C4: Comment est née cette histoire d’amour entre l’huile végétale et toi?
C’est grace à Matt le Chien et la caravane «Autonomisation » qui est passée par le squat du «Tapsala » en 2006. Cette caravane proposait des ateliers pratiques pour transformer son moteur et le passer à l’huile végétale; mais pas seulement; ça parlait également d’éoliennes, de générateurs de courant…
C4: Et tu as alors décidé de passer le cap, et de rouler à l’huile végétale?
Oui, mais pas les mois d’hiver. Concrètement, il y a 3 huiles différentes; le colza, le tournesol et l’huile de palme. C’est ce mélange qui est utilisé principalement dans la restauration, et c’est celle-là que je récupère. Cette huile se fige à partir de 20 ou 25 degrés. Du coup, elle n’est pas utilisable en hiver. La condition pour pouvoir utiliser ce mélange toute l’année, c’est d’avoir un réchauffeur dans le réservoir et dans la durite qui amène le carburant au moteur.
C4: Concrètement, la modification minimum sur un moteur pour qu’il fonctionne en été?
Il faut faire un surtarage des injecteurs, parce que le carburant est plus visqueux, donc il faut que les injecteurs donnent plus de pression. Ça prend 3 bonnes heures de bricolage. Idéalement, l’huile doit faire 80° quand elle arrive dans la pompe à injection, donc il y a la pose d’un réchauffeur qui utilise le liquide de refroidissement du moteur. Il faut également poser un réservoir supplémentaire avec vanne qui permet de démarrer et de s’arrêter au gasoil. C’est préférable. J’ai un vieux moteur qui date des années 80. C’est un moteur à injection indirecte, c’est relativement facile à bricoler par rapport à un moteur plus moderne.
C4: On l’a bien compris, ton huile, elle ne vient pas de la pompe?
Non, elle vient d’un restaurant portugais (il rigole) ! Il faut la laisser décanter 3 semaines minimum. Je la filtre une fois dans un simple tissu en coton, puis dans un filtre dont la finesse est de 1 micron. Les filtres des véhicules faisant 5 microns, je ne prends donc pas de risque. Perso, j’ai opté pour un grand réservoir de 112 litres, ce qui me donne une autonomie de 800 kilomètres. En France, par exemple, entre les producteurs d’huile et l’assoc’ de récup’ « Roule ma frite » qui a 5 stations, il y a moyen de s’en tirer. J’avoue qu’en Belgique, je ne connais pas bien les réseaux de distribution mais je sais qu’il y a quelques producteurs d’huile végétale pour moteur.
C4 : C’est facile de trouver de l’huile usagée?
Il y a quelques années, oui, c’était très facile. C’était l’époque où les sociétés de récupération d’huile demandaient de l’argent aux restaurateurs pour l’emporter. Une aberration, vu que ces sociétés, après recyclage, se faisaient encore du pognon à la revente. Maintenant, ces sociétés payent 25 centimes du litre. Je ne sais pas par quel esprit de philanthropie certains restaurateurs décident de ne pas la revendre, mais c’est chez eux que je me fournis.
C4 : Mais c’est illégal en Belgique de rouler à l’huile?
C’est légal, à partir du moment où tu l’achètes chez un producteur. Donc, si tu veux rester droit dans tes bottes, tu vas acheter de l’huile une fois de temps en temps, et tu gardes le bon sur toi en cas de contrôle.
C4 : Et le CO2?
Proche du zéro, si on fait le calcul du rejet du moteur moins le taux que la plante absorbe pendant sa croissance.
C4 : Y’a quand même bien des trucs négatifs?
En brûlant, l’huile dégage une molécule d’aldéhyde, proche de celle du tabac, et ça, c’est cancérigène. Et puis, quand elle passe dans le carburateur, t’as quand même l’odeur de friture! Pour le reste, le recyclage c’est du boulot, ça prend du temps et c’est plutôt salissant.
C4: J’ai cru entendre que tu avais d’autres projets avec cette huile usagée?
Le procédé est valable pour quasi tous les types de moteur diesel. Je travaille à l’adaptation d’une chaudière de chauffage central. Il faut
que j’adapte les brûleurs. Je suis en train de prendre des renseignements chez différents fournisseurs. J’ai ici un vieux groupe électrogène que je bricole et qui appréciera, j’en suis sûr, ce genre de carburant. En fait, si tu as des bonnes connaissances mécaniques, tu peux adapter n’importe quel moteur diesel, même moderne. Y’a moyen de faire des frites aussi! Mais c’est pas les meilleures, je préfère les faire à la graisse animale (il rigole).
C4 : En conclusion, l’huile de friture comme carburant, c’est la panacée?
J’ai cru entendre qu’en Angleterre, certains bus roulaient à l’huile, je trouve que c’est une bonne idée… Moi, personnellement, je n’ai pas hésité une seconde parce que c’est du recyclage, et surtout parce que je ne roule pas beaucoup. En ville, j’utilise le vélo. C’est clair que si tout le monde commence à consommer de l’huile de friture pour tous ses déplacements inutiles, alors on déplacera les problèmes énergétiques…
Et on verra débarquer les militaires américains à la friture du coin…
plus d’infos sur http://roulemafrite.fr