C4 : Le « L » de RAVeL signifie « lente », mais vous préférez parlez de « mobilité douce », c’est quoi la différence?
Sylviane Gilmont : Le terme « lent » a aujourd’hui une connotation un peu péjorative, alors, on préfère parler de « mobilité douce ». Mais en définitive, les deux appellations désignent à peu près la même chose, à savoir la mobilité non-motorisée. En parlant de « douceur » plutôt que de « lenteur », on tente de porter l’attention sur le fait que la mobilité n’est pas qu’une question de vitesse. En zone rurale ou semi-rurale, par exemple, la restauration des chemins et sentiers offre notamment des gages de sécurité pour la circulation des enfants, qui peuvent alors se déplacer seuls et gagnent en indépendance. Un aspect très positif est celui de penser une mobilité « pour tous », parce qu’une voiture n’est pas à la portée de toutes les bourses! Et puis, de toute façon, en ville, aller en vélo signifie bien souvent aller plus vite! Mais les sentiers et les chemins, ça concerne surtout des territoires ruraux ou semi-ruraux.
C4 : Quelle est la situation actuelle du réseau de voies douces sur le territoire Wallon?
S.G. : Le transfert de mobilité vers la voiture fait qu’il y a beaucoup moins de sentiers et de chemins praticables que par le passé. Avec l’essor de la voiture, ces voies-là ont été moins utilisées. Mais on note un regain d’intérêt des citoyens pour les chemins et sentiers. Et pas que pour des questions de loisirs, mais aussi dans des perspectives de mobilité. On peut même dire que la volonté de la Région Wallone de s’occuper des voies douces naît des initiatives des petits groupes locaux qui défendent « leurs » chemins et sentiers.
C4 : Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les défenseurs des chemins et sentiers?
S.G : Le regain d’intérêt pour la mobilité douce se heurte généralement à des problèmes d’usurpation. Dans la loi de 1841 concernant les chemins et sentiers, il est stipulé que ceux-ci sont imprescriptibles, mais la phrase ajoute : « aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public ». S’ils ne sont pas utilisés pendant 30 ans, ils deviennent prescriptibles!
Heureusement, il y a des cas qui ont été portés devant la cour de Cassation – et dorénavant, c’est au candidat acquéreur de prouver que personne n’est passé pendant 30 ans. Ce qui est quasiment impossible à faire. Mais on se retrouve encore devant des cas où les juges de Paix (appelés à statuer) ne sont pas au courant de la résolution de la cour de Cassation et du coup, certaines prescriptions passent inaperçues.
Il y a pas mal de demandes de fermeture via cette voie-là, surtout concernant les sentiers (qui sont souvent des propriétés privées avec une servitude de passage). Pour nous, cette voie légale devrait disparaître parce qu’il existe aussi dans la loi de 1841 des articles qui permettent de fermer ou de déplacer des sentiers, mais avec une enquête publique et une décision au niveau provincial.
C4 : Est-ce que l’entretien pose de gros problèmes?
S.G. : L’idéal, c’est que le chemin soit très fréquenté, parce qu’alors il demande peu d’entretien. Ce sont les communes qui ont la charge de l’entretien des chemins et sentiers. Mais, dès la loi de 1841, le législateur, se rendant compte que cette charge pouvait se révéler très lourde, avait pris certaines dispositions : un article prévoyait la possibilité pour la commune de « réquisitionner » des personnes parmi la population pour une ou deux journées de travail, ainsi que des bêtes de trait ou de selle pour entretenir le chemin. C’est comme ça qu’on a eu l’idée d’organiser l’action « rendez-vous sur les sentiers » : on demande aux gens de participer à cette lourde tâche que représente l’entretien. Cette action prend la forme d’un appel à projet : on invite tout groupement à repérer un chemin ou un sentier qui vaut la peine d’être réhabilité et à organiser cette réhabilitation le dernier week-end d’
octobre. On a une cinquantaine d’actions chaque année.
C4 : Quelle est selon vous aujourd’hui la tâche primordiale en matière de restauration et d’entretien des voies douces?
S.G. : Pour nous, le plus urgent est d’élaborer un état des lieux – pour ensuite remettre en place le plus possible, partout, des liaisons « douces » entre les quartiers et les villages. Et ce afin que les gens puissent à nouveau se déplacer à pied et à vélo.
Récemment, on a fait ce type de boulot dans le parc naturel de la vallée d’Attert et avec les communes de l’entre Sambre-et-Meuse – à chaque fois, ça permet de remettre en place des liaisons inter-villages. Et en ce moment, en collaboration avec notre association « jumelle » sur la Flandre, “Tragewegen”, (http://www.tragewegen.be/), on travaille sur l’établissement d’un état des lieux général dans les Fourons.
Pour (beaucoup) plus d’infos: www.sentiers.be.