Impact financier sur les CPAS.
373 exclus pris en charge par les CPAS en 2005, 2163 en 2007. En date du 31 octobre 2009, ce nombre atteint 4499 et il ne s’agit là encore que d’un « instantané » de la situation. Si l’on tient compte du flux global sur l’année, le nombre de personnes sanctionnées par l’ONEM et accueillies par les CPAS aurait atteint le chiffre de 11.187. La hausse par rapport à 2008 est de 70,8%. La population des 362 CPAS de Wallonie est à 11% en moyenne constituée d’exclus du chômage.
A côté de l’accroissement du nombre de sanctionnés accueillis (+1 206 % en quatre ans), on remarque un élargissement des tranches d’âges touchées ainsi qu’un allongement de la durée des sanctions. Les sanctions de « moins de quatre mois » tendent à se rapprocher des quatre mois (alors qu’elles étaient plus proches des 1 ou 2 mois il y a deux ans), tandis que les sanctions de quatre mois et plus se montent à douze mois. Cette évolution a un impact considérable sur les budgets des CPAS wallons : déduction faite des interventions de l’Etat fédéral dans les remboursements partiels des revenus d’intégration sociale (de 50 à 100% suivant les cas), les dépenses nettes à la charge des CPAS atteignent 36,2 millions d’euros. Soit deux fois plus que l’année précédente.
Dans son rapport présenté à Namur le 19 mars 2010, Ricardo Cherenti rappelle, citant N. Burgi, que nous serions passés «.d’une société qui prenait en charge une responsabilité collective à une société qui individualise la responsabilité, ce qui ne peut qu’engendrer une culpabilisation des chômeurs, tenus pour responsables de leur “non emploi” ou, allant plus loin, les assimilant à des cas pathologiques relevant de la psychiatrie. ». 1
Une transition dont les discours de légitimation (tant descriptifs que prescriptifs) occultent les facteurs d’ordre sociologiques et conjoncturels issus des choix politiques nationaux et supranationaux (SEE, directives, etc.) qui ont contribué à l’établir (et continuent à la modeler en ce sens).
Impact sur la qualité de l’aide sociale.
Le CPAS, par définition, ne peut pas refuser d’aider une personne légalement installée sur le territoire qui se retrouverait sans moyens de subsistance suffisants. Or avec le PAC, l’afflux des personnes exclues du droit aux allocations de chômage, confronte les assistants sociaux et administratifs à une dégradation sans précédent de leurs conditions de travail : la moyenne du nombre de dossiers gérés par assistant social tourne aujourd’hui autour de 100. Claude Emonts, président du CPAS de Liège, confie : « la masse de travail devient difficile à gérer…les gens s’énervent, ils craquent, il y en a qui s’en vont ».
De plus, le contrat d’activation que l’Onem passe avec le chômeur sanctionné implique de la part des CPAS de fournir un travail d’accompagnement apparenté à celui exercé par le FOREM.
L’octroi de subsides aux CPAS (après demande auprès de l’Etat Fédéral, de la Région Wallonne, de l’Europe,…) était déjà de plus en plus conditionné par l’adéquation à des critères de remise à l’emploi. Avec le travail supplémentaire d’accompagnement, la relégation d’activités de sociabilisation non directement conditionnées par la perspective d’une mise à l’emploi (telles que la création de dynamiques collectives et de liens, la redécouverte de la solidarité en actes, etc.) initiée par la politique d’octroi de subsides s’amplifie.
Par ailleurs, un glissement de tâches apparenté à celui qui tend à faire des CPAS les suppléants du FOREM s’observe aussi entre l’ONEM et le FOREM. En effet, le FOREM est tenu de communiquer à l’ONEM des informations qui peuvent mener à des sanctions.
Le plan d’activation des chômeurs a été largement critiqué, et pas seulement par la Fédération des CPAS: les syndicats FGTB et CSC, la Fédération Bruxelloise des organismes d’insertion professionnelle (Febisp), le
collectif Solidarité contre l’exclusion… sans parler des mouvement de chômeurs tels que «Stopchasseauxchômeurs »…
A ce propos, Claude Emonts signale d’ailleurs que « la fédération des CPAS exige une conférence interministérielle sur le thème de l’accompagnement des chômeurs et des solutions à y apporter ».
Dernière nouvelles du Plan, l’effet Milquet,…
Ce mardi 22 mars 2010, la proposition de réforme du PAC présentée en commission parlementaire par La Vice-Première et ministre de l’Emploi Joëlle Milquet a été acceptée.
Désormais, l’élaboration de plans d’actions individualisés aura lieu plus tôt (après 6 mois de chômage au plus tard pour les moins de 25 ans et au plus tard après 12 mois pour les + de 25 ans au lieu de 9 et 16 mois respectivement).
Le suivi renforcé des personnes au chômage prévoit également la mise en place d’un système de profilage à destination des chômeurs. Les personnes considérées comme éloignées du marché du travail seront ainsi réparties entre trois catégories principales.
La première rassemblerait les personnes éloignées du marché du travail en raison de problème de nature médicale, psychologique, psychique ou psychiatrique.
La seconde, très floue encore, rassemblerait les personnes éloignées du marché du travail en raison de problèmes dit de « socialisation ».
Pour ce qui est des compensations octroyées aux CPAS, elles sont bien maigres : à l’exception d’un allègement (somme toute assez faible) de la charge de travail supplémentaire, leurs revendications (cf. encart) n’ont pas été prises en compte. Les estimations font état d’un gain de 3 millions d’euros pour 2010 et de 6 millions à partir de 2011 (ce qui est bien peu en comparaison des 36,8 millions d’euros de dépenses nettes supportées en 2009 dans le cadre de l’accueil des chômeurs exclus). Pour information, ces « économies » seront réalisées grâce au à un changement du type de sanctions. On passera en effet de la suspension à la diminution des allocations sur une période donnée. Ainsi, les exclusions de 4 mois seront remplacées par une diminution de 25% du montant des allocations de chômage pendant la même durée.
Ce dispositif pourrait avoir des effets pervers non prévus, car cet assouplissement des sanctions permettra par ailleurs d’augmenter le nombre de sanctionnés. Et si tous ne suscitent pas l’aide des CPAS pour compléter le manque à gagner, ceux qui le feront risquent d’augmenter encore le travail d’assistant sociaux et administratifs déjà débordés…
On ne manquera pas de suivre l’affaire…
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Interpellations et doléances
Parmi les revendications les plus tranchées, on trouve celles du Collectif de Défense des Allocataires Sociaux (DAS). Le collectif réclame :
— le retrait du plan d’activation
— l’arrêt de la transmission systématique des données du FOREM vers l’ONEM
— le refus de toute contractualisation (que ce soit à l’ONEM, au FOREM ou au CPAS),
la mise en place d’un accompagnement des chômeurs sans contrat
— le remboursement à 100 % du revenu d’intégration social (RIS) au CPAS par l’Etat Fédéral
— l’établissement de normes minimales de personnel applicables dans tous les CPAS.
Pour sa part, la Fédération des CPAS réclame :
— la mise sur pied un d’un accompagnement de qualité dont l’objectif ne serait pas la sanction mais l’aide
— le renoncement, de la part du Fédéral, de sanctions automatiques et aveugles
— le retrait de toute forme de sanction de la part de l’Onem et la création de nouvelles solutions structurelles pour éviter ces sanctions.
— l’indemnisation des CPAS, tant par le remboursement des allocations octroyées que par l’intervention dans les frais de personnel et de fonctionnement occasionnés par la surcharge de travail
— une nouvelle conception de la répartition des tâches entre l’ONEM et le FOREM, dans le respect des personnes et des institutions
— l’élaboration de vrais critères de qualité dans l’accompagnement
— une évaluation qualitative du PAC
— une conférence interministérielle sur le
sujet, dans les plus brefs délais
Notes:
- N. Burgi, “RMI, du droit acquis à l’aumône accordée” in Le Monde diplomatique, octobre 2006. ↩