Les nouvelles oracles

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Peu d’émissions connaissent cette chance. Accaparer l’audimat avec une fidélité non démentie depuis toujours n’est pas donné à tous. Cette vieille dame qu’est la météo possède toujours de nombreux atours et en développe sans cesse de nouveaux.

Séduisante à un point tel qu’elle se voit même récupérée par les journaux télévisés quand l’actualité est en stand by. C’est bien connu, « quand on ne sait pas quoi dire, on parle de la pluie et du beau temps ». Avec un peu de chance, les caprices des masses d’air et autres couvertures nuageuses donnent de la matière et le JT se transforme en véritable station météo.

Le vent en poupe

La neige a affolé les audiences. On parle même de « meilleur score de l’année 2009» selon les deux chaînes nationales francophones. C’est comme cela que la neige est devenue la star des médias durant un mois, permettant une croissance de 4 à 5% de l’audimat. Pas étonnant d’assister à la mise en place d’éditions spéciales: sur certaines chaînes, 50% du JT était consacré au phénomène. Too much ? Le monde aurait-il arrêté de tourner pendant ce temps ? Presque ! Deux poids deux mesures, ce traitement de l’information de proximité peut sembler cynique quand la nature se déchaîne et fait des milliers de victimes à l’autre bout du monde.
Tenir la barre

Comment maintenir le cap et l’attention du téléspectateur pendant un mois ? Après les paralysies du pays annoncées, il fallait bien étayer le sujet et trouver chaque jour la bonne histoire qui allait huiler les rouages du snow business.

Les journaux télévisés insistent sur les recommandations à la prudence sur nos routes et, parallèlement à ces infos pratiques, ils laissent une place importante à l’information de proximité, plus populaire. Après le chapitre sur les accidents routiers, il s’agit de montrer le point de vue des garagistes débordés. Dépanneurs automobiles dépassés et installateurs de pneus neige surchargés cèdent finalement la place à la pénurie de sel dans les communes peu prévoyantes. Les pannes de chauffage dans les écoles et chez les personnes âgées ont aussi été évoquées. Le froid et les sans-abri sont suivis par les problèmes d’Eurostar et des avions bloqués au sol. Sans oublier le classique râleur et le sourire de la petite famille qui profite de la neige.
La palme cette année revient probablement au brise-glace sur la Meuse. Pas si simple de trouver un scoop chaque jour. Une chose est certaine : plus on varie son sujet, plus on maintient son public en haleine.

Phénomène fédérateur

Et si les audiences sont aussi bonnes, c’est sans aucun doute parce que les gens ont envie de savoir. C’est évidemment l’information qui chaque jour va influencer le plus le comportement humain. De quelle teinte sera l’humeur ? Comment s’habiller, faut-il prendre son parapluie ou ses lunettes solaires ? On veut savoir quel sera l’état des routes ou la température de l’eau de la mer… Pour autant que l’information diffusée soit correcte. Si, autrefois, l’art de prédire le temps était d’abord le fruit des oracles, on est parfois en droit de se demander si ce n’est pas toujours le cas aujourd’hui. Il n’est pas rare de voir des différences importantes en fonction des chaînes télévisées, et ce malgré l’évolution technologique.

Et il s’agit là de technologies de pointe qui doivent la majeure partie de leur évolution à l’armée. Plus précis que les augures de la Rome antique, on l’oublie souvent, l’art de la guerre est toujours allé de pair avec le climat. C’est à partir de la seconde guerre mondiale que radars et satellites ont commencé à envahir notre espace et avec eux la diffusion de bulletins météo de plus en plus précis… enfin… à ce que l’on dit.

Qu’à cela ne tienne, au-delà de ce côté hyper pratique dont l’exactitude varie, l’oracle et le militaire de carrière ont laissé la place aux Misses Météo qui rendent les plateaux télévisés plus chauds les uns que les autres. Le treillis est remplacé par le bikini. La mexicaine Mayte Carranco
explose le thermomètre avec ses divinations. Sur le vieux continent, le bulletin météo reste plus soft, même si le phénomène envahit insidieusement nos écrans. Sur notre territoire, ce sont les “Miss Belgique“ qui font mouche. Attitudes formatées, gestuelles caractéristiques et similaires d’une chaîne à l’autre, seule la couleur de la carte varie.

On a beau prétendre que la météo fait peau neuve avec des signalétiques plus précises, plus lisibles, plus ludiques et surtout plus coûteuses, avec l’arrivée de ces nouvelles présentatrices qui prennent tout l’écran, on peut se demander si l’investissement en vaut la peine. Il est clair que pour beaucoup, les décolletés de ces dames interpellent davantage que les précipitations qui deviennent, subitement, très secondaires. Le look primerait-il sur les compétences scientifiques requises pour présenter la météo ? On se le demande…

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