La Cité Forcée

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Pour comprendre la structure d’une institution carcérale, il faut distinguer maison d’arrêt et maison de peine. Dans la première, les détenus ne font souvent que passer en attendant le jugement, qui peut prendre quelques jours à quelques années selon les délits commis. Il n’est donc pas aisé d’y favoriser un esprit de communauté. En maison d’arrêt, il n’y a pas vraiment d’activités. Les détenus peuvent être enfermés 22 heures sur 24. Les sorties journalières se déroulent dans un préau deux fois par jour, à raison d’une heure par sortie, mais ne sont pas obligatoires. En effet, certains ont peur de sortir à cause des conflits réguliers. Il n’y a cependant pas d’autre possibilité pour les détenus de se retrouver tous ensemble.

La socialisation avec l’extérieur

Les gardiens ne sont pas de la partie lors des sorties. Le seul moyen pour eux de rencontrer les détenus est au cas par cas, lorsqu’ils ouvrent ou ferment les cellules, au moment de la distribution des repas, par exemple. Ils sont alors libres de parler et de sympathiser. Mr G. nous confie qu’il est assez dur de créer des relations avec les détenus : « Ils ne sont pas tous ouverts à une nouvelle relation, ou en tout cas ne veulent pas accepter le gardien car il ne fait pas partie de leur monde. D’autres détenus sont plus sympathiques, mais bien souvent c’est pour « gratter » une cigarette ou d’autres avantages. »

Mr G. précise : « En maison d’arrêt, les véritables relations sociales ne sont possibles qu’entre les codétenus partageant une même cellule. Ces cellules (qui comptent jusqu’à trois personnes) sont prévues pour les détenus présents depuis quelques mois et qui ont fait preuve de bonne conduite. En effet, à leur arrivée, le juge d’instruction fait tout ce qu’il peut pour que chaque personne reste dans une cellule individuelle. Il en va de la sécurité de tous. Après quelques mois, ils peuvent demander à partager une cellule. » D’après ce que nous livre Mr G., il semble que les choses se passent de la même façon qu’au-dehors : les détenus se réunissent en petits groupes, par ethnies ou par intérêts communs.

En maison de peine, comme en maison d’arrêt, les détenus ont droit soit à une visite journalière « au carreau » (derrière une vitre), soit à une visite par semaine « au carreau » avec, le week-end, une visite autour d’une table, ce qui permet un rapport plus chaleureux et un certain contact physique. Il y a aussi la possibilité de visites conjugales dans un lieu en toute intimité, sans surveillance. Mr G. ajoute : « En plus des visites, chaque détenu a le droit de téléphoner deux fois par jour. Ces appels sont payants, mais il est toujours possible de s’arranger avec les assistants sociaux. Les solidarités existent aussi en prison. »

La maison de peine

En maison de peine, plus d’activités sont mises en place pour favoriser la vie en collectivité. Les détenus peuvent suivre des formations ou travailler. Mais rien n’est obligatoire. Si le détenu ne désire pas sortir de sa cellule, il en a le droit. La cellule demeure le premier lieu de vie collective. Mise à part la promenade, les rencontres sont assez limitées. En prison comme au-dehors, la vie collective s’exprime à travers divers niveaux. Un groupe d’animateurs socioculturels organise des activités telles que des pièces de théâtre jouées par les détenus, des ateliers en tous genres, mais aussi des concerts, des expos… Une fois par semaine, des moments de partage sont aménagés pour chacun des cultes. Les détenus n’y vont pas toujours par croyance, mais pour échanger des sentiments, des impressions.

On le voit, la vie collective en prison n’est pas le seul fait des détenus. Tous les intervenants internes ou externes en sont également les acteurs. La présence d’extérieurs – aumôniers, éducateurs, visiteurs – est essentielle car elle permet de briser un peu l’isolement et constitue un trait d’union avec le monde extérieur.

La prison est un reflet de la société au-dehors. Il y a des clans,
avec leurs hiérarchies et leurs lois, des luttes de pouvoirs, des meneurs et des exclus… Plusieurs façons de vivre en collectivité s’y juxtaposent : à l’intérieur de la cellule, au sein d’un groupe affinitaire, au sein d’un groupe ethnique, à travers les activités socioculturelles proposées…

Ces regroupements entre détenus ont des retombées positives. Ils suscitent des élans de solidarité, des échanges, des effets de décompression : autant d’éléments qui peuvent créer une « saine » émulation. Autant de facteurs qui leur permettent aussi de (re)prendre confiance en eux. Bien évidemment, ces regroupements sociaux favorisent aussi les trafics, les intimidations, le mimétisme, l’égoïsme, l’intolérance, la perte de contrôle de soi…

Mais est-ce si différent à l’air libre ?

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