Dès qu’on a commencé à produire des autos en série, certains ont voulu les personnifier (ou plutôt à les « customiser »). Le tuning n’a rien d’un phénomène récent — sa forme ancestrale (le hot rod) consistait à transformer des Ford T et autres Chevrolet dès le début des années 30. Dans les années 70, il repiquera dans les milieux hispaniques californiens. Pour s’insinuer, dès les années 80, dans la culture Hip Hop. En 2004, la chaîne musicale MTV lance une grande messe du tuning : « pimp my ride ». L’émission — qui consiste à suivre la transformation d’une poubelle roulante en summum de la voiture customisée — obtient un succès énorme auprès du (jeune) public. Son plus célèbre présentateur se nomme Xzibit, c’est un rappeur originaire de Detroit (la ville de l’auto par excellence).
Le véhicule de série s’envisage d’emblée comme une question de style — et la musique s’impose très vite comme son décor sonore. L’autoradio a presque l’âge du tuning : l’autosuper AS5 de Blaupunkt date de 1932 – mais on installait des radios dans les voiture américaine dès 1925. Les racines de l’histoire d’amour qui unit la bande FM à la bagnole sont profondes et aujourd’hui encore, l’info-trafic reste un best-seller radiophonique : Elisabeth Michalakoudis ou autre Othman Chtouki jouent les animateurs vedettes en direct du centre PEREX et l’échangeur de Gouy-lez-Pietons devient un lieu quasi mythique.
À la radio, on a toujours une pensée pour « ceux qui nous écoutent dans leur voiture ». Certains automobilistes ne supportent pas qu’on chipote au tuner parce qu’après, ils ne retrouvent jamais Vivacité . D’autres, zappeurs impénitents, aimeraient que la personne qui a inventé les commandes de l’autoradio au volant figure sur les billets de banque – sous prétexte qu’elle leur a sauvé la vie un paquet de fois.
Mais une simple radio en ondes longues ou courtes, ça fait bien longtemps que ça ne suffit plus aux automobilistes. Le radio-cassettes voit le jour dès les années 60 et s’impose comme un must dès la décennie suivante. Les années 90 intronisent le lecteur CD – on peut même le relier à des chargeurs et faire de son coffre un juke-box. Arrive ensuite le MP3 : d’un siège auto, on peut presque gérer une médiathèque! D’autant qu’à l’arrière règne désormais la tranquillité sous forme numérique : les enfants disposent, eux, d’un dvd portable à double écran.
Toutes ces innovations technologique intègrent le quotidien de nos trajets en même temps qu’elles accompagnent ce mouvement d’individualisation des goûts culturels qui caractérise les sociétés à l’âge des réseaux numériques. Chacun devient potentiellement le programmateur culturel de parcours routier. Ainsi, l’écoute des stations radios locales ou nationales en direct concèdera du terrain à la pratique du podcasting – qui permet de ré-entendre quand on le veut des émissions téléchargée sur la toile – puis à celles du streaming – qui consiste à se brancher sur un flux radio immédiatement sur internet. Une Anglaise habitant l’Est de la France depuis plus de dix ans nous expliquait récemment : « Dans la voiture, j’ai pris l’habitude d’écouter LBC (London’s Biggest Conversation) en streaming, via mon ipod touch. C’est une station uniquement dédiée au débat entre « citoyens». Je peux me faire une idée de ce qu’on pense dans la société britannique, j’apprécie. Même si je dois avouer que, parfois, ce que je peux entendre me fout carrément les jetons mais bon…». Reste le problème des infos localisées : « j’ai un gps qui m’indique les bouchons! ».
La voiture sera-t-elle le énième siège de la dissolution de la culture de masse pour avoir consacré des pratiques plus singularisées? Et les directs depuis le centre PEREX qui rythment nos trajets résisteront-ils aux flots d’innovations technologiques? Othman Chtouki va-t-il devoir se reconvertir professionnellement? Pour avoir des réponses à toutes ces questions : patience – comme on dit dans les bouchons…