Quand consommer devient résister : tout est dans la manière.

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C’est en discutant avec Isabelle, la fondatrice de GASpard, un GAS situé à Saint-Gilles, et co-fondatrice du site Internet www.bioguide.be qu’on se rend compte qu’en optant pour la consommation par un Groupe d’Achat, on agit à contre-courant de la société et ce à plusieurs niveaux. Suivons son parcours. Isabelle avait pour habitude de se rendre au marché du Parvis de Saint-Gilles pour se procurer les fruits et légumes de Roger, un pionnier de l’agriculture biologique en Belgique. Roger avait tellement de succès qu’il laissait les gens se servir eux-mêmes pendant qu’il s’occupait de la caisse. Au fur et à mesure, son stand est devenu un lieu de socialisation car pendant que les gens faisaient la file, Roger les présentait les uns aux autres. Isabelle étant une grande fidèle, il a commencé à lui demander de lui donner un coup de main pendant un quart d’heure, puis c’est devenu une heure et pour finir, Isabelle passait ses jeudi matin au marché à tenir le stand avec Roger.

C’est quand celui-ci a décidé de prendre sa retraite que sa fidèle clientèle, sur l’instigation d’Isabelle, a constitué un GAS. Le producteur choisi est Christian qui tient un stand au marché biologique de la place Sante-Catherine le mercredi matin. Christian et les membres du GAS se sont rencontrés pour se mettre d’accord sur les modalités. La demande qui a été faite à Christian est la suivante et par ordre de priorité: des légumes 1/ locaux, si possible de chez lui, 2/ de saison, 3/ suffisamment diversifiés pour éviter la monotonie. Pour les fruits, Christian se fournit chez des producteurs bio et s’il doit aller plus loin pour s’en procurer, il vérifie que ce soit du bio équitable.

Les membres du GAS rencontrent régulièrement Christian pour lui faire part de leurs remarques et demandes, ou encore pour lui poser des questions à propos de l’agriculture et de ses techniques. Ils s’engagent à acheter la production de Christian pendant un an à raison de 24 € tous les quinze jours pour un panier de 15 légumes différents. Le paiement doit être fait à l’avance et pour trois mois sur un compte ouvert à la banque Triodos 1. Il y a plusieurs postes à occuper pour les membres du GAS: la trésorerie, la responsabilité du contact avec Christian, la gestion des permanences, etc. Le jour des livraisons, les personnes de permanence (pour un groupe de 20 membres, cela représente 2 à 3 permanences par an) accueillent Christian à 15h45. Ils distribuent eux-mêmes les légumes dans les paniers que les membres du GAS peuvent venir chercher entre 17h30 et 19h30, le mercredi, tous les quinze jours. Ponctuellement quelqu’un vient avec d’autres aliments à partager: un grand bidon d’huile d’olive ou du fromage, par exemple.

En quoi la participation à ce GAS permet d’être actif à d’autres niveaux que la simple consommation? Tout d’abord, c’est un nouveau lieu de sociabilité. Le GAS permet de faire connaissance avec des personnes de son quartier alors même qu’on est en train d’acheter de quoi consommer. Plutôt que de froidement faire la file au supermarché, le moment de la distribution des paniers est aussi l’occasion d’amener une bouteille de vin à siroter aux premiers rayons de soleil du printemps avec les autres membres du groupe d’achat.

Ensuite, c’est être solidaire avec les producteurs locaux. Grâce au contrat d’un an qu’il conclut avec les différents groupes qu’il fournit, Christian peut mieux prévoir et choisir ce qu’il produit. Avant, lorsque la plus grande partie de sa production était pour les grossistes, il subissait la pression que ceux-ci mettaient pour diminuer les prix et réglementer le calibrage de ses produits (taille, forme et beauté des
légumes). En passant par la vente directe, il peut ajuster les prix afin qu’ils soient le plus juste possible pour tous. Les clients se fournissent en produits biologiques à des prix raisonnables et lui n’est plus autant sous pression. Enfin, Christian varie beaucoup plus sa production afin d’assurer la variété de ce qu’il fournit aux membres des GAS, cette manière de fonctionner est meilleure pour sa terre et a donc aussi un impact écologique.

En achetant directement au producteur les groupements d’achats posent donc un acte de résistance au diktat du circuit de la grande distribution, pour être solidaire avec les agriculteurs auxquels ce circuit mène la vie dure. En effet ils constatent qu’ils vont de moins en moins au supermarché. Christian a déjà 9 groupes d’achat de 20 personnes. Potentiellement, ceux-ci peuvent constituer un groupe de pression sur les politiques pour l’agriculture ou pour le bio. Les groupes d’achats permettent aussi de réalimenter les liens sociaux en favorisant les contacts entre membres, sans parler de l’acte écologique qu’ils posent en ayant un effet rétroactif sur les choix de production des agriculteurs. Et enfin, ils mangent bien plus de légumes et de manière bien plus diversifiée vu qu’ils découvrent toutes sortes de variétés qui n’ont pas ou peu de place dans les supermarchés. Plusieurs types de groupements existent. Certains ne font que se procurer des paniers bio déjà servis, d’autres achètent aussi du mazout ensemble et font également un système de compost en commun. D’autres encore font en sorte de ne plus du tout devoir se rendre au supermarché et achètent tout ce dont ils ont besoin avec leur groupe d’achat.

Quant à Isabelle et à Christian, ils ont un nouveau projet à mettre en place: ils voudraient trouver une manière de rendre ces légumes bio accessibles à un public qui n’en n’a pas les moyens. Et le seul moyen d’avoir des produits bio à un prix correct, c’est de les acheter sans intermédiaire. Par exemple, dans certains GAC, ceux qui peuvent payent six mois à l’avance pour permettre à d’autres de ne pas avoir à payer trois mois à l’avance. D’autres formules peuvent être inventées, mais quoiqu’il en soit, elles passeront par la pratique de la solidarité.

Pour plus d’information à propos des Groupes d’Achat sous leur différentes formes: www.bioguide.be ou www.gasap.be.

Notes:

  1. www.triodos.be: « La Banque Triodos finance des sociétés, des institutions et des projets à dimension culturelle et sources de bienfaits pour les gens et l’environnement et ce, grâce au soutien de dépositaires et d’investisseurs désireux d’encourager les entreprises à assumer leur responsabilité sociale et de promouvoir une société durable. »

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