Elio di Rupo, président du PS, Jean-Michel Javaux et Sarah Turine, co-présidents d’Ecolo et Joëlle Milquet, présidente du CDH ont préféré répondre à nos questions par écrit. Richard Miller, député MR et échevin de Mons, nous a quant à lui accordé un entretien téléphonique.
Définir la solidarité
Elio di Rupo, PS : La solidarité socialiste, ce n’est pas un concept creux. Tout au long de son histoire, le PS s’est battu pour créer des mécanismes de solidarité effective au sein de la société : entre les travailleurs, entre les générations et entre les groupes sociaux. Le résultat de cette volonté politique est tangible. Nous bénéficions aujourd’hui d’une Sécurité sociale extrêmement étendue. Les pensions, l’assurance-chômage, les soins de santé ou encore les allocations familiales sont financés collectivement, chacun contribuant à l’effort commun en fonction de ses revenus. En cas de coup dur, dans les moments difficiles ou, tout simplement, lorsque “l’âge est là”, chaque citoyen bénéficie d’une protection sociale, d’un «filet de sécurité ». Il n’a pas à tendre la main. Il bénéficie du droit à la solidarité garanti par nos lois.
Jean-Michel Javaux & Sarah Turine, Ecolo : Ecolo pense que la solidarité entre tous les citoyens doit continuer à s’organiser dans le cadre d’une sécurité sociale fédérale et que celle-ci doit être refinancée, pour élargir le spectre de ses missions et répondre aux défis toujours plus nombreux, notamment ceux de l’emploi et de l’augmentation de la durée de la vie. Les Belges peuvent être fiers de leur sécurité sociale, les allocations familiales, l’assurance chômage, les pensions, le remboursement des soins de santé … Elle est à la fois un filet de sécurité et un tremplin pour se lancer ou se relancer dans la vie. Mais cette sécurité sociale est acculée de tous côtés : par les forces séparatistes, par ceux qui trouvent que l’Etat est trop généreux et que cette solidarité coûte trop cher, par ceux qui se contentent de sauver l’essentiel sans penser à demain, par les forces du marché (notamment en termes de pensions et de soins de santé) qui ne rêvent que de privatisation et ainsi de pouvoir bénéficier du « pactole » des cotisations citoyennes tout en sélectionnant très strictement les charges à couvrir.
Joëlle Milquet, CDH : Nous définissons la solidarité par la construction d’un lien entre les personnes, fondé sur la volonté de garantir à chacun la possibilité de participer pleinement à la société, d’en être membre à part entière, de pouvoir s’y accomplir, d’y avoir un rôle, une activité et un travail reconnu.
Notre attachement à la solidarité prend ses sources dans notre défense de la personne et notre opposition à l’individualisme contemporain. Pour le cdH, la personne se comprend toujours en relation avec les autres personnes et elle a conscience que, parallèlement à la légitime recherche de son bonheur personnel, elle doit chercher à contribuer au bien commun. En revanche, dans l’« individualisme contemporain », chaque individu affirme et légitime son droit de vivre selon ses choix personnels, sans devoir prendre en considération les effets de son comportement sur les autres.
L’une des sources de la crise financière et économique réside d’ailleurs dans l’individualisme moral. Celui-ci a légitimé l’idée que les individus pouvaient agir sur la base de leurs seuls intérêts personnels.
La société de l’après crise doit, au contraire, être marquée par la prise de conscience que nous avons tous une responsabilité sociale à assumer. Nous devons tenir compte de l’impact de nos comportements sur la collectivité. Cette responsabilité sociale est d’autant plus importante pour les acteurs dont les actions pèsent fortement sur l’ensemble de la société, comme les entreprises, particulièrement des multinationales.
Seule une société où l’indispensable régulation publique est complétée par une conscience citoyenne forte de la responsabilité sociale peut assurer que la recherche du bonheur
personnel reste durablement conforme au bien commun. Similairement, la solidarité doit être mise en œuvre via un système de sécurité social fort – la solidarité institutionnelle, parfois appelée « froide » – et via le soutien aux services interpersonnels – la solidarité dite « chaude». Le système de sécurité sociale que nous proposons doit reposer sur la protection des personnes en difficulté et la volonté de favoriser leur réinsertion sociale. Le rôle de la sécurité sociale est d’accompagner les personnes en fonction de leurs besoins, tout en les responsabilisant.
L’Etat doit, en outre, soutenir l’engagement associatif ou bénévole qui permet d’assurer une grande diversité de services interpersonnels et de renforcer un lien social aujourd’hui fragilisé. Une économie à visage humain suppose une part importante de services aux personnes par rapport à la production de biens de consommation. A côté des emplois à haute valeur ajoutée, elle valoriserait la création d’emplois dits « à haute valeur relationnelle ajoutée».
Richard Miller, MR : Au niveau du MR, l’un des principes essentiels qui fonde toute notre action et nos projets politiques est celui de la liberté. Nous sommes fondamentalement attachés à la promotion et à la défense de la liberté et des libertés individuelles dans tous les domaines. Ayant dit cela, toutefois, on n’a encore rien dit, car nous sommes très attentifs à ce que ces libertés soient réelles. Dire à quelqu’un « vous avez le droit d’inscrire vos enfants à l’université », tout en sachant que cette personne n’a pas les moyens financiers pour pouvoir le faire, ce n’est pas garantir une liberté. C’est la raison pour laquelle, pour nous, les notions de liberté et de solidarité vont ensemble. Il doit y avoir, dans une société, des mécanismes qui permettent à chacun d’exercer pleinement les libertés qui sont les siennes, sans laisser personne au bord du chemin. Et cela vaut pour la liberté de s’exprimer, la liberté de se promener, liberté de vivre la vie qu’on a envie de vivre… Les libéraux ont toujours veillé, au fil de l’histoire, à assurer l’égalité des chances. C’est aussi la raison pour laquelle c’est un libéral anglais, Beveridge, qui fut à l’origine d’un système de sécurité sociale. Pour nous, les libertés doivent être accessibles à tous.
En termes de programme politique
E.d.R., PS : Le programme du PS est véritablement articulé autour du concept de solidarité. Qu’il s’agisse de soins de santé, d’emploi, de salaires, d’enseignement, de pensions, d’Europe ou d’écologie sociale, les socialistes veulent faire fonctionner partout des mécanismes de redistribution des richesses et de soutien aux personnes. C’est le sens de toutes les politiques que nous menons dans les différents Gouvernements et au sein des communes. Au quotidien, nous faisons de la solidarité quelque chose de très concret. Quand un malade bénéficie de traitements très coûteux mais qu’il est remboursé, quand un élève prend le bus ou le train gratuitement, quand un jeune couple reçoit des abattements fiscaux pour l’achat de sa maison, c’est du concret ! Nous pensons qu’une société où tout le monde reçoit les mêmes chances est une société qui progresse davantage qu’une société cloisonnée entre les plus nantis et les autres.
J-M.J. & S.T., Ecolo : Si on n’y prend garde, la Sécu perdra petit à petit son efficacité, sa crédibilité et sa légitimité. Ecolo ne peut s’y résoudre et propose dès lors de la renforcer et de la remodeler, pour la mettre en phase avec les enjeux d’aujourd’hui et de demain.
Pour Ecolo, il s’agit, par l’aide apportée et la solidarité développée, de garantir la dignité des personnes, y compris lorsqu’elles sont en difficulté, confrontées à la justice ou bénéficiaires d’une aide, et de leur donner un rôle d’actrices de changement. Il faut également, à chaque fois que c’est possible et utile, associer les citoyens et citoyennes aux politiques à mettre en place, les informer, leur permettre de comprendre les enjeux, leur demander leur avis, en tenir compte et enrichir de
leurs apports les dispositifs mis en place. La participation bien organisée enrichit les projets et facilite leur réalisation. Il s’agit comme première condition, nécessaire mais pas suffisante à la dignité humaine, de donner à chaque citoyen et citoyenne l’accès à un emploi de qualité, à un logement décent et à des services publics de qualité, adaptés à leurs besoins.
J.M., CDH : Dans notre programme fédéral de 2007, le principe de solidarité est énoncé à 49 reprises. Voici quelques exemples, repris texto du programme:
Emploi/institutionnel. Une défédéralisation de la politique de l’emploi risque de mener à la fin de la concertation sociale au niveau fédéral et à la défédéralisation de la sécurité sociale basée sur la solidarité interpersonnelle.
Familles. Le cdH veut que les mêmes droits soient reconnus à chacun afin, non seulement de ne pas empiéter sur les choix de vie, mais aussi, au contraire, de favoriser les solidarités intrafamiliales en ne sanctionnant plus le fait de vivre à deux
ou en collectivité.
Nouvelles solidarités. Face au délitement du lien social, à la crise du sens collectif, à la montée des égoïsmes, aux inégalités sous toutes ses formes, nous opposons la force de nouvelles fraternités, la volonté d’une solidarité qui non seulement s’organise par la sécurité sociale, mais aussi par l’initiative de solidarités citoyennes. De nouvelles fraternités, de nouvelles générosités, une nouvelle acception forte de la solidarité,… autant d’objectifs portés par notre H d’humanistes.
Initiatives du cœur. Un service de solidarité volontaire permettrait aux jeunes de vivre une expérience enrichissante qui contribuera à renforcer un sentiment d’appartenance à une société et affirmera les liens sociaux, contre les excès de l’individualisme.
Solidarité fédérale. Défendre le principe de solidarité fédérale qui veut que soient maintenus les mécanismes essentiels de distribution des ressources à travers un système perfectionné de sécurité sociale. Toucher à la sécurité sociale dans ses éléments les plus essentiels, c’est toucher à l’identité nationale. C’est remettre en cause le sens de l’existence commune au sein d’un même Etat.
Solidarité planétaire. Il est frappant de constater que de nombreuses crises reposent sur une méconnaissance et une mauvaise compréhension des cultures, des religions et des valeurs. En outre, dans une société largement dominée par le productivisme économique et l’individualisme, il est impératif d’offrir la possibilité aux jeunes de contribuer dans un esprit de solidarité planétaire au renforcement des liens entre pays du Sud et du Nord.
Commerce équitable. Le commerce équitable tente de remédier aux déséquilibres du commerce international, en privilégiant une solidarité effective pour le développement des pays du Sud.
R.M., MR : Nous avons la lucidité de penser qu’il ne suffit pas de mettre en place des mécanismes de solidarité pour que cela soit efficace. Pour assurer ces mécanismes de solidarité, nous pensons qu’il faut nécessairement une production de richesse, de moyens financiers. Nous assurons fondamentalement la solidarité entre les personnes au sein d’une société en veillant au développement économique. Pour nous les deux vont ensemble. Il n’y a pas de solidarité possible sans création de biens et de richesses. C’est un leurre de faire croire aux gens que la sécurité sociale puisse s’autofinancer d’elle-même. Nous inscrivons la solidarité au cœur de notre projet parce que nous sommes attentifs à cette notion de développement et de production de biens. Mais en veillant évidemment à ce que la répartition de ces biens soit la plus juste et la plus équitable possible.
Missions objectifs et enjeux
E.d.R., PS : Chaque jour, les socialistes mettent en œuvre la solidarité et travaillent à son perfectionnement. Cela passe par des mesures ciblées en faveur de groupes qui ont particulièrement besoin de soutien pour s’émanciper : nous augmentons ainsi le nombre d’enseignants dans les écoles en difficulté, nous majorons les
allocations familiales des parents isolés, nous lions les pensions et les allocations sociales au bien-être, nous couvrons les « petits risques » des indépendants, nous réservons des emplois dans la fonction publique aux personnes handicapées… Toutes ces avancées ont bien sûr un coût. C’est pourquoi le PS veut faire contribuer les grosses fortunes et les revenus issus de patrimoines importants. Cet enjeu, celui de la redistribution des richesses, est fondamental dans une société guettée en permanence par l’individualisation.
J-M.J. & S.T., Ecolo : La participation est aussi fondamentalement écologique, c’est-à-dire qu’elle applique à la question de la solidarité les principes du développement durable : prévenir plutôt que devoir guérir, prendre en compte la dimension environnementale des problèmes, garantir l’accès des générations futures à ces mécanismes de solidarité, penser à long terme.
Aujourd’hui, on ne peut développer la solidarité sans prendre en compte l’enjeu énergétique. Résoudre les problèmes énergétiques, permettre à chacun et chacune (à commencer par les moins nantis) d’alléger sa facture énergétique, développer les métiers de l’environnement, c’est à la fois répondre à un enjeu environnemental (diminuer notre empreinte écologique) et à un enjeu social (augmenter le pouvoir d’achat de chacun).
Les défis sociaux à relever pour demain :
— le défi du maintien et du développement de la solidarité, dans le cadre d’une sécurité sociale renforcée et refondée ;
— la création d’emplois durables et de qualité, spécialement dans les secteurs à plus-value environnementale et à destination des publics victimes d’exclusion ;
— l’accès à un logement de qualité pour tous et toutes, sain et énergétiquement efficace ;
une attention particulière aux plus jeunes et aux plus âgés, qui éprouvent des difficultés à trouver ou à garder leur place dans une vie sociale trépidante ;
— la lutte contre l’insécurité, par des réponses qui visent à résoudre les causes de l’insécurité
— la réforme de la Justice, pour lui rendre son rôle central d’arbitre et de garant du vivre ensemble.
J.M., CDH : Afin d’anticiper et de préparer au mieux la société de demain, le cdH a lancé, voici quelques semaines, une vaste opération appelée Planète Humaniste. Celle-ci entend passer en revue les mutations de société pour définir, en collaboration avec des personnes issues de la société civile, des milieux académiques, associatifs et économiques, un projet politique fort. Ce dernier doit permettre d’élaborer une société plus humaine. Une de ces mutations est spécifiquement consacrée à l’émergence de nouvelles formes de solidarités.
Le constat ?
–La conjonction de l’allongement du temps de la vie et de la réduction de la natalité provoque un renversement de la pyramide des âges dans les pays industrialisés. Ce choc démographique va mettre sous pression notre système de protection sociale et faire peser une charge importante sur les générations en âge de travailler. Il va plus encore toucher les personnes dans leur intimité en transformant les relations interpersonnelles, notamment au sein des familles.
–De plus, la mondialisation et le développement de la finance mondiale ont raffermi les inégalités socioéconomiques au sein des pays industrialisés et à l’échelle mondiale. En Belgique, la pauvreté touche plus de 15% de la population !
De nos jours, l’emploi ne protège plus de la pauvreté.
–Parallèlement, de nouvelles formes de précarités émergent et réclament que s’organisent de nouvelles solidarités, tant par le biais de services publics que par le soutien des milieux associatifs. Ces nouvelles formes de précarité s’expriment par de nouvelles formes de solitude, par des difficultés d’accès aux nouveaux médias et à l’internet, par des problèmes de logement, d’endettement, de santé mentale, d’hygiène, d’accès à la culture, etc.
R.M., MR : Par exemple, nous sommes très atentifs à l’enseignement et à la qualité de l’enseignement pour tous. Nous souhaitons pouvoir offrir un enseignement qui soit
le meilleur possible, le plus qualitatif possible, et ce pour tous et toutes. Dans le monde très compétitif dans lequel on vit, le seul vrai passeport de vie pour un jeune, c’est non seulement le diplôme qu’il a en main, mais surtout la qualité de celui-ci. Nous oeuvrons donc à améliorer les écoles, à élargir l’accès à l’enseignement supérieur et aux universités etc. C’est la raison pour laquelle, étant dans l’opposition à la Communauté française, on n’est pas très heureux de ce qui se passe maintenant. Nous avons également pris des mesures fiscales concernant les personnes handicapées, afin de les aider au maximum. Ainsi, pour nous, la fiscalité, les incitants fiscaux, ne sont pas uniquement des moyens de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat, mais aussi la possibilité de mettre en œuvre des politiques à caractère social, à caractère solidaire.
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SLOGANS
Ensemble, tout devient possible (slogan de Nicolas Sarkozy)
La France en grand, la France ensemble (slogan de Jacques Chirac)
Nous irons plus loin ensemble (Slogan de Jacques Chirac)
On a tous à gagner à être solidaire (slogan de l’assureur MACIF)
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