La Cité Radieuse

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Se fondre parmi les trois mille habitants d’un quartier qui ne fait même pas une vingtaine d’hectares, c’est la première nécessité. Après, on y vit. Après, on aime y vivre. Après, on ne le quitte plus. « On nous met tous dans le même sac. On dit toujours qu’à Droixhe, il n’y a que de la racaille, c’est faux! Il y a des gens bien et des travailleurs comme partout », clame Rachid, 28 ans. Il habite depuis toujours dans ce quartier sorti de terre dans les années 60. Récemment, il a déménagé d’une des tours, comme on dit ici, pour s’acheter une petite maison quelques rues plus loin.

Baisse le son, pour les voisins !

Accompagné de son frère Mohamed (vingt-cinq ans), il raconte la vie dans son HLM. « Nous sommes nés ici. Nos parents habitaient déjà le quartier. Nos voisins, c’étaient souvent des familles entières, rarement des personnes seules. On se connaissait tous. Même ceux qui habitaient dans d’autres tours. Et si moi je ne connaissais pas quelqu’un, tu peux être sûr que ma mère connaissait sa mère. Dans les couloirs de l’immeuble, on parle avec tout le monde, le courant passe. On donne un coup de main aux vieux quand l’ascenseur est en panne. Le seul souci, c’est l’insonorisation. Ma mère me disait tout le temps de ne pas faire du bruit pour les voisins. »

« Maintenant, j’ai acheté une maison dans le quartier. Pas que vivre dans les buildings n’était pas bien, mais j’en avais marre de payer un loyer, c’est mieux d’avoir une maison à soi. Droixhe, ça reste mon quartier. » Et Rachid de préciser que les faits de violence que l’on impute à son quartier sont rares. « Je me sens bien, en sécurité. Mais en même temps, ce n’est pas parce qu’on vit au même endroit que des centaines d’autres personnes qu’on se sent protégés par les autres. Mais bon, je m’y sens bien. Je ne voudrais pas le quitter. »

Marcel Delmotte, 58 ans, n’est pas natif de Droixhe mais ne quitterait son appartement au douzième étage pour rien au monde. « Je suis venu habiter ici parce que je me suis fait expulser de mon ancien logement. Ma sœur habitait le quartier de Bressoux, je revenais près de ma famille en quelque sorte. C’était il y a bien 40 ans. Depuis, j’habite au douzième étage. J’ai une belle vue et j’entretiens une bonne entente avec mes voisins. Beaucoup ne parlent pas français. Ce n’est pas toujours facile de discuter. Je vis seul avec mon chien. Alors, habiter ce genre d’immeuble, c’est agréable. On communique avec un geste ou un sourire, je me sens entouré. Et puis, je me suis fait aussi des amis, ici. »

Même son de cloche de la part d’Annie, quatre-vingt cinq ans, qui sort justement pour aller faire ses courses. La proximité avec les magasins, c’est ce qu’elle est venue chercher quand elle a emménagé à Droixhe. Annie vit depuis quanrante-cinq ans dans son appartement de trois chambres. « Avec mon mari, on cherchait un appartement en ville. On a trouvé ceci. C’était du temps où le quartier était mieux entretenu. C’était bien parce qu’il y a avait des magasins à proximité, des bus, des écoles pour les enfants. J’habite au cinquième étage. Mes voisins sont des Kosovars, des Marocains et une Noire. Il y a de moins en moins de Belges, mais ce n’est pas grave. Les gens sont gentils et serviables. L’autre jour, j’étais malade et la voisine est allée à la pharmacie pour moi, même si elle ne parle pas bien français. »

Les avantages du village à étages

« Ce que j’aime moins, dans de grands buildings comme ça, c’est qu’il y a des décès et on n’est même pas au courant. Et puis, on ne sait jamais qui y fait quoi. Après 17 heures, je ne sors plus de chez moi. Enfin, depuis que l’on a rénové, on est bien. Il ne faut pas croire, on a de beaux appartements. »
Peu importe l’âge, la nationalité ou le sexe des habitants de ces appartements à loyer modéré : tous appartiennent au lieu. Habiter un HLM relève pour certains autant d’un choix que d’une dernière issue à des problèmes financiers. Et ce que l’on nomme, souvent à
tort, des « cages à poules » ressemblent davantage à un « village à étages ». Chacun y préserve son intimité tout en revendiquant une appartnenance à un groupe, un quartier, un mode de vie. Vus de loin, ces géants de béton alignés comme des dominos effrayent. Beaucoup se demandent comment on peut vivre dans un endroit avec une telle densité de riverains au mètre carré ? Et si c’était tout simplement dans le respect ?

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