De sa grand-mère, Antoinette De Leo, qu’il a bien connue puisqu’elle est décédée lorsqu’il avait quinze ans, Assaad garde le souvenir d’une femme chaleureuse, qui manifestait envers ses petits-enfants et sa famille en général un attachement typique des « nonne » 1 italiennes, témoignages d’une culture dont il s’est toujours senti proche. C’est à la fois un sentiment d’appartenance et des motifs politico-administratifs qui l’ont poussé à initier la procédure nécessaire pour obtenir la nationalité italienne de sa grand-mère.
C’est qu’au Liban, Etat multiconfessionnel jouxtant Israël et où coexistent les communautés chrétiennes, chiites et sunnites, la situation est loin d’être simple. L’éventualité d’un nouveau conflit est sans cesse à l’ordre du jour, et, dans cette perspective, l’obtention de la nationalité italienne constitue une sécurité pour Assaad et sa famille.
« J’ai appris il y a environ dix ans qu’en 1938, en Italie, une loi a été promulguée selon laquelle toute personne pouvant prouver que l’un de ses parents ou de ses grands-parents avait la nationalité italienne peut elle-même obtenir la nationalité. » raconte Assaad. Sachant que sa grand-mère avait épousé un Ottoman, il s’est donc rendu au Consulat d’Italie à Alep : « Les archives n’étaient pas très organisées, mais en fouillant un peu, ils ont trouvé l’information selon laquelle le père de ma grand-mère s’était fait délivrer un passeport à Brindisi, en 1912. » C’est la seule information que le Consulat a pu lui fournir. Assaad est donc parti à Brindisi, sur les traces de son arrière grand-père. Là, il s’est rendu à l’administration communale, afin de consulter les registres de la population, mais il est rentré bredouille. A son retour, il décide de se rendre à l’Ambassade d’Italie du Liban, se disant que peut-être, sa grand-mère y avait été enregistrée, mais malheureusement, cela n’a rien donné.
« On avait perdu sa trace. J’ai donc arrêté les démarches pendant plusieurs années. »
Mais voici un an et demi, Assaad a décidé de recommencer ses recherches. Il a redémarré son enquête d’où elle avait commencé : au Consulat du Liban. Mais on n’a pu lui fournir de nouveaux renseignements. Il a alors été mis en contact avec un avocat à Rome, lequel avait aidé plusieurs Libanais dans le même cas qu’Assaad à finaliser leurs démarches et à obtenir la nationalité italienne. « Il m’a expliqué qu’il fallait impérativement l’acte de naissance de ma grand-mère. J’avais l’acte de baptême, qui a eu lieu à Damas, en 1902, mais pas l’acte de naissance. L’avocat m’a proposé d’appeler lui-même le Consul d’Italie à Alep, ce qu’il a fait, afin que des recherches plus approfondies soient menées. C’est ainsi que j’ai pu enfin obtenir un certificat établissant que ma grand-mère était de père et de mère italiens. Maintenant, la procédure a vraiment commencé : la demande officielle de nationalité italienne a été introduite voici quelques mois, et la première séance au Palais de Justice est fixée le 16 décembre 2010. » L’avocat a certifié à Assaad qu’il obtiendrait gain de cause. Ce n’est plus désormais qu’une question de temps. Dans quelques mois, Assaad aura la double nationalité libanaise et italienne.
S’il se sent d’abord et avant tout libanais, Assaad affirme pourtant que s’il avait à choisir entre les deux nationalités, c’est l’italienne qu’il conserverait. « La nationalité libanaise est dangereuse, et je pense avant tout à l’avenir de mes enfants. »
Au fil de cette longue procédure administrative, Assaad a commencé à s’intéresser de plus en plus à l’Italie et sa culture. « J’adore l’Italie et je m’y rends fréquemment, quasiment une fois par an. Je me suis même mis à apprendre la langue. » Sa grand-mère parlait quelquefois en italien lorsqu’il était petit, et s’il ne comprenait pas grand-chose, il se souvient combien il appréciait déjà à l’époque la sonorité chantante de la langue.
Dans le pays d’origine de sa grand-mère, il se sent chez
lui. « Les gens sont très agréables. C’est un pays où il fait bon vivre. Comme le Liban, l’Italie est collée à la Méditerranée, et il y a beaucoup de similitudes entre les deux cultures. Quand je suis là-bas, je sens vraiment que je pourrais y habiter et m’y sentir chez moi, comme ici. »
Notes:
- Grands-mère ↩