« Voyage, voyage. C’est entre la nuit et le jour… » Ce tube de Desirless qui a marqué la fin des années 80’ illustre bien les nombreuses voies par lesquelles on peut appréhender le terme. « Voyage »… Un mot qui ouvre des chemins, déroule des paysages, évoque des peuples, insinue des parcours, des périples.
Voyages où l’on expérimente la distance et le temps, tous contextes mêlés. Entre des savants obnubilés par les allers-retours dans le passé ou le futur et des scientifiques payés pour entraîner des pigeons à mener des missions suicide sur les cibles allemandes. Si l’auto-stop a permis à toute une génération de Beatniks de franchir des frontières et de bouffer de la route, aujourd’hui, la mode du « slow travel » réhabilite les courtes distances et privilégie les trajets à pied ou à vélo. Partout, des avions sont détournés de leur objectif, et pas que depuis un certain 11 septembre.
Voyages de l’esprit. Avec ou sans chamane, les substances psychédéliques telle l’Ayahuasca sont très prisées par des Occidentaux en quête de leur essence spirituelle, tandis que d’autres perpétuent les rites initiatiques catholiques ou francs-maçons, croix-de-bois-compas-de-fer. Pendant ce temps, l’éco-touriste plein de bonnes intentions croise la route du néo-colon sous des tropiques tendance ethnique, et noie sa culpabilité dans la bière de banane en regardant les locaux boire du Coca-Cola.
Voyages au cœur de la société, où l’on apprend où et comment est née l’industrie du tourisme de masse, qui est devenue l’un des secteurs les plus florissants, du moins quand les volcans ne se réveillent pas inopinément, semant la panique dans les compagnies aériennes habituées à produire des nombres à douze chiffres. Entre temps, l’explorateur a viré son casque et écrit des bouquins. On l’appelle désormais « anthropologue ».
Les Maghrébins de chez nous, eux, préparent le retour annuel au bled, et la traditionnelle bagnole familiale pleine à craquer a moins la côte depuis que Ryanair passe les frontières de l’Europe. Ceux qui n’auront pas la chance de « rentrer au bled » pourront toujours profiter de l’été dans les piscines à ciel ouvert ou les terrains de sport des domaines provinciaux de Chevetogne ou de Wégimont… Les écolos tendance durable, eux, préféreront explorer les voies douces. Sans parler des inconditionnels du « beau vélo de Ravel »… D’autres encore voyagent par conviction… Religieuse — prêts à tout pour rejoindre Saint-Jacques de Compostelle —, littéraire — prêts à se faire péter de madeleines dans la maison d’enfance de Marcel Proust — ou politique —prêts à tricoter leur slip en cercle dans les campagnes wallonnes pour honorer la décroissance.
Quoi qu’il en soit, bon voyage dans ce numéro d’été…