S’il est vrai que la publicité pour le désormais célèbre Wonderbra faisait tourner les têtes, aujourd’hui, à force de nous montrer et de nous noyer dans un flot d’images, on finit par y prêter moins d’attention. Est-ce parce que la publicité nous a blasé qu’elle doit désormais nous choquer et transformer l’érotisation en pornographie publicitaire ?
« dé-corps » et support
Quoi de plus évident que de se servir du corps pour des publicités de lingerie? Difficile de montrer ces dentelles, objet de séduction par excellence, sans dévoiler un morceau de chair.
Intimité, sensualité et séduction se dégagent d’une campagne déjà ancienne pour la lingerie Aubade. Où le contraste de l’image n’est pas sans rappeler la Vamp du film noir. Le scénario de ces « Leçons de séduction» se décline en 54 parties où les mannequins prennent la pose de façon à soutenir les conseils de séduction dévoilés. Si l’on s’attarde un rien sur la première image, on peut considérer que les mains traduisent une émotion. Dès lors, la femme est ici plus qu’un objet. Elle endosse le rôle de séductrice, tout en conservant une certaine dignité . Même si c’est le regard masculin qui risque d’être attiré, la cohérence produit – corps – message évoqué est bien présente. Ce principe de cohésion existe également pour les produits cosmétiques ou la pharmacopée qui touchent à la santé et la beauté du corps. Bref, un usage classique et respecteux du corps.
Attirer mais décalé.
« Accrocher toujours plus le regard ». Dure loi du marketing qui pousse parfois les publicitaires à montrer uniquement pour éveiller nos fantasmes. D’un goût douteux? Proximus, qui a sans doute voulu éveiller la libido de jeunes ados mâles, a fait usage d’érotisme à outrance lors d’une publicité « Pay & Go Generation ». Un ado rentre chez lui et y découvre une nouvelle famille. Maman, sœur et papa remplacés par des femmes très sexy dont une boit son lait d’une façon érotique très marqué et les deux autres renvoient au fantasme de la sexualité entre femmes. Est-ce vraiment adéquat pour vendre un forfait téléphonique ? (www.youtube.com -sexy girl around)
Du chic au choc
Quand l’habitude du nu s’installe, le marketing bouscule les conventions pour aller encore plus loin. Suggérant des mises en scènes parfois moins anodines qu’il n’y paraît. Les créateurs de ces nouveaux codes, dit : « porno chic » souvent issus du monde de la mode, possèdent une influence très importante pour la jeunesse qui y voit un modèle fun, une façon d’être.
A chacun son style et sa façon de provoquer. Une campagne pour les vêtements Sisley par Terry Richardson (sous marque de Benetton) a fait sensation. Images d’actes sexuels explicites (regard dans le vague, dos cambré, accessoires, pratiques sexuelles marginales mises en scène comme le SM) alliées au cadrage façon pornographie, suggérant la prise de vues à la va-vite, coup de flash qui renforce le type reportage de terrain ou film porno amateur. Le lecteur devient par défaut un voyeur. Malaise ou humour décalé, il reste que ces images peu banales sont chargées d’une certaine violence et ne devraient pas être banalisées auprès des jeunes.
Autre maestro en matière de subversion esthétisante: Dolce & Gabbana, qui a vu l’une de ses campagnes interdite dans plusieurs pays. S’il est vrai que d’un point de vue esthétique leurs campagnes sont irréprochables, le message véhiculé casse ce monde parfait. Evoqué ici : une tournante. Mains plaquées au sol, bassin relevé, la femme est dominée et les hommes attendent leur tour. Mises en scène exceptionnelles mais, diffusées à grande échelle, les répercussions risquent d’être plus lourdes qu’un trou dans le portefeuille pour l’achat d’un produit de la marque. Donner une image glamour à la violence sur les femmes, la soumission, etc, contribue à modifier la perception d’un public jeune sur la sexualité et ses «normes ».
Bien que le contenu érotique augmente l’attention des gens, les effets produits sur
le public ne seraient pas toujours ceux escomptés par la marque. A l’heure actuelle, il est difficile de connaître l’impact de la publicité sur l’achat d’un produit. On sait que l’effet positif de la publicité pourrait même s’inverser et entraîner un rejet du produit quand elle choque. Cela n’empêche qu’il convient de rester attentif à l’utilisation du sexe et de la nudité et aux messages insidieux qu’ils véhiculent.