Micro ouvert à Voix de Femmes

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Les petits ruisseaux…

En 1991, Brigitte Kaquet, qui est à l’origine de ce projet, organise des ateliers de recherche théâtrale et fait partie du Magdalena Project, un réseau international de femmes issues du monde du théâtre, pour qui le travail sur la voix est un terrain d’exploration fertile. Un festival Voix de Femmes existe alors à Cardiff, en Grande-Bretagne, organisé par l’une des membres du Magdalena Project. Brigitte Kaquet va importer et adapter l’initiative à Liège. Les artistes invitées se produisent sur scène et donnent des concerts, mais aussi des ateliers car la pédagogie tient une place importante au sein du festival. Dès sa première édition, partage et échanges en sont les maîtres-mots. D’ailleurs, les artistes sont logées dans une même résidence, ce qui ne manque pas de rendre les rencontres fréquentes et enrichissantes.
Vu le succès de la première édition, une deuxième voit le jour en décembre 1992-janvier 1993, puis une troisième et une quatrième, chacune à deux ans d’intervalle. Le festival prend de l’envergure, mais sans perdre de vue son objectif premier qui est de transmettre la diversité culturelle dont les femmes sont porteuses. La programmation met à l’honneur les musiques du monde et des artistes parfois renommées, mais pas toujours. Certaines se sont peu produites en public auparavant, mais avec une générosité sans pareil, elles offrent leur énergie, partagent leur vécu, leur expérience, leur façon de s’exprimer par la musique, le chant, la danse.

La grande variété des trajectoires d’artistes invitées et les discussions, d’abord informelles entre celles-ci, amenèrent assez naturellement l’instauration des rencontres Cultures en Résistance dès la troisième édition du festival. Il s’agit d’une journée de témoignages et de débats entre artistes d’Europe ou plus largement, du Nord, et artistes du Sud, des pays d’Afrique, des Caraïbes, du Pacifique. Ces rencontres soulignent un aspect important pour Voix de Femmes, à savoir la dimension émancipatrice des pratiques artistiques et la capacité des femmes à se servir de la culture et de l’expression artistique comme d’un levier d’actions concrètes. Associer « cultures » et « résistance » n’a donc rien de paradoxal puisque pour beaucoup de femmes à travers le monde, l’expression par la culture permet de gagner concrètement un peu plus d’autonomie, un peu plus de liberté.

… font de grandes rivières.

Il est une autre réalisation concrète qui vit le jour en 2000. Il s’agit du Réseau mondial de solidarité des mères, sœurs, filles, épouses, proches de personnes enlevées et disparues. Il marque un engagement politique plus affirmé de la part de Voix de Femmes et trouve son origine dans une rencontre avec la présidente du Comité des familles de personnes enlevées et disparues au Liban. Si jusqu’alors, la question du lien entre art et politique se dessinait en filigrane dans les activités du festival, cette question se concrétisa avec l’invitation d’une quinzaine de femmes venues de diverses régions du monde et ayant en commun, le fait d’être proche de personnes disparues. Des liens se tissèrent entre elles et le réseau fut constitué sur ces bases de sollicitude et de solidarité. La force d’un tel groupe est son aptitude à nourrir les luttes respectives des unes et des autres, quelle que soit leur région d’origine, en plus de soutenir ses membres et de les encourager.
Attentive à l’émancipation de celles qui vivent ailleurs, Voix de Femmes l’est assurément, mais elle ne s’en préoccupe pas moins du quotidien des femmes d’ici ! Le travail avec les associations de terrain s’est d’ailleurs concrétisé avec une édition du festival à Schaerbeek. Voix de Femmes ne souhaitait pas y faire halte sans y nouer de relations avec les associations de leur quartier hôte. Ce partenariat amena des rencontres et collaborations entre associations de femmes à Bruxelles. Le festival leur dédia un espace qui leur permit de faire connaitre leurs activités. Le même type de travail fut entrepris à
Liège avec autant de succès si pas davantage. En effet, Liège se distingue de la capitale par une dynamique associative très forte. La collaboration fut donc envisagée sur le long terme et c’est dans cet esprit que furent lancés les ateliers Art et Expression, avec et dans les associations de femmes. Menés par l’artiste pédagogue Anne de Clerck, ils donnent à leurs participantes, l’occasion de découvrir différentes techniques artistiques et de se les approprier afin de s’exprimer.

Toujours dans la volonté d’aller à la rencontre des femmes, le festival instaura en 2007, les concerts de midi, dans les locaux mêmes des associations de femmes. L’initiative remporta un certain succès, mais afin d’aller plus loin et de donner l’occasion, aux femmes, de franchir le pas, de s’ouvrir davantage au monde extérieur, Voix de Femmes les convia lors de l’édition suivante du festival, à participer à une journée qui leur fut entièrement consacrée.

Aujourd’hui, le festival a pris son rythme de croisière, accordant toujours autant d’importance aux ateliers, aux rencontres entre artistes, public et associations. En 2011, il fêtera son dixième anniversaire à Liège, Bruxelles, Anvers et Utrecht, fort de partenariats avec ces villes respectives. Musique, chant, danse, théâtre, littérature, arts plastiques, cinéma, reportages, arts hybrides y sont autant de moyens d’expression représentés avec en ligne de mire, la découverte, le respect mutuel et le dialogue. Chacune de ces disciplines suscite à sa manière une réflexion de fond portant sur les femmes, ce qu’elles vivent et ressentent. Mais parce que l’ambition du projet dépasse le simple état des lieux de la condition féminine, Voix de Femmes met en avant le talent de celles qui, à travers le monde, parviennent grâce à l’expression artistique ou l’action militante, à transcender leur quotidien pour dépasser les difficultés, les injustices et inventer un autre futur, d’autres identités.

Et chaque goutte d’eau, si petite soit-elle, y contribue !

En cette fin d’année 2010, rendez-vous est pris avec les ateliers Art et Expression*. L’artiste pédagogue Anne de Clerck les mènera à nouveau, avec l’aide d’une autre artiste, Cathy Alvarez. Après Imaginaire et identité, la thématique des ateliers 2009–2010, c’est un projet auquel contribue Voix de Femmes, au Burkina Faso, qui inspirera les participantes. Ce projet européen amène principalement trois partenaires à collaborer, Voix de Femmes, Het WCC-Zuiderpershuis (Anvers) et le Festi-40, un festival du Burkina Faso. Ces trois partenaires décidèrent d’unir leurs forces, dans l’intérêt des femmes du Burkina, confrontées à la grande pauvreté. Placée en terrain inconnu, celui de l’aide au développement, Voix de Femmes n’en eut pas moins l’envie d’apporter sa pierre à l’édifice. Certes les problèmes que rencontrent les femmes, là-bas, sont très différents de ceux que rencontrent les femmes, ici, mais une même volonté de combattre les discriminations et de soutenir l’émancipation des femmes anime les actions de Voix de Femmes tant ici que là-bas. L’objectif est d’encourager une autonomisation concrète et progressive des femmes sur le long terme, notamment grâce au soutien à des programmes de formation dans des domaines aussi divers que l’agriculture, la couture, la coiffure. On pourrait se demander ce que la culture est apte à apporter face à des demandes aussi pragmatiques que celles des femmes du Burkina Faso, luttant pour survivre. Le fait est, entre autres, que ces femmes maîtrisent des techniques de teinture de textiles dont le résultat, d’une grande beauté, peut être reconnu comme un art, tout en constituant un artisanat source de revenus.

C’est cette technique de teinture, dans ses diverses déclinaisons (bogolan au Burkina, basin au Mali) que s’approprieront les participantes aux ateliers Art et Expression de cette année 2010–2011. Le résultat de cet apprentissage sera ensuite exposé lors du prochain festival.
En définitive, Voix de Femmes se fait soutien et porte-parole des femmes, par-delà les différences de langue, de nationalité, de
culture, de couleur de peau. S’adaptant à ce qu’elles vivent, l’association tente, par le biais de ses activités, de leur apporter ce petit plus, si minime soit-il, qui changera concrètement leur réalité quotidienne.

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