Cultures

Aujourd’hui, la culture ressemble à ces élixirs miraculeux qui guérissent tout – un peu comme ceux que les bonimenteurs refourguent toujours aux « gogos » dans les westerns. Pour beaucoup, la culture permettra, entre autres, le redéploiement économique . D’autres l’appréhendent comme un exceptionnel vecteur de promotion internationale . Un survol des lieux —de la sphère intime à l’espace public en passant par les galeries marchandes — indique que la culture fait briller l’image des sociétés anonymes qui la financent, et réussit à capturer la précieuse attention des consommateurs. Elle pourrait bien jouer le rôle de moteur du changement politique pour les uns, pendant qu’elle sert aux autres d’outil de maintien de la cohésion du groupe ou d’intégration de l’esprit d’entreprise.

Impossible de la définir – sans doute parce qu’elle doit pouvoir servir à tout et à son contraire. Et qu’elle se construit n’importe où, sous n’importe quelle impulsion : pas seulement dans les musées ou les théâtres, mais à la maison, dans la rue, dans le bus, sur l’escalator d’un centre commercial, au bureau, en voiture, entre deux portes… Innovations technologiques et émergence des réseaux sociaux, tendance à la personnification et effritement des grandes adhésions massives : la liste des phénomènes qui poussent vers l’usage du pluriel s’agrandit de jour en jour – peut-être devrons-nous bientôt nous résoudre à parler de «cultureS »?

Singulier officiel et reconnu, ou pluriel en mouvement et foisonnant? Laissons donc aux historiens du futur le soin de trancher. Et tant qu’ils y seront, qu’ils tentent donc de déterminer le sens exact de ce que nous avons appelé, dans ce dossier, « culture » – sans jamais nous inquiéter de l’absence de sa définition…