Acheter ou ne pas acheter, jeter ou ne pas jeter : that’s the question ! Grâce à des initiatives comme « La Donnerie », on a le choix d’acquérir les choses autrement, mais aussi celui de donner une seconde vie à des objets dont on n’a plus l’usage, au lieu d’engorger les déchetteries. Une façon radicalement différente de se confronter aux biens de consommation. Parce qu’il faudra tout de même bien, à un moment donné, que ça change… Non ?
Dans notre univers de surconsommation et de surproduction, certains ont la fièvre acheteuse. Vaisselle, fringues, bibelots, ustensiles, produits de beauté, meubles, jeux, électroménagers, outillage, home cinéma, Ipad, Iphone, Wii, gadgets… Tout est bon à prendre. Tout est bon à posséder. Quand les armoires débordent, quand la maison commence à ressembler à un supermarché où on aurait lâché un bataillon de gamins en folie, quand les « jolies boîtes » qu’on a achetées pour planquer tout ce bazar ne suffisent plus à tout contenir, c’est simple : on tape tout sur le trottoir le jour des « encombrants », et c’est reparti pour un tour de shopping. Des petites tasses art déco (on en a marre du moderne). Un Levi’s taille haute à paillettes incrustées (les tailles basses, c’est ringard). Un tournevis lumineux (on ne sait jamais !). Des chaises en teck soldées (on les regarde depuis si longtemps). Des jardinières en caoutchouc (c’est tellement fun !). Une mini-chaîne MP3 (le voisin en a une). Un grille-pains à triple compartiment (on est deux, mais bon…). Une XBox (on en a marre de la Wii). &… &… &…
Moins, moins, moins
Mais pendant que les uns jouent à « tournez manèges » avec leur vaisselle ou leurs bibelots, d’autres sont arrivés à la conclusion qu’il fallait nécessairement moins produire, donc moins consommer, donc moins acheter. Cette idée, plein de gens ont commencé à y adhérer. Mais le virus de la consommation est insidieux, et la conviction ne suffit pas toujours à le combattre. On peut rechuter. Se résigner. Ne pas savoir comment ni avec qui en découdre.
Et puis il y a tous ceux de la génération « précaire », pour qui même les achats indispensables et minimum posent problème.
Il faut tout de même se rappeler parfois que la production de déchets en Belgique avoisine les 500 kilos par an et par habitant, soit environ 1,4 kg par habitant et par jour. Les Américains, eux, en sont à 2,5 kg par personne et par jour. L’Europe produit à elle seule 1,3 milliards de tonnes de déchets par an. Même avec beaucoup de mauvaise foi, il serait difficile de ne pas se rendre compte qu’il y a un fameux problème.
Un mot d’ordre : récup’
Heureusement, certains ont décidé de s’organiser. Et depuis plusieurs années, des initiatives se multiplient un peu partout, chez nous et ailleurs, plus ou moins radicales. On a vu par exemple naître des « magasins gratuits », surtout de fringues, dans les squats et les centres sociaux, où l’on emporte le petit haut qui nous plaît pour zéro thune. L’idéal étant, à l’occasion, de ramener un petit bas devenu serrant. Pour que les stocks se recomposent à l’infini. Des bibliothèques alternatives se sont mises en place. Une récup’ systématique de légumes, de fruits, de pain, de viande s’est aussi mise en place, dans les commerces des quartiers, sur les marchés, mais aussi, pour les plus aventuriers, dans les déchetteries bien gardées des supermarchés.
La Donnerie
Grâce à internet, un projet original s’est mis en place. A Louvain-la-Neuve, cette « Donnerie », puisque c’est son nom, fonctionne déjà depuis plusieurs années. Aujourd’hui, le concept fait des petits et une « Donnerie » vient de naître à Liège. « L’idée principale est de replacer la gratuité au coeur des échanges matériels, en proposant de donner toute une série de choses encore utilisables mais dont on n’a plus l’usage et le fonctionnement que nous proposons s’inspire grandement de l’expérience de Louvain-la-Neuve. » écrit Mathilde Collin, une des personnes à l’
initiative de la « Donnerie » liégeoise. « Ce fonctionnement pourra être évalué à l’usage ».
L’utilisation de la mailing liste a l’avantage de permettre la mise en place d’un dispositif léger et souple.
Les principes que les usagers de la Donnerie doivent respecter sont assez simples :
• les propositions et demandes de dons se font via une mailing liste. C’est la première personne intéressée qui obtient le bien.
• toute personne qui est abonnée à la liste doit être introduite par quelqu’un qui y participe, ceci afin d’éviter les “brocanteurs” qui viendraient faire des bonnes affaires : les biens doivent être à usage des personnes qui les prennent et ne sont pas destinés à la revente.
• toute personne intéressée peut rejoindre le réseau, à condition d’habiter ou de travailler dans un rayon de 5 km de Liège, ceci afin de permettre les
échanges à vélo. Si une personne propose un bien qui n’est pas transportable à pied, en bus ou à vélo, elle doit préciser si elle dispose ou non d’un véhicule permettant de l’acheminer vers sa destination et si elle est disposée à faire le chemin.
• toute annonce doit s’accompagner d’une description du bien et de son état. Les photos doivent être de petite taille, afin de ne pas encombrer les boîtes. Les mails de trop grosses taille seront systématiquement refusés par le gestionnaire de la liste.
• une personne intéressée par un bien répond à toute la liste, de manière à signaler aux autres qu’il n’est plus disponible (et il n’est donc plus nécessaire d’envoyer quand même dix mails pour dire qu’on le veut!). Par contre, les arrangements pratiques entre les deux personnes (où et quand passer chercher le bien) n’intéressent qu’eux!
• le titre du mail doit absolument mentionner: «offre » ou « demande » et mentionner de quel bien il s’agit, afin d’éviter de faire perdre du temps à tout le monde : celui qui n’est pas intéressé n’ouvre pas le mail et peut directement le supprimer.
Selon Mathilde Collin, aucun abus n’a été constaté à Louvain-la-Neuve. Vu qu’il faut répondre à tout le monde pour les dons, une personne qui prendrait plus que pour son usage sans jamais rien proposer se remarquerait vite…
Le fond du pourquoi
Sur le site de la « Donnerie » de Louvain-la-Neuve, on invite également les usagers à mentionner, s’ils le souhaitent, la ou les raisons pour lesquelles ils se débarrassent d’un objet. « Il peut parfois être intéressant voire utile de mentionner la raison pour laquelle on souhaite donner un objet. Utile pour celui qui est intéressé. Intéressant pour les membres, qui pourraient éventuellement juger opportun d’approfondir la chose et, pourquoi pas, de lancer un débat dessus. Prenons l’exemple d’une offre d’un sèche-linge. On peut vouloir se défaire d’un tel objet pour des tas de raisons, éventuellement cumulables : on a reçu ou acheté un modèle plus tendance, il y a une fonction qui n’est plus automatique mais qu’on doit se fatiguer à réclamer manuellement, on ne fait plus de lessive, on a déménagé et on n’a plus la place pour le mettre, ou on n’a plus la possibilité d’évacuer la vapeur, on a reçu ou acheté un modèle moins énergivore, on a (re)découvert la corde et la pince à linge, c’est trop pour le portefeuille, c’est trop pour l’environnement, on est objecteur de croissance, on est devenu passéiste (on veut “retourner à la bougie”)…?»
On y signale également un aspect étonnant du concept : « La plupart du temps, le donneur fait l’effort de donner, il lui serait souvent plus simple de jeter l’objet qu’il offre. Respectons son effort : ne le contactons que si nous sommes réellement intéressés et prêts à enlever l’objet rapidement à l’endroit qui lui convient et si, pour une raison quelconque, nous ne pouvons nous rendre au rendez-vous fixé pour prendre possession du don, prévenons-le dès que possible. »
La Prêterie
A Louvain-La-Neuve, une autre démarche a été créée à l’initiative des membres de la «Donnerie » : la « Prêterie ». Celle-ci permet à chacun de ses membres de demander aux autres
des objets à prêter. ? Lorsqu’un objet demandé est trouvé, l’emprunteur s’empresse d’en avertir les membres, par respect pour eux et pour la crédibilité de la «Prêterie ».