Come a casa

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L’exclusivité

Geneviève habite Liège. Pour les cinq ans de son mari, elle cherchait un cadeau original. Autre chose qu’un pull en pure laine que Michel ne mettra qu’une fois pour lui faire plaisir. « Il aime beaucoup le guitariste Jacques Stotzem. Comme il avait déjà les CD et était déjà allé à des concerts, j’ai pensé le faire venir à la maison », explique Geneviève. Une idée soufflée par une amie qui a déjà accueilli dans sa demeure un mini-concert d’une harpiste professionnelle. « J’ai donc pris contact avec l’artiste — un homme simple et accessible — qui a trouvé l’idée très bonne. » précise-t-elle. Un petit concert privé qui, bien évidemment, a un coût. Geneviève n’a pas désiré communiquer le montant, mais juge que celui-ci correspond parfaitement à la merveilleuse soirée que son mari a passée. « Il était ravi. Pour l’occasion, j’avais également invité ses amis. Nous étions une bonne trentaine, assis dans le salon ou appuyés contre les meubles, autour de Jacques Stotzem et de sa guitare. Si proches de l’artiste, on ressent encore mieux la musique » raconte Geneviève. A la question de savoir si elle préfère ce type de concert à ceux proposés sur les scènes, la Liégeoise hésite. « Ici, il n’avait que ses onglets et sa guitare à transporter et à installer . Cela ne fonctionnerait pas avec n’importe quel artiste. Le concept du « concert at home » ne s’appliquerait donc qu’à une palette restreinte d’artistes… pour l’instant ».

La rentabilité

Mais le concept des « artistes at home » ne se limite pas à la musique. A l’heure actuelle, on ne compte plus ce que l’on nomme les « parcours d’artiste ». Le principe : regrouper une série d’artistes en un même lieu, une même ville. Certains ouvrent les portes de leur maison ou de leur atelier. D’autres profitent d’espaces d’exposition parfois insolites. Pour le public, c’est une autre façon d’appréhender l’art. Un plan en main, vous voilà parti à la conquête du tableau ou de la sculpture qui saura vous toucher. « C’est ouvert à tous », scandent les organisateurs. Et en termes de dépenses logistiques et promotionnelles, le procédé est évidemment plus rationnel que lorsqu’on met à l’honneur un seul artiste à un moment défini. Du coup, cela permet à de jeunes créateurs d’exposer plus facilement. Malgré tout, certains artistes n’apprécient pas de devoir passer par ce type de pratiques pour promouvoir leur art.

La nécessité

Ils n’en sont qu’à leur quatrième représentation. Et pourtant, Jacques Wauters, comédien et président de l’asbl l’Oguste Théâtre, croit en son projet. Il propose un spectacle de poésie à déguster à la maison. Un projet théâtral contraint et forcé de s’inviter dans la sphère privée. « Quand vous présentez un spectacle de poésie à un centre culturel, on vous regarde comme un OVNI. Pour le dire un peu vulgairement, ça les emmerde. Ils ne se font pas un franc de plus en vous programmant. Du coup, on est difficilement accueilli », explique le comédien. Accompagné d’une autre actrice et d’un musicien, ils se sont lancés à l’assaut des livings et autres salons des quidams… parce que, en fin de compte, ils n’avaient pas vraiment le choix. « J’habite à Durbuy. Il y a vingt ans, il n’y avait pas autant de petits théâtres que maintenant. Et pourtant, il n’y a pas de place pour tous les artistes, pour ceux qui ont le feu sacré. C’est une ineptie ! » Se vendre à des particuliers parce que les espaces publics tournent le dos : voilà une des explications de l’émergence de tant d’initiatives de ce genre. Si la démarche part du constat navrant du manque d’espace d’expression donné aux acteurs culturels, elle n’en reste pas moins intéressante. La proximité avec le public modifie les perceptions et les ressentis. « Quand on joue une pièce, on ne voit le public qu’à la fin, lors des applaudissements » commente Jacques Wauters. « Ici, on ne se trouve qu’à quelques mètres. Et les gens sont plus réceptifs quand ça se passe chez eux. »

Faut-il pour autant en conclure que théâtres, expos et salles de concert vont progressivement se vider ? Certes non, mais il faudra désormais compter avec ces espaces d’expression culturelle parallèles, entre l’intime et le convivial.

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