Parcours d’adoptés

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Etaient réunies autour de la table Béatrice Bertrand pour la Direction Générale de l’adoption de la Communauté française ; Christine Bykens, psychologue; Françoise Pasteur, directrice du centre d’adoption « Sourires d’enfants ». Le débat était animé par Vinciane Despret, psychologue et philosophe. Trois personnes adoptées ont décidé de se raconter : il s’agit de Kim Conraed, artiste; Jamila Remacle, éducatrice et employée dans une asbl pour personnes réfugiées, et Martha Regueiro, journaliste.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, Béatrice Bertrand a voulu rappeler les grands principes qui jalonnent l’adoption en Communauté française. En 1993, la Belgique signe la Convention internationale de la Haye sur l’adoption, texte corollaire aux droits de l’enfant. La Convention part de la protection de l’enfant. En substance, tout enfant à droit à une famille et à être protégé. En d’autres termes, il y a adoption parce que des enfants sont en demande, et non parce que des parents potentiels le désirent. Il a fallu près de dix ans pour qu’un décret traduise la convention, en 2001. Depuis, l’adoption est sévèrement réglementée dans notre pays, même s’il existe encore une filière libre.

« Sourires d’enfants », centre agréé par la Communauté française, se propose d’encadrer et d’aider les adopté(e)s en leur offrant une structure pour qu’ils se rencontrent et puissent recevoir l’aide de spécialistes. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Excepté les flux d’orphelins lors de la deuxième guerre mondiale, la tendance à l’adoption moderne remonte à la fin des années 60, début des années 70, lorsque les guerres au Vietnam et en Corée engendrèrent un grand élan de générosité en Occident. A l’époque, on pensait un peu naïvement qu’avec une nouvelle famille, beaucoup d’amour et dans un pays riche, l’enfant ne pourrait qu’être heureux. Ce ne fut pas vraiment le cas. Kim, un coréen d’une trentaine d’années, souligne qu’effectivement il existe un taux anormalement élevé de suicide chez les gens de sa génération et de sa nationalité. A l’époque, ajoute-t-il, nous étions comme une marchandise, une bouteille de coca. Il raconte avoir été frustré tout au long de sa vie en rejetant ses origines, jusqu’au jour où il reçut un courriel d’une Coréenne, elle aussi artiste, qui lui proposait de faire une expo sur l’adoption. Puis, il rencontra d’autres Coréens, et petit à petit commença à s’interroger sur son pays d’origine. Maintenant, il affirme « être fier d’être coréen ».

Les temps ont bien changé, et les deux autres jeunes filles adoptées, qui ont une vingtaine d’années, donnent l’impression d’avoir toujours bien vécu leur statut, même si des problèmes ont tout de même surgi lors de leur adolescence. Jamila, qui est éthiopienne, a vécu en Ardenne. Et ce ne fut pas simple de vivre dans un petit village où il n’y a que des blancs. A l’école, elle restait souvent avec les « queues de rats », les enfants qui ont des poux. Depuis, elle en rigole, et quand on lui demande d’où elle vient, elle répond : « de l’Ardenne ». Martha, qui vient du Guatemala, a senti le poids de son adoption lorsqu’elle est tombée enceinte. Elle voyait que dans les autres familles, l’enfant « avait le nez de son père ou les yeux de sa mère». Elle a dû faire un « pélerinage » dans son pays d’origine « pour voir des gens qui lui ressemblent ». Elle a fini par acquérir une photo de sa mère biologique et elle affirme que cela a suffi à régler sa douleur de rupture. Les deux jeunes filles soulignent qu’elles ont été bien encadrées et qu’elles ont des parents très compréhensifs.

Dans ce genre de circonstances, les enfants ne sont effectivement pas les seuls à avoir vécu déchirements et traumatismes, souligne la psychologue Christine Bykens. A l’exception d’une infime minorité de parents qui décident d’adopter après avoir eu plusieurs enfants, la grande majorité des parents ont connu le parcours du combattant pour remédier à leurs problèmes de fertilité. De médecins en spécialistes, d’interventions médicales en
échecs. Ce sont des blessures qu’il faut apprendre à cicatriser tout au long du processus d’adoption, qui peut prendre jusqu’à deux ans.

Quand l’on évoque la lourdeur du processus, apparenté à un contrôle social sur les candidats adoptants, Béatrice Bertrand de la Communauté française souligne qu’il s’agit avant tout d’informer les parents sur ce qu’il les attend en tenant compte, justement, des ruptures de l’enfant et des éventuelles déceptions des parents, de manière à éviter les catastrophes qu’on a connues dans les années 70.

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