Vivre ensemble : les habitats groupés

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L’habitat groupé reflète plusieurs réalités. Les invités au débat, animé d’une main de maître par Stéphane Dupont, en témoignent. Dans tous les cas, il s’agit de recréer du lien social grâce à un projet alternatif, comme nous l’explique l’architecte des Zurbains : « C’est un habitat qui n’est pas la volonté d’un bureau d’architecture ni d’un promoteur. Ici, il s’agit bien d’un groupe d’habitants qui ont décidé d’acheter un terrain, de le découper intelligemment. Ce projet répond spécifiquement aux besoins des familles, ce qui n’est pas le cas des projets des promoteurs immobiliers. Et les économies résultant d’un projet comme celui-ci, ce sont les vingt-huit familles qui en bénéficient, et non les promoteurs ». Pour Thomas, le « squatteur », le fait d’occuper un bâtiment vide ne naît pas seulement du besoin d’avoir un toit mais de vivre en collectivité : « L’idée est de repenser l’habitat commun dans des lieux que l’on peut se réapproprier. En squattant, on libère également beaucoup de temps que l’on peut exploiter différemment. Quand on ne paye pas de loyer, on n’est pas obligé de travailler pour se loger, et tout ce temps libéré permet de créer plein de trucs. On réfléchit sur l’alimentation, sur la création d’énergie, et on invente plein de petites choses assez intéressantes

Cette envie de recréer du lien est sans doute motivée par plusieurs raisons. Il y a évidemment des raisons pécuniaires : partager un jardin ou une machine à lessiver coûte moins cher. Le fait de grouper des habitats nécessite moins d’énergie pour chauffer que si on a une maison à quatre façades. Dans le cas des Zurbains, ils ont imaginé une chaudière commune, ce qui réduit encore les coûts.

Du côté de Mesnil, ils ont poussé la démarche encore plus loin. Avec quelques villages avoisinants, ils ont créé une coopérative pour financer la construction d’éoliennes, même si ça n’a pas été facile de convaincre les «anciens ». Joëlle témoigne : « Ce n’est pas évident de planter une grande fleur métallique de 20 mètres de hauteur sur les crêtes ardennaises. Puis, ces monsters, ça vit 20 ans, ca pollue, il y a des micro-particules. Je suis contente de ce projet, mais c’est parti d’une utopie, et on reste confrontés aux paradoxes. Ainsi, on doit revendre notre énergie aux sociétés qui nous la redistribuent!».

Le fait d’ouvrir des squats, c’est un peu recréer le mode de vie à la campagne. La campagne à l’ancienne, on s’entend. Car les sources d’approvisionnement énergétiques sont souvent précaires. Dans bien des cas, on privilégie le chauffage au bois (souvent de récupération), on récolte l’eau de pluie et on composte les déchets ménagers. Il y a cette recherche d’autonomie, comme dans les villages il y a quelques décennies. D’ailleurs, il n’est pas rare que les squats entretiennent des liens étroits avec les agriculteurs biologiques, ou alternatifs. Mais Thomas entend bien démystifier la chose : « Il ne faut pas “sacraliser” le lieu que l’on occupe, sous prétexte qu’il est collectif ou squatté. Comme disait une personne dans le film, il s’agit d’un lieu, sans plus. C’est un moyen. Le fait de vivre ensemble et de gérer collectivement un territoire donné existe depuis des siècles. »

Dans une certaine mesure, les projets alternatifs d’habitat groupé comme les Zurbains tentent d’amener la convivialité de la campagne dans les cités. Il y a aussi une envie de diminuer son empreinte écologique en se déplaçant à vélo ou en bus, ce qui n’est pas vraiment possible en-dehors des villes. Murielle, des Zurbains, explique : « Le quartier est déjà empreint d’une mixité sociale. Les Zurbains s’inscrivent dans cet environnement. Les familles proviennent de plusieurs milieux, du quartier ou d’ailleurs. Et c’est un projet intergénerationnel. Nous essayons de nous intégrer dans le paysage. Nous travaillons avec la ville pour bien penser le projet, ce qui ne serait pas le cas d’une société immobilière. Nous voulons éviter le côté ghetto. Dans le même ordre d’idée, nous n’avons
pas voulu avoir des pièces communes dans la mesure où ce quartier est rempli d’associations où nous pouvons nous rencontrer
 ».

Cette envie de commun, d’écologie, de convivialité, ne s’arrête évidemment pas à la propriété. Dans le cas des squats d’activité, l’immeuble est souvent mis à disposition pour des activités publiques. A Mesnil, des espaces communs ont été créés. Joëlle explique « On a investi une grange collectivement, on a fait un ciné-club, une salle d’expo, un café-concert. Il nous arrive même, à quelques familles, d’aller louer des films au bus de la Médiathèque et de se les regarder ensemble plutôt que de rester chacun chez soi. » Pour les « Zurbains», il s’agira de financer une passerelle permettant de passer la voie de chemin de fer qui bénéficiera à tous le monde.

Il existe dans ces trois modes de vie bien des similitudes, mais aussi des différences inconciliables. L’habitat de type « condominium » répond à un besoin de confort moderne auquel la vie en squat ou en milieu « néo-rural » ne répond pas.

Ces trois modes de vie pourraient caractériser une vie postmoderne et post-fordiste. Je suis jeune donc précaire et je squatte dans les villes en me débrouillant. J’ai trente-cinq piges, je me décide à devenir enseignant et j’habite dans un condominium. Je finis mes jours à vivre des rentes de mon appartement que j’ai vendu trois fois le prix. J’achète une ferme que je retape moi-même à Mesnil. Elle est pas belle la vie?

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