Nationalité belge, code et modes d’octroi
Larissa, elle, n’est pas une star. Pourtant, cette traductrice d’origine russe avait acquis la nationalité grâce à son conjoint belge. En effet, le « mariage » constitue l’un des modes d’attribution de la nationalité. Quant à la procédure « déclaration de nationalité», elle concerne d’abord les étrangers installés sur le sol belge depuis au moins 7 ans, ensuite ceux qui y sont nés et y résident, ou encore ceux qui ont un parent de nationalité belge. Cette dernière mesure est reprise dans un autre mode d’attribution de la nationalité : « l’option simple », qui concerne les jeunes étrangers âgés de 18 à 22 ans, justifiant des délais de résidence spécifiques ou des filiations 1. Les dossiers déposés selon les procédures d’attributions citées sont soumis à l’examen du Parquet du tribunal de première instance.
Reste le cas des étrangers qui ne peuvent pas entrer dans les conditions décrites. Comme Jalal, arrivé sur le territoire en tant que réfugié politique, sans attaches ici et avec un séjour se limitant à 3 ans 2. Pourtant, c’est avec une fierté à peine dissimulée que ce Louviérois d’origine kurde fouille dans son portefeuille pour exposer aux regards sa pièce d’identité belge ! Jalal, comme d’autres qui en ont exprimé la volonté, avait obtenu la nationalité par une mesure de faveur accordée par la Chambre des représentants: « la naturalisation », une mesure qui fait office de loi et est publiée ensuite au Moniteur belge.
Durant sa démarche pour constituer sa requête, Jalal a eu l’amicale assistance, notamment linguistique, de Zakaria. Cet universitaire d’origine marocaine installé sur le sol belge depuis plus de cinq ans avait lui aussi tenté la naturalisation, mais sa demande n’a pas eu l’aboutissement heureux de son ami kurde. Du coup, son dossier a rejoint celui de Johnny et des milliers de dossiers déboutés annuellement. Pourtant, ce sont bien les Marocains qui représentent la majorité des acquisitions de la nationalité avec, par exemple en 2007, 8722 dossiers approuvés sur un total de 36.063. Ils sont suivis par les Turcs —3039—, puis par les Congolais —1793— (chiffres INS Belgique).
Le cœur, la raison ou les deux
Nombreuses sont les motivations qui déterminent le choix de la citoyenneté belge. Chacun a sa propre histoire et ses propres attentes. Qu’ils soient contraints à l’exil ou charmés par la façon de vivre, ou encore souhaitant sortir de l’ornière, leur démarche se résume par une « recherche d’un mieux être », comme le dit Larissa. D’autres convoitent l’appartenance à un pays prospère qui conférerait une nouvelle dimension à leur identité. « Un passeport permettant une large liberté de déplacement dans le monde », précise Jalal. La douceur de vie y est évoquée : « La vie est plus facile ici », affirme Zakaria. Mais tous se rejoignent sur l’attrait des droits de l’homme et son importance dans leur choix.
Parfois, le questionnement identitaire se noie sous une arithmétique de paperasse, la nationalité serait l’ultime étape à un parcours parsemé d’ « autorisations de séjour provisoires ». La pièce d’identité belge leur apparaît comme une délivrance qui leur évite de pointer régulièrement aux communes pour espérer proroger un séjour, redoutant de se faire notifier un éloignement.
Partager bien d’autres choses qu’un territoire géographique
Il serait prétentieux d’affirmer qu’un bout de papier conduirait à se sentir vraiment belge. L’identité ne se résume pas à supporter les Diables rouges ou à fredonner la Brabançonne. La citoyenneté se construit dans les rapports avec les différentes composantes de la société du pays d’accueil. On s’identifie en tant que Belge dans le regard de l’autre. Or, de possibles actes d’animosité, de discrimination à l’embauche
ou de stigmatisation à l’école (avec le risque de leur multiplication à cause du faciès ou de l’accent) sont susceptibles d’ancrer chez les intéressés un sentiment de rejet et de marginalisation (perçus comme institutionnalisés) qui complexifie, du coup, leur intégration. Au point, parfois, de provoquer les anticorps d’un enfermement dans des bulles sociales ou ethniques, un repli où les chances d’adopter les attitudes les plus favorisés, recherchés dans une perspective de réussite et d’harmonie sociale, s’amoindrissent en cédant à une sorte d’« identité abîmée», comme l’appelle Mehdi Medhoune, sociologue et chercheur à l’ULB.
Toutefois, pour ne pas se focaliser sur les trains qui n’arrivent pas à l’heure, notons le dynamisme et la pugnacité de nombreux « nouveaux Belges » pour dépasser les éventuels carcans. Ils font usage des outils démocratiques, en l’occurrence le « vote », dans l’espoir de faire avancer les mentalités et de «banaliser » leur présence. Il suffit aussi de regarder autour de soi pour constater qu’outre les « métiers subalternes », les naturalisés commencent à investir progressivement les domaines de pointe, de la recherche universitaire aux domaines artistiques, du sport au monde des affaires, etc. Et le pays tire puissance et prestige de cette diversité humaine.
Même le mythe du retour définitif au pays d’origine, longtemps cultivé par la première génération de l’immigration, ne fait plus recette chez leurs enfants belges, pour qui le pays d’accueil de leurs parents est devenu leur pays d’origine. Mais force est de constater que beaucoup de nouveaux Belges, Larissa et Jalal compris, maintiennent que, tout en respectant les devoirs et les valeurs du pays, devenir belge ne signifie pas renier son héritage culturel et revendiquent le droit à une « identité multiple ».