Bâtons de pèlerins

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Le mot “pèlerinage” est indéniablement associé au passé et à la religion. Le culte de Saint-Jacques et le pèlerinage jusqu’à Compostelle datent de la lutte des chrétiens contre l’occupation de l’Espagne par les musulmans à l’époque où les questions religieuses, politiques et sociales étaient inextricablement liées. Au 15ème siècle par exemple, le pèlerinage pouvait être une peine à payer par les criminels aux personnes qu’ils avaient lésées! Mais qu’on ne s’y trompe pas, les pèlerinages ont perduré tout en traversant les siècles et ils ont été récupérés par le nôtre pour en révéler d’autres facettes.

En 1987, en plein débat sur l’intégration européenne, le Conseil de l’Europe relance la renommée du Chemin de Saint-Jacques en le reconnaissant comme une des voies symboliques ayant créé une identité européenne dans la mémoire collective. Un chemin qui surmonte les distances et les frontières. L’affluence de pèlerins en 1999, année sainte, fait parler du pèlerinage de Saint-Jacques et le remet à la mode.

Aujourd’hui, que ce soit à vélo ou à pied, seul ou à plusieurs, de multiples raisons poussent les nombreux pèlerins d’Europe et d’au-delà à se lancer dans le périple. Le goût de la randonnée ou pour l’exploit sportif, pour la gastronomie, pour l’architecture, pour la démarche spirituelle ou religieuse, pour les rencontres, ou très simplement parce que c’est un voyage qui coûte très peu cher, toutes sortes de raisons animent les pèlerins sur le chemin. « Caminante no hay camino, se hace camino al andar », le vers d’Antonio Machado le dit très simplement “Marcheur, il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant”: quoi qu’on cherche quand on part, au cours du périple c’est bien d’autres choses que l’on trouve. Le pèlerinage est une démarche totale et pleine de surprises par lesquelles il est bon de se laisser porter.

Plusieurs chemins sillonnent l’Europe. Certains sont plus fréquentés et d’autres moins, certains plus ardus et d’autres plus confortables. Ce sont des kilomètres et des kilomètres qui peuvent être parcourus par tranches d’une semaine, sur plusieurs années, ou en une fois, la manière est fonction des aspirations et des possibilités de chacun.

L’Association des Amis de Saint Jacques est l’association belge du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle. Elle a été fondée en 1986 et tourne aux alentours de 1300 membres par an depuis le regain d’intérêt pour le chemin. Cette association propose de l’aide aux pèlerins qui projettent de partir à Saint-Jacques. Tous les premiers jeudis du mois, au “Centro Gallego de Bruselas” (4, rue Vlogaert, à Saint-Gilles), les pèlerins de l’Association et ceux en devenir peuvent se rencontrer. Une séance d’information est organisée, suivie des rencontres proprement dites. On peut y trouver les réponses à toutes les questions imaginables. Des gens d’expérience sont là pour y répondre. Comment faire pour éviter/soigner les blessures ? Faut-il s’entraîner ? Et si la météo est mauvaise ? Où dormir ? Comment trouver son chemin? Quel chemin pour les vélos ? Comment les ramener au retour ? etc. Toutes sortes d’informations sont distribuées et les pèlerins qui ont déjà établi leur projet peuvent y trouver des guides du chemin qu’ils projettent de parcourir, ainsi que la fameuse Credencial, la fiche d’identité du pèlerin sur laquelle un cachet est apposé à chaque étape et qui lui permet d’accéder aux auberges.

Mais l’expérience des uns n’est pas celle des autres… D’autres types de pélerinages — littéraires ou rock’n’roll — s’organisent dans un esprit quelque peu différent. Ainsi, au Père-Lachaise, la tombe de Jim Morrison, chanteur mythique du groupe “The Doors”, est devenue un lieu de pélerinage pour les fans du monde entier. Un gardien est d’ailleurs spécialement affecté à sa tombe, et pas moins de neuf caméras surveillent les alentours. Une polémique se serait instaurée autour de l’incessant tumulte (sit-ins, mini-concerts, graffiti…), donnant lieu à une pétition remettant en question la
concession à perpétuité. D’autres pèlerins encore empruntent avec ferveur les chemins du “Côté de chez Swann”, à Illiers-Combray, pour s’imprégner des lieux qui ont inspiré l’oeuvre de Marcel Proust. Pendant que les uns pédalent religieusement, d’autres se passent un joint en quête d’ “other side”, et d’autres encore savourent avec mélancolie de petites madeleines venues d’un autre temps…

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