Travailler à l’étranger : et nos droits sociaux ?

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Assurance maladie-invalidité

Une législation européenne existe en ce qui concerne le travail effectué dans un autre Etat membre de l’Espace Economique Européen et en Suisse. En Belgique, cette loi s’applique à presque tous les assurés belges (personnes qui paient leurs cotisations sociales en Belgique) et aux personnes à charge (inscrites auprès d’une mutualité à charge d’une autre personne). Si une personne travaille dans un pays membre de l’EEE et/ou en Suisse, le principe qui prime est le suivant : celui du « pays de travail ». Autrement dit, une personne paie des cotisations sociales et est assurée dans un seul pays, le pays où elle travaille. Par conséquent, un assuré belge qui part travailler à l’étranger sera soumis aux mêmes dispositions et obligations que les assurés locaux. Il est également important de signaler que les droits acquis ou en cours d’acquisition par une personne dans son pays d’origine seront maintenus si cette personne part travailler à l’étranger.

Des cas particuliers existent cependant. Les travailleurs détachés continueront, pour leur part, à payer leurs cotisations dans leurs pays d’origine. Les travailleurs frontaliers constituent également un cas spécifique. Comme expliqué précédemment, le principe du « pays de travail » est d’application. Le travailleur frontalier devra donc payer ses cotisations sociales dans le pays où il travaille. Prenons l’exemple d’un travailleur frontalier qui réside en Belgique. Il payera donc ses cotisations sociales dans le pays où il travaille et bénéficiera donc d’une assurance maladie au sein de ce pays. Cependant, il semble légitime que cette personne désire également être couverte en Belgique. Dans ce cas, elle devra alors demander un formulaire E106 à sa mutualité étrangère (formulaire BL1 si le pays de travail est le Luxembourg) et transmettre ces documents à sa mutualité belge. Elle sera alors couverte, ainsi que les personnes à sa charge, aussi bien en Belgique que dans le pays de travail.

Chômage

Un chômeur belge qui trouve un emploi dans un pays de l’Espace Economique Européen pourra récupérer son droit aux allocations de chômage lors de son retour en Belgique selon certaines conditions. Il devra revenir en Belgique dans les trois ans (à dater de sa dernière indemnisation) et devra alors résider dans notre pays. Si la personne reste plus de 3 ans hors de la Belgique, le travail effectué dans le pays étranger peut être pris en compte afin de récupérer les allocations de chômage en Belgique. « Si un Belge part à l’étranger plus de trois ans dans un pays de l’EEE ou dans un pays ayant des accords bilatéraux avec la Belgique, il peut obtenir des allocations de chômage lors de son retour en Belgique à partir du moment où il parvient à prouver qu’il a bien effectué son travail à l’étranger et qu’il a presté un jour de travail au minimum en Belgique depuis son retour sur notre territoire » nous explique un membre du Service caisse de payement de la FGTB. Cette dernière règle est également d’application pour un Belge travaillant d’abord en Belgique et partant ensuite travailler à l’étranger. Si le travail de ce Belge se termine à l’étranger, il pourra disposer de ses allocations de chômage en Belgique à partir du moment où il pourra prouver son travail à l’étranger et qu’il aura au moins presté une journée de travail en Belgique depuis son retour.

Démarches administratives

Malgré une apparente simplicité, les démarches administratives lorsque l’on quitte notre pays peuvent s’avérer être un long processus complexe, et difficile à maîtriser. Du moins, c’est ce que semble induire l’exemple d’Angélique Tagasse, jeune Belge de 28 ans, partie travailler durant trois ans en Angleterre, à Londres plus précisément. Lors de son retour en Belgique, Angélique a dû multiplier les visites à la maison communale afin de connaître exactement ses droits et devoirs. L’obtention du chômage s’est notamment avérée très compliquée. « Lors de mon retour de Londres en
Belgique, afin d’obtenir le chômage, on me demandait de bosser un minimum de 8h en Belgique. Je devais également prouver que j’avais bel et bien travaillé en Angleterre. Lors de mes 2 premières années en Angleterre, j’ai multiplié les emplois avant de trouver une situation plus stable la dernière année. Vu mes nombreux changements de travail là-bas, je n’ai pas conservé tous les documents. L’ONEM a alors dû demander à Londres le document E 304. Je dois donc attendre minimum deux mois pour une réponse qui sera peut-être négative !
 » explique Angélique. A l’heure actuelle, Angélique attend toujours avec impatience les documents dûment complétés. « J’espère qu’aucune erreur de frappe ou de date ne freinera mes démarches administratives, car Londres, ce n’est tout de même pas la porte à côté ! Je me félicite de ne pas avoir suivi mon désir de destination de départ qui était l’Australie ! ». Elle a cependant trouvé un petit boulot de 15 heures par semaine dans un « pub» au centre ville. A ce niveau aussi, il semblerait que les démarches administratives soient particulièrement complexes. « J’ai l’impression qu’en Belgique, si tu veux t’en sortir, c’est très difficile. Contrairement, à Londres, avec la national card que tu peux te procurer, tu as accès aux soins médicaux gratuitement, tu travailles sans aucune complication et tout est simple et clair. Je me demande très sérieusement si je n’aurais pas mieux fait de rester là-bas ».

Pensions

La règle est relativement simple en ce qui concerne les pensions. « Si un Belge travaille 10 ans en Belgique et 20 ans en Suède, la Belgique payera sa pension pour 10 ans et la Suède payera sa pension pour 20 ans » explique Dominique Eymael du centre de contact de l’Office National des Pensions. Autrement dit, un pays qui a accueilli un travailleur doit payer proportionnellement au temps presté par ce travailleur sur le territoire. Mais comme toujours dans ce domaine, les exceptions confirment la règle, et l’application ne va jamais de soi.

Allocations familiales

A ce niveau, deux situations doivent être distinguées.
La première situation concerne les Belges qui partent travailler à l’étranger mais dont la famille continue de vivre en Belgique. Dans ce cas, c’est le pays où réside la famille qui est prioritaire. Le droit aux allocations familiales sera alors examiné par rapport à la situation professionnelle du parent qui reste en Belgique. Cependant, que se passe-t-il si le parent restant en Belgique perd son droit aux allocations familiales ? « En effet, une personne peut ne pas avoir droit aux allocations familiales pour différentes raisons : invalidité…Dans ce cas, le pays étranger où réside et travaille l’autre parent prend alors le relais » répond Françoise Dehovre, chef administrative à l’Office National d’Allocations Familiales pour Travailleurs Salariés.

Il est également intéressant de savoir que si un Belge travaille au sein d’un pays de l’EEE qui octroie de plus importantes allocations familiales que celles perçues en Belgique, pays de résidence des enfants de ce travailleur, ce pays étranger payera la différence par rapport aux allocations familiales reçues en Belgique.

Le deuxième cas possible est celui concernant les Belges partant travailler à l’étranger accompagnés de leur famille. Le nouveau pays de résidence constitue alors, logiquement, le pourvoyeur des allocations familiales. Dans ce cas, il est impératif de signaler votre départ à la caisse d’allocations familiales en Belgique afin de clôturer votre dossier. Il sera également nécessaire de faire une demande d’allocations familiales au sein du nouveau pays de résidence.

Travailler à Bierset, vivre à Londres.

Le cas de Sean Sanderson nous illustre les conséquences familiales parfois pénibles que peuvent rencontrer ces travailleurs venus d’ailleurs. Sean est Anglais et il est âgé de 43 ans. Il est employé en tant qu’Aircraft engineer (mécanicien d’avion) à Bierset depuis bientôt cinq ans. Marié et père de 2 enfants, il quitte
son domicile londonien tous les lundis à 5 heures du matin pour le retrouver tous les vendredi soir. L’Eurostar a bien évolué en termes de rapidité mais les trajets le fatiguent. Malgré sa lassitude, s’installer dans la région avec sa famille n’est pas une éventualité : « J’ai voyagé toute ma vie pour mon travail. Ainsi, lorsque j’ai rencontré mon épouse il y a 15 ans, j’ai été muté en Allemagne. Peu après, nous attendions notre premier enfant, nous n’avions pas vraiment d’amis et je travaillais les nuits. Après mûre réflexion, nous avons décidé de retourner à Londres pour vivre auprès de nos familles. Je suis mécanicien d’avions et dans ce domaine, le salaire est beaucoup plus attractif à l’étranger car il y a peu ou pas de main d’œuvre qualifiée. Donc, quelques années plus tard, j’ai trouvé l’emploi que j’occupe actuellement à Bierset. Je viens d’ailleurs de donner ma démission car mes enfants grandissent et ils ont besoin d’un père à temps plein. Il y a encore quelques mois, il ne fallait pas plus d’une semaine pour retrouver un travail dans l’aviation. Mais avec la crise économique, les compagnies aériennes ont considérablement diminué leur effectif. Je n’ai toujours pas retrouvé d’emploi en Angleterre et comme je ne rajeunis pas, je m’attends à vivre des moments difficiles. »

En effet, le chômage frappe de plein fouet l’Europe. Le tableau ci-dessous, diffusé par Eurostat (Office statistique des Communautés européennes), date de novembre 2009 et reprend le pourcentage de chômeurs dans les différents pays européens. L’Espagne se distingue particulièrement avec ses 20 % de chômeurs. Autre constat, le chômage des jeunes. Ainsi, en décembre 2009, 20,2 % des moins de 25 ans étaient au chômage en Finlande. Les politiques européennes en matière de travail doivent s’adapter à une force de travail européenne qui vieillit, se féminise, et inclut un pourcentage croissant de migrants, tant légaux que non déclarés. A cela s’ajoute la dimension toujours croissante du travail temporaire et à temps partiel.

Ces problèmes européens nécessitent la collaboration de tous les pays concernés. La Finlande a d’ailleurs proposé la création d’une banque de données commune pour y remédier.

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Lexique

Travailleur détaché : Selon l’article 2, 1er paragraphe de la Directive 96/71/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 1996, un travailleur détaché se définit comme « tout travailleur qui, pendant une période limitée, exécute son travail sur le territoire d’un Etat membre autre que l’Etat sur le territoire duquel il travaille habituellement ». Concrètement, il s’agit pour une entreprise d’envoyer un de ses employés, pour une période limitée, travailler dans un autre état membre pour autant qu’il existe une relation de travail entre l’entreprise d’envoi et le travailleur pendant cette période de détachement.

Espace Economique Européen : Il se compose actuellement de 30 Etats membres : les 27 Etats membres de l’Union Européenne plus la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein.

Travailleur frontalier : Il s’agit d’un travailleur qui est occupé sur le territoire d’un Etat membre et réside sur le territoire d’un autre Etat membre, où il retourne en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine.

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Quelques chiffres…

La mobilité des travailleurs salariés au sein de l’Europe géographique augmente depuis 1991. Mais depuis 2004, une nouvelle tendance est apparue : la hausse de la mobilité chez les travailleurs salariés appartenant à l’Union Européenne (UE), due à l’intégration de nouveaux États-membres. On en relève d’ailleurs trace en Belgique. Exemple avec les travailleurs polonais, bien présents sur notre territoire, même si notre pays continue surtout d’accueillir des travailleurs originaires de France et des Pays-Bas, proximité géographique oblige.

Preuve de cette hausse de la mobilité des travailleurs dans l’Union Européenne et en Belgique, les statistiques diffusées chaque année par l’Office national
belge d’allocations familiales.
En 2008, quelque 94 % des étrangers travaillant en Belgique et qui y ont sollicité des allocations familiales provenaient de l’Union Européenne. Cela représente une hausse de 8,77 % par rapport à 2007.

Si la Belgique paye des allocations familiales pour les enfants d’étrangers travaillant en Belgique, ce système vaut aussi dans l’autre sens .
À la clé, un constat assez intéressant : la Belgique donne moins que ce qu’elle reçoit. Exemple avec cette comparaison qui se limite aux pays voisins les plus importants: le Grand-Duché de Luxembourg, les Pays-Bas et la France.

Ces trois pays ont, ensemble, payé 90,5 millions d’euros à des travailleurs belges oeuvrant sur leur sol et dont les enfants sont élevés en Belgique.
Dans le même temps, la Belgique n’a, elle, donné que 52 millions d’euros à des travailleurs étrangers en provenance de l’Union, travaillant sur son sol et dont les enfants sont élevés dans un pays de l’Union.
Petite précision : ces statistiques ne prennent en compte que des travailleurs « pères » ou « mères de famille».

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Quelques infos utiles pour vivre et travailler dans l’Union Européenne

Le système Europass

L’Europass comprend 5 éléments :
— deux documents (le Curriculum vitae Europass et le Passeport de langues Europass) à remplir vous-même ;
— trois autres documents (le Supplément descriptif du certificat Europass, le Supplément au diplôme Europass et l’Europass Mobilité) remplis et délivrés par les organisations compétentes. L’objectif de ce système est de rendre les compétences et les qualifications de chacun visibles dans toute l’Union et de favoriser la mobilité. Pour cela, le CV Europass permet de présenter un CV normalisé, unique dans toute l’Union et donc compréhensible par tous les employeurs de la zone. Pour créer votre CV Europass et vous renseigner sur ce système : europass.cedefop.eu.int.

La protection sociale

La carte européenne de sécurité sociale remplace le formulaire E111.
Elle donne :
— l’accès aux soins médicaux dans tout Etat-membre de l’Union ;
— la garantie du remboursement des frais médicaux sur place ou très rapidement après le retour dans le pays d’origine.
L’accès et le remboursement des soins médicaux sont soumis à la législation du pays d’accueil. Valable 12 mois, elle vous est envoyée dans les 15 jours après votre demande auprès de votre sécurité sociale.

Le permis de travail et la carte de séjour

Le permis de travail n’est plus nécessaire. Dans tous les pays de l’Union européenne et de l’Espace économique européen (Islande, Liechtenstein, Norvège, Suisse), seule la carte nationale d’identité est requise si la durée du séjour ne dépasse pas trois mois. Au-delà, une carte de séjour est demandée par la plupart de ces pays. Pour l’obtenir, il faut se déclarer auprès de l’administration locale compétente. Vous pouvez trouver toutes les informations, pays par pays sur http://europa.eu.int/youreurope.

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Quelques liens à consulter…

Trouver un emploi saisonnier

• Les jobs d’été | Sites en français:

— Le site portail de l’Union européenne. Des offres d’emploi dans les 25 pays de l’UE : www.europa.eu.int/eures
— Animjobs. Offres d’emploi dans l’animation socioculturelle, artistique : www.animajobs.com
— Anywork Anywhere Ce site propose des emplois occasionnels, saisonniers ou temporaires : www.anyworkanywhere.com
-Emplois dans les centres de vacances : www.holidayresortjobs.co.uk
— Gapwork. Offres d’emploi temporaires et informations utiles : www.gapwork.com/destinations/eurohome.html
— PickingJobs. Jobs d’été dans la récolte de fruits ou les vendanges, un emploi agricole saisonnier ou tout autre job d’extérieur : www.pickingjobs.com
— SummerJobs. Nombreux emplois dans des camps de vacances, des parcs, des centres touristiques, des hôtels et dans d’autres activités saisonnières : www.summerjobs.com

• Le volontariat international | Sites en français:

Centre européen du volontariat Fédération
européenne des centres du volontariat nationaux et régionaux en Europe : www.cev.be/index.htm

Sites en anglais:

Alliance of European Voluntary Service Organisations. Cette organisation rassemble des organismes nationaux réalisant des projets internationaux de service volontaire. www.alliance-network.org
International Volunteer Programs Association : www.volunteerinternational.org

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