Zinneke Parade et fêtes folkloriques?: pour une identité redessinée??

Fêtes folkloriques et rappel des traditions

Les fêtes du 15 août en Outremeuse à Liège, le carnaval de Binche, la Ducasse de Mons, les Marches de l’Entre Sambre-et-Meuse,… Ces différents évènements ont en commun d’être définis généralement comme folkloriques. Un folklore qui fait référence à un certain passé, à une vie quotidienne révolue, à un rappel de l’histoire du village ou de la région, à des savoirs et savoir-faire communs qui se transmettent de génération en génération. Fortement ancrées territorialement, ces fêtes ont souvent lieu selon un protocole et des règles bien édictées (et scrupuleusement respectées). Elles présentent ou non un caractère religieux, mais, toujours, elles font référence à un certain passé (un événement historique qui a marqué la localité, une procession traditionnelle,…). Ancrées territorialement, elles le sont aussi identitairement. On se rappellera que seuls les Binchois de souche peuvent parader dans les rues de Binche pour le carnaval, et que le Doudou de Mons est le rendez-vous des Montois exilés. Émane alors une fierté orgueilleuse de son patelin local, ou pour d’autres une répugnance pour ces fêtes qui font la part belle à la tradition.

La Zinneke Parade, une identité folklorique hybride

Il se murmure derrière cette nouvelle parade festive, que c’est le folklore des temps modernes, que c’est l’invention d’un folklore mélangé, épicé et profondément urbain. Son nom suffit à comprendre à quoi se réfère cette « Zinneke » parade. Se proclamant projet de ville, la Zinneke propose une plate-forme où habitants, associations, artistes et bien d’autres collaborent et font vivre la complexité bruxelloise. La Zinneke veut renforcer les contacts et les échanges durables dans une envie d’abattre les barrières sociales, culturelles et politiques. La ville n’est pas son théâtre ou sa scène mais, plutôt, c’est la parade qui exprime la ville et qui montrera son urbanité. Selon un modèle participatif et festif, la parade œuvre à l’identité complexe du quartier et crée des ponts entre les mondes.

Bruxelloise, la Zinneke parade n’est ni belgicaine, ni séparatiste et nous permet de ne pas choisir entre deux ou plusieurs identités. Entre la Flandre ou la Wallonie. Mais bien plus, pour reprendre les termes de Thierry Van Campenhout, d’incarner « cette Belgique à l’identité hybride et indéfinissable » ¹. Cependant, le fait de vouloir proposer une identité hybride à la ville de Bruxelles, n’est-il pas en soi paradoxal ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Réunir les Bruxellois autour d’un projet festif, faire participer les habitants de la capitale à un rassemblement dont la préparation se fait ensemble durant les mois qui précèdent. La Zinneke parade souhaite peut-être devenir le point de rencontre incontournable des Bruxellois.

Une notion d’identité qui varie

Sans forcer la comparaison, qui n’a peut-être pas lieu d’être, autant les fêtes folkloriques « traditionnelles» que la Zinneke parade travaillent toutes deux à cette notion d’identité. Identité davantage locale, régionale pour les premières, identité mélangée et hybride pour l’autre. L’identité vue par la Zinneke est profondément ancrée dans le contexte de pensées de notre société du XXIe siècle, partisane d’une hétérogénéité intégrative où chacun trouverait sa place. Mais imaginerait-on, à l’heure actuelle, l’apparition d’une nouvelle parade folklorique où seuls les Bruxellois de souche pourrait parader ? Et dans le même sens, ne serions-nous pas… surpris de voir un Gille de Binche à la peau plus sombre que les autres?

Bruxelles n’avait pas encore « son » cortège folklorique, c’est maintenant chose faite. Mais, par la pensée qui sous-tend la fête, à savoir une parade participative et urbaine, on peut parier sur l’évolution constante de celle-ci, sur sa remise en question, sur son écoute de la société
bruxelloise qui la fait vivre.