitable comptabilise une majoration de 15%. Pire : même dans les cas où les documents avaient été envoyés par fax en temps et en heure, plusieurs invitations à payer comportaient malgré tout une majoration de 15%. Dès lors, sans une grande attention de la part des employés de l’association, celle-ci aurait payé des montants indus. De plus, ces majorations non fondées entraînent des procédures de réclamations qui génèrent un travail supplémentaire considérable : appels téléphoniques, courriers, fax…

Mais ce n’est pas tout. Alarmés par les sommes importantes réclamées — et par le surcoût occasionné, lequel déséquilibrait les budgets —, les employés ont décidé d’effectuer des recherches afin de savoir s’il n’existait pas des modalités particulières pour les associations ou des possibilités de dérogation. En menant leur petite enquête, ils ont découvert qu’en vertu de la récurrence de ces activités, lesquelles se déroulent qui plus est dans le même espace, l’association avait la possibilité de payer une somme forfaitaire annuelle. Somme forfaitaire dont le montant annuel était à peine plus élevé que celui réclamé jusque là pour quatre soirées !
Une fois le montant forfaitaire fixé et la procédure engagée, l’association avertit par téléphone et par écrit la Rémunération Equitable de façon à ce que les activités du mois en cours ne soient pas comptabilisées — la cotisation forfaitaire prenant cours le premier jour de ce mois. Mais cela ne suffit pas : peu de temps après, de nouvelles invitations à payer majorées de 15% concernant les activités du mois en cours arrivaient au bureau de l’asbl.
De nouveau, courriers, appels téléphoniques, fax… L’asbl eut droit à une —courte — trêve. Quelques mois plus tard, un contrôleur de la Rémunération Equitable se présenta lors d’une soirée. L’employée lui répondit que l’asbl était en ordre, qu’elle avait réglé un montant forfaitaire annuel. Il répondit que c’était en règle et s’en alla. Mais quelques jours plus tard, une nouvelle invitation à payer arrivait… Au téléphone, il fut répondu que l’attestation de payement du forfait annuel devait se trouver à disposition des contrôleurs lors de chaque activité. Or, le contrôleur n’avait jamais demandé à voir ledit document. Finalement, ce n’est qu’après les avoir menacé de leur envoyer un avocat que la Rémunération Equitable lâcha l’affaire en s’excusant de cette « malheureuse méprise».

Une autre asbl, qui possède son propre espace d’activités, a également été mal renseignée. Il leur fut expliqué que lorsqu’ils organisaient une activité avec un partenaire extérieur, une déclaration d’activité —suivie d’une invitation à payer— devait être introduite, même si l’asbl avait payé son forfait annuel. Or, cette information est erronée. Pour autant que l’activité organisée en partenariat s’inscrive dans les critères ayant défini le forfait (boissons, danse…), aucun montant supplémentaire ne doit être payé, et aucune déclaration ne doit être introduite.

Mauvaise formation des employés de la Rémunération Equitable ? Confusion ? Complexité de la matière ? Ce qui est sûr, c’est que les erreurs semblent se répéter à divers niveaux. Une enquête minutieuse auprès de tous les organismes concernés par le payement de ces droits voisins serait bienvenue. Car pour les petites associations et les modestes organisateurs d’événements, les montants exigés sont énormes en regard des
budgets dont ils disposent. Faute d’une information correcte, ces petites structures pourraient se trouver dans des situations difficiles, soit à devoir payer des montants exorbitants, soit à ne plus être en mesure, faute de moyens, de poursuivre leurs activités dans ces conditions.

La vigilance est de mise. Informez-vous bien, et mettez en doute tout ce qu’on vous dit : c’est le meilleur moyen pour que les choses restent… équitables ?

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