3. Quand les jours s’accélèrent…

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Le mathématicien et biologiste français Pierre Lecomte du Nouÿ (1883-1947) s’est, parmi bien d’autres, très sérieusement penché sur cette question. Il constate un rapport constant entre certaines activités physiologiques, par exemple le temps de cicatrisation d’une blessure (plus long à mesure que l’on vieillit). A des âges différents, il faut des temps différents pour accomplir le même travail. Or ce temps individuel est mesuré par rapport au temps constant de la révolution des astres qui lui-même sert de modèle au temps de nos montres. Ce temps est étranger à nos activités vitales. En fait, « le temps individuel des choses vivantes qui naissent et qui meurent est plus réel et plus significatif pour nous que le temps mathématique conçu pour nous mais étranger à nos activités vitales », affirme le physicien. En effet, si on renverse la perspective et qu’on mesure le temps physique au moyen du temps physiologique, on observe que le temps physique s’écoule plus rapidement à la fin qu’au début de la vie, logarithmiquement, comme celui des atomes radioactifs, et plus arithmétiquement. Et on trouve une explication à la sensation d’écoulement plus rapide du temps avec l’âge. Pas convaincu ?

Il y en a d’autres. Comme le ralentissement de l’horloge biologique, soumis au principe de la relativité. Ou encore les explications basées sur la notion de «maturité ». Avec l’âge s’acquiert la patience et la sensation de voir passer le temps plus vite. Un enfant ne veut, ne sait pas attendre la satisfaction d’un besoin ou d’un désir. Il est impatient qu’elle se réalise tout de suite. Le temps lui semblera d’autant plus long que la satisfaction est plus lointaine ou lente à venir. La maturité nous apprend à maîtriser nos impulsions; l’intervalle de temps entre le désir et sa satisfaction paraît moins long et le temps paraît donc passer plus vite. Présentée ainsi, la maturité pourrait ressembler à de la résignation. Et d’un autre côté, le sens commun qui soutient que la vieillesse fait psychologiquement retomber en enfance. A partir d’un certain âge, le temps recommencerait donc à sembler plus long ! Un paradoxe en chasse un autre.

Enfin, il se peut que la sensation d’accélération du vieillissement soit liée à une diminution des capacités de la mémoire, si l’on considère que l’estimation subjective du temps est fonction du nombre d’informations enregistrées. Plus le cerveau est capable d’emmagasiner d’informations, plus le temps doit sembler long. Toutes ces interprétations sur la perception différenciée du temps selon les âges ne sont guère neuves. Tout au plus ont-elles été relancées par l’invention du cinéma – qui permit de se rendre compte que la vitesse d’écoulement du réel (25 images/s.) était inférieure au mouvement des particules de notre corps (40000 km/h.) A cette allure, on ne sait pas si la flèche de Zénon atteindra finalement sa cible…

A lire : Carl Vidal et Adolphe Pacault, « A chacun son temps », Flammarion, 1975.

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