Cette culture destinée à être vendue est bel et bien présente dans les centre commerciaux – notamment dans les chaînes franchisées de disquaires et de bouquinistes. Celles où il est facile de trouver ce que l’on cherche tant que ce n’est pas trop « obscur » et de se laisser tenter, par la même occasion, par le denier iphone. Mais ne vous mettez pas en tête de dénicher une œuvre d’art unique, non reproductible : les galeristes se cachent ailleurs.
C’est plus particulièrement à la culture destinée à faire vendre que nous nous attarderons ici, celle dont le choix et la mise en place sont plutôt entre les mains d’un directeur du marketing qu’entre celles d’un responsable des ventes. Une culture destinée à faire joli, à créer le besoin, à appâter le client, à le rassurer et à lui donner une image de lui qui colle à celle qu’il souhaite. Car dans ce domaine, de vrais professionnels sont aux commandes : ils sondent, évaluent, et finalement décident. Ce sont eux qui achètent le mobilier Cartel pour décorer la galerie, qui décident quelle odeur sera vaporisée dans les rayons et qui choisissent si l’aspirateur doit se trouver dans la main gauche ou droite du modèle sur l’affiche publicitaire.
D’une pierre quatre coups
Mais tout n’est pas si noir dans ce tableau. Ainsi, nombre de grands magasins organisent une visite de Saint-Nicolas chez eux, pour le plus grand bonheur des touts petits. La file pour rencontrer le grand saint est dense et bruyante et chacun a droit à son bonbon. Mondialisation et respect des différences culturelles obligent (encore elles !), Halloween et le père Noël sont aussi de la partie (on se rappellera d’ailleurs de l’arrivée triomphale de ce dernier en rappel depuis le toit de la galerie Saint-Lambert à Liège il y a quelques années). La raison d’être d’une galerie commerciale est de nouveau mise en avant : le but est de faire d’une pierre deux coups (ou trois ou quatre) : la Saint-Nicolas du petit, les courses de la semaine et quelques trucs encore. Et tout le monde est content : depuis le défenseur du folklore local jusqu’au commerçant, en passant par le politique et le banquier qui se réjouissent que le capitalisme soit enseigné aux plus petits dès la sortie du berceau… Il paraît que c’est aussi de la culture…
De nombreuses manifestations « culturelles » sont ainsi organisées dans les centres commerciaux du monde entier : on a ainsi vu le « grand » Justin Bieber (et d’autres) y signer des autographes ou donner des concerts. C’est d’ailleurs aux USA un moyen comme un autre de se faire repérer par un producteur. Près de chez nous, la nouvelle médiacité a aussi organisé sa fête de la musique et y a programmé des artistes locaux. Il faut se donner une image progressiste et surtout appâter le chaland. Mais essayez de vous déguiser en mendiant et de pousser la chansonnette un soir d’hiver à City 2 : vous n’y tiendrez guère longtemps.
Tout pour la Muzak !
La culture et le commerce peuvent cohabiter, tant qu’on ne se méprend pas sur la nature de la première. Car dans ce contexte, la culture est soit un produit de consommation comme un autre, soit un incitant, un faire-valoir. C’est le cas de la « Muzak », forme de musique aseptisée et mise aux normes (les passages de niveaux sonores très forts ou très faibles en sont nivelés), parfois diffusée dans les galeries commerciales, les supermarchés, les stations de métro, les ascenseurs ou encore sur les lignes d’attente des standards téléphoniques. Ce terme vient du nom de la compagnie Muzak, qui fut pionnière dans ce domaine. Dès lors, si un jour vous observer une sculpture contemporaine dans un Cora sans aucun vendeur à l’horizon, appelez les secours !