Les digitals natives, alias la génération Y — née après 80 et n’ayant connu que l’ère numérique — semblent n’accorder aucune légitimité à ce conflit. Sur un de leurs territoires virtuels de prédilection, Facebook, ils le balayent d’un click. Le groupe « Ecouter la musique avec ton MP3 dans le bus à fond, penser & tout oublier» comporte 1260 membres, l’encore plus explicite « Quand j’écoute ma Musique, je suis insociable ! Comprenez-moi ! » en compte 1760.
En face, on retrouve généralement des baby boomers. À « leur époque », dans les transports en commun, le silence s’imposait comme une règle tacite. Les conversations un peu limites rendues publiques par des gogos qui ignoraient visiblement les messes basses existaient déjà – on les traitait avec des œillades significatives. Puis, ce problème a explosé avec la généralisation du port du GSM – des cascades de conversations privées se sont déversées dans les bus. Un scandale… Mais le pire restait à venir…
Aujourd’hui, l’ultime stade de la pollution sonore pour les uns, le top de l’outil culturel pour les autres, s’appelle musique au format numérique. Entre les deux tendances, les débats se font rares. Olivia, 35 ans, témoigne : « Les plus âgés pestent en émettant des sortes de râles et en levant les yeux au ciel. Mais ils n’osent rien dire. L’autre jour, j’étais dans le tram, j’avais mon MP4 dans les oreilles mais je pouvais encore entendre le son de l’ipod du mec derrière moi – et voir les tronches des cinquantenaires et plus qui boudaient en silence. J’ai enlevé mon casque, me suis retournée et ai demandé au mec de diminuer. Puis, j’ai remis la musique. »
Au beau milieu de ce conflit culturel larvé, on retrouve la génération X, celle née entre 68 et 80. Elle connaît les codes les plus anciens et comprend les usages des plus jeunes. L’expérience de Valérie nous le montre : « J’ai toujours aimé écouter de la musique, j’aime me promener avec mon lecteur MP4, mais je ne peux pas m’empêcher de chanter! Bon, dans la rue, ça va, je croise des gens, il me prennent pour une maboul, ça dure cinq secondes… mais dans le bus, hum, ça me gêne un peu parce j’ai l’impression que ça ne se fait pas. Alors j’ai trouvé la parade, je marmonne dans mon écharpe! Bon, je ne sais pas encore comment je ferai en été, on verra… ».
Bref, quand on construit le problème de manière générationnelle, l’intermédiaire s’impose immédiatement. Entre les digital natives et les baby boomers, il suffit à la génération X de jouer les interprètes. Et la paix culturelle sera restaurée.