Décorer sa maison ne consiste pas seulement à choisir des meubles différents de ceux du voisin. Cela traduit également les diktats culturels actuels. Pour cerner ces contraintes, nous allons détailler les grandes tendances qui traversent la décoration intérieure : d’abord, la « révolution Ikea » qui fait fureur, mais aussi des modes plus personnalisées comme le design, le bricolage ou les penchants naturalistes appliqués à l’espace personnel, tel que le Feng-shui ou l’écologie, qui ont un gros succès.
Ikealisation de nos maisons
Que ce soit pour leur prix ou pour leur design moderne, les meubles vendus par ce célèbres magasin s’imposent comme des choix incontournables dans l’espace privé d’une grande partie de la population. La dimension universelle du géant suédois pousse nos maisons à se ressembler les unes les autres. Qu’ont en commun un ouvrier italien et un professeur belge? Sûrement un des objets fétiches d’Ikea, comme les lampes de papier chinois ou l’étagère la plus vendue au monde, appelée « Billy ».
Si nous interprétons nos maisons comme un symbole ou une expression de notre culture, cette mondialisation du style soulève quelques questions. De Lisbonne à Berlin, cuisine et salons sont de simples «copier-coller » du catalogue Ikea – qui ne se soucie jamais d’adapter ses fournitures aux manières de vivre locales. La prolifération de meubles suédois serait en train d’accomplir ce qu’on pouvait croire irréalisable : transformer le différent en semblable. La présence répétitive des mêmes objets dans tout les foyers entraîne une universalisation de la culture à travers la décoration et l’aménagement de nos intérieurs. Le contraste entre la globalisation de nos produits et l’individualisation de nos sociétés se ressent dans toutes les maisons du monde.
Si on aime acheter dans les gros hyper-marchés de meubles, pour être à la dernière mode, on suit aussi nos coups de cœurs dans des boutiques un peu plus chères proposant des objets uniques ou adaptés à notre manière d’envisager la vie.
Design me !
À côté des leaders du marché, on peut aussi trouver d’autres tendances illustrant le fait que les habitants de l’espace culturel du « chez soi » intègrent diverses manières de faire de leur maison un coin unique. Le design, par exemple, vit un moment de splendeur dans la société moderne, comme l’interprète Sophie Loriaux, propriétaire d’un magasin design à Liège : « les gens achètent du design pour se faire un petit plaisir, pour se différencier des autres, pour avoir une belle pièce chez eux. Bref pour avoir enfin chez eux des articles qu’on ne retrouve pas dans toutes les maisons ». Bien que les gens ne décorent pas tout leur appartement avec des pièces design, ils choisissent de petit objets qui les représentent. Une des modes les plus en vogue, ce sont les objets qui ramènent les adultes à l’enfance, comme des lampes avec des coloris impossibles ou des outils de cuisine qui ressemblent à des jouets.
Mais, selon Sophie Loriaux, on voit aussi s’imposer des articles qui s’adaptent à la vie quotidienne : « le style lounge est très demandé grâce à des caractéristiques indispensables comme la commodité, l’usage pratique et multifonctionnel et, en plus, c’est facile à nettoyer. L’habitat réduit dont on dispose nous pousse à bien choisir les matériaux et à envisager les multiples usages d’un article afin de l’adapter à son appartement » Et la marchande de conclure : « Entre autres particularités de ces objets design, on peut retenir les outils qui respectent la planète comme des produits recyclés, écologiques ou équitables. »
Unique et adapté ? C’est du bricolage !
Le bricolage constitue une autre manière d’accommoder notre décoration à notre manière de vivre. Cependant, il faut être assez doué. « Mais si on a envie d’avoir quelque chose de différent, d’unique et en plus de moins cher, la meilleure manière est de le réaliser soi-même », affirme le responsable du magasin Monsieur
Bricolage. Pour lui, il est évident que les acquis culturels sont très présents dans notre vie quotidienne et dans notre façon de nous approprier l’espace [:] « La culture est directement liée à la manière dont on meuble sa maison. Dans les pays, à l’image de la Belgique, où le soleil est assez faible, on a tendance à utiliser les couleurs pour la peinture et les meubles en essayant de donner de la vitalité à la maison. On apporte à nos espaces ce que la nature ne nous fournit pas ». « D’ailleurs », ajoute le responsable, « la situation géographique influence notre maison ; par exemple, les Flamands ont tendance à construire des maisons blanches alors que les Wallons préfèrent les maisons en brique ». Des tendances qu’impliquent une culture divergente dans un même pays.
Une grande partie des gens qui ont recours au bricolage tentent de créer des espaces qui s’ajustent aux fonctions de l’habitation. Par exemple, créer un petit bureau, une salle de jeux pour les enfants, pour la lecture, ou simplement concevoir un meuble qu’on ne trouverait pas ailleurs. En définitive, ils expérimentent des nouvelles formes pour faire de leur maison un endroit qui ressemble à ceux qui l’occupent.
En harmonie avec la nature
La vitalité et les énergies en mouvement font aussi partie de nos résidences. Ceux qui y croient s’empressent de transformer leur logis en un havre de paix. Le Feng-shui et les matériaux naturels qui l’accompagnent sont des tendances assez répandues dans notre société. Si, vous aussi, vous vous êtes déjà demandé pourquoi on ne place jamais le bureau dos à une porte, le Feng shui vous répond : pour éviter la peur et les intrusions! En plus de nous orienter dans le choix des espaces, cette philosophie d’origine chinoise nous conseille les types de matériaux à utiliser pour que notre maison soit zen. Le bois, le métal, le verre et les plantes sont les « top one » dans la création d’une maison stable avec une énergie positive. Vraisemblablement, ce type d’organisation séduit les amants de l’écologie et des philosophies en harmonie avec la nature. Encore une fois, les citoyens réinventent leur résidence pour l’adapter en fonction de leurs goûts et de leurs préoccupations environnementales. Cette inquiétude pour la nature a déclenché le dernier cri en matière de logement : la maison écologique. Ces maisons bio gagnent du terrain dans le panorama de l’ameublement et de la construction, en accord avec le mouvement écologique qui se développe de plus en plus dans notre société.
Définitivement, l’apparence de nos intérieurs ne se fonde pas que sur un choix esthétique : elle a un sens bien plus profond que celui d’une simple déco. Notre identité, notre vie sociale et la culture dominante ont un impact prononcée dans la création de notre foyer. En la matière, des conceptions dualistes se disputent le pouvoir : la globalisation et l’individualisme, la mode et la pièce unique, la modernité et le retour à la nature, etc. Cette dualité est palpable au sein de nos lieux de vie.
Une question se pose : la maison est-elle toujours un foyer ou devient-elle un lieu de consommation parmi tant d’autres?
Apparemment la résidence est devenue une de nos cibles consuméristes, un petit objet par ci, un par là, et à la fin, l’appartement déborde de choses qu’on n’utilise jamais. « D’ailleurs, on renouvelle la décoration du salon et des pièces les plus utilisées tous les cinq ou sept ans, parce qu’on passe beaucoup de temps dans ces pièces et on s’en fatigue plus vite que dans un pays où la vie se déroule d’avantage au dehors », nous apprend le responsable du Mr. Bricolage. Le temps où les familles achetaient des meubles en bois pour qu’ils résistent toute une vie semble bien loin. De nos jours, l’unique héritage à laisser à nos enfants serait l’hypothèque, car les meubles d’aujourd’hui se démodent en un clin d’œil.