L’autre

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Alain Ernotte, sociologue, professeur et guide culturel et spirituel de l’Asie, a assisté un jour à une grève de la mendicité en Inde. Il raconte : « les habituels dispensateurs de charité étaient catastrophés, comment allaient-ils faire pour être bons ? Les mendiants savent très bien que, même s’ils ne sont considérés bien souvent que comme des rebuts de la société, ils ont aussi leur utilité, car les maîtres de l’hindouisme et du bouddhisme prescrivent eux aussi la pratique de l’aumône pour se prémunir du malheur et garantir succès et bonne santé. »

Si l’on observe dans la plupart des pays en voie de développement une tendance davantage collectiviste, il n’en reste pas moins que la mondialisation et la globalisation tendent à modifier les comportements. Alain Ernotte a constaté, lors de ses innombrables voyages, que le changement est arrivé en une génération. En cause, notamment, les nouvelles technologies de l’information et de la communication… On assiste dans certains champs à une reproduction d’attitudes, pas toujours les plus glorieuses, de notre Occident. En Chine, par exemple, alors que les aînés étaient considérés comme des sages à qui l’on demandait conseil, aujourd’hui, à cause d’une course à l’enrichissement effrénée, les travailleurs n’ont plus le temps de s’occuper de leurs parents et des maisons de repos commencent à ouvrir leurs portes… 
Hassan Bousetta, chercheur qualifié au FNRS et professeur à l’ULg, confirme que la globalisation a changé l’ordre social dans le Sud. On y assiste à une rupture des formes de solidarité, bouleversées par les représentations venues du Nord.

Boussetta a cette curieuse et intéressante conception de solidarités « froides et chaudes ». « La solidarité chaude, c’est l’engagement direct de la personne dans un geste immédiat, dans une action personnelle et proche : un don, un accompagnement, un sourire… La solidarité froide, c’est celle, plus structurelle, mise en place par la collectivité : les CPAS et la Sécurité sociale, gérés par les pouvoirs publics et les partenaires sociaux. »

Elles ne sont le monopole ni du Sud, ni du Nord. Les deux formes peuvent êtres trouvées tant dans les tribus ou autres castes que chez nous, dans les associations structurées… Le sentiment d’appartenance influence considérablement notre aptitude à la solidarité. C’est ainsi que pas moins de 175 milliards transitent chaque année des pays riches aux pays pauvres par l’apport des familles expatriées. Alors que l’aide au développement provenant de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) n’est que de 10 milliards. Autres constats : près de deux millions de Marocains vivent exclusivement des aides de leurs familles immigrées, tandis que deux millions de Mexicains exogènes aux Etats-unis préservent de la pauvreté leurs familles restées au pays.

Le chercheur pointe aussi des aspects plus négatifs de ces flux vers le Sud. « Ces transferts servent à des besoins de consommation et pas d’investissement. On note aussi une inégalité démesurée entre les familles dont l’un des membres a émigré et les autres familles. On peut observer un mode de consommation ostentatoire vis-à-vis des plus pauvres, qui souffrent en plus de l’inflation causée par la demande ».

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