Attention, festivités locales !

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Rencontre avec Claire Beunckens et Christophe Ottaviano à propos de leur documentaire « Attention, festivités locales » qui propose un éclairage neuf sur trois festivals musicaux en Wallonie : Dour, les Francofolies de Spa et les Ardentes à Liège.

Qui êtes-vous et quel parcours vous a mené jusqu’à ce documentaire ?

Claire : On a 29 ans et on a tous les deux fait nos études à l’INRACI (les techniques de la cinématographie), de même que les autres personnes qui ont travaillé sur ce projet. Je suis originaire de Liège, mais je vis à Bruxelles. Je travaille comme étalonneuse

Christophe : Moi je viens de la région de Mons-Borinage, mais j’habite aussi à Bruxelles. Je suis actuellement pigiste pour RTL où j’ai un temps plein condensé sur 10 jours par mois. Ca me laisse donc du temps pour travailler sur d’autres projets, comme celui-ci.

Avez-vous un passé de festivalier ?

Oui, c’est d’ailleurs en fréquentant les festivals et en constatant leur évolution que nous avons eu l’idée de ce documentaire.

Quelle évolution ?

Au départ, c’était principalement le Festival de Dour qui nous intéressait. On avait fait l’édition 2007 et on avait remarqué que les conditions d’accueil, d’hygiène et de sécurité pour les festivaliers s’étaient gravement déterioriées. C’est ce constat qui nous a donné l’envie de filmer la réalité du festival. L’édition 2007 était vraiment catastrophique à ce niveau.

C’est donc de là qu’est née l’idée de ce film. Qu’avez-vous voulu montrer au juste ?

En 2008, on est arrivé à Dour en pensant qu’on allait assister au même festival qu’en 2007, avec les mêmes exagérations. On n’avait pas prévu que les choses auraient un peu changé. Entre temps, suite à 2007, la Communauté Française était intervenue pour imposer aux festivals de faire plus attention à la sécurité et à l’hygiène en général.

Vous avez dû revoir votre scénario de base dans ce cas?

Pas vraiment. Si on a noté quelques améliorations, Dour reste Dour et ce qu’on voulait filmer était toujours là, sous nos yeux. Le côté rock and roll du festival est intact…

Mais vous ne vous intéressez pas qu’à Dour

Non, c’est vrai. Dour est le point de départ, mais, par objectivité, on a voulu s’intéresser aussi aux Francofolies et aux Ardentes. Ca nous permet d’aborder certains aspects de Dour par comparaison avec deux autres festivals similaires en certains points. Et puis, on ne peut pas nier qu’il existe une concurrence entre les festivals : Dour et les Francofolies ont lieu en même temps et la programmation des Ardentes n’est pas très différente d’une partie de l’affiche de Dour. Aborder les trois, ça nous permettait de montrer les spécificités et les différences de chacun, notamment celles de Dour.

Qu’il s’agisse des relations très étroites que chaque organisateur entretient avec la politique, de l’empreinte écologique des festivals ou de la manière dont sont traités les bénévoles, vous n’avez pas peur de mettre le doigt où ça fait mal. Y-a-t-il des thèmes que vous avez refusé de traiter ou que l’on vous a empêché de traiter ?

On ne s’est rien interdit, mais on a dû couper certains dossiers chauds parce que les personnes impliquées ont refusé de s’exprimer devant la caméra. Le cas le plus flagrant concerne les riverains qui habitent sur le site de Dour, parfois à quelques mètres des « toilettes» ou des scènes, qui n’ont plus accès à leur maison en voiture, qui voient les festivaliers passer par leur jardin, etc. Ces gens-là ne sont pas dédommagés, ou alors de manière dérisoire. Ils se sont exprimés une première fois sans la caméra, mais ils ont refusé d’être filmés. Ils avaient peur. Certains ont avoué avoir été intimidés par Carlo Di Antonio (organisateur du festival et bourgmestre de Dour), raison pour laquelle ils ont refusé de s’exprimer face caméra.
Il y a beaucoup d’autres thèmes interpellants que l’on n’a pu traiter par manque de
preuves concrètes ou de témoignages filmés.

Et puis, en 52 minutes, je suppose qu’il a fallu faire des choix. Comment s’est passé le montage ?

On est arrivé au montage avec plus de trente heures de rushs, il a donc fallu élaguer énormément. On a voulu trouver un équilibre entre les images d’ambiance qui illustraient chaque festival, les interviews, les passages musicaux et les thèmes plus sérieux, comme celui sur les bénévoles ou les relations avec le politique. On visionnait le film à trois, puis il fallait débattre des passages à couper ou à garder. Ca n’a pas été facile de se mettre d’accord, on avait tous des sujets qui nous tenaient à cœur, mais on est finalement tombés d’accord en nous focalisant sur le fil du documentaire : on démarre avec un bref historique des festivals, puis on aborde l’organisation et on entre progressivement dans des thèmes plus précis. De cette façon, on est arrivé à un montage cohérent.

En regardant votre film, on sent très vite que vous avez beaucoup travaillé sur le l’image et le son. A quoi doit-on la qualité audiovisuelle de votre film ?

Toute l’équipe s’est beaucoup investie. Le cadreur est egalement réalisateur de documentaire, ce qui lui donne un regard plus vif, l’ingé son a beaucoup d’expérience dans le domaine, et le monteur a fait un très bon travail, aussi bien sur le montage que sur le graphisme il nous a apporté beaucoup lors de la production. Il faut imaginer les conditions de tournage : dans la boue, au milieu d’une marée humaine, avec du son qui vient de plusieurs scènes différentes en même temps. Le travail sur la bande-son a été très complexe, mais le résultat est là ! Par rapport à l’image, l’étalonnage y est pour beaucoup dans le résultat. Grâce à lui, on a réussi à donner une couleur propre à chaque festival. L’étalonnage a vraiment permis de trouver une identité qui correspond à l’ambiance différente des trois festivals.

C’est votre premier long métrage, que changeriez-vous s’il était à refaire ?

On engagerait immédiatement un assistant de production, quelqu’un qui nous aurait aidé à rentrer un dossier pour obtenir des subsides et qui aurait organisé la distribution du film. On y avait pensé avant de débuter l’aventure, mais on voulait rester le plus libres possible, c’était notre plus grande volonté. On refusait qu’une personne extérieure intervienne dans l’écriture ou le choix de ce que nous voulions montrer. L’avantage, c’est que nous avons dû nous débrouiller seuls à chaque étape de la construction de ce film, de l’écriture à la post-production. Aujourd’hui, on sait exactement ce qu’une telle entreprise signifie en terme d’investissement de temps, d’argent et de travail. On est bien plus armés pour les prochains.

Vous avez donc pu tourner et monter le film en toute liberté. En contrepartie, n’est-ce pas trop difficile de trouver des diffuseurs ? C’est une partie du travail que vous maîtrisez moins, j’imagine ?

C’est vrai. Le fait d’avoir commencé ce film sans producteur nous a permis d’avoir une liberté totale du début à la fin, mais on se rend compte aujourd’hui que ça nous aurait bien aidé pour la distribution, donc la diffusion du film. On a pu recevoir un peu d’aide, notamment de Lallali production et de Patrice Bauduinet, mais pas autant que si nous avions travaillé directement avec une production qui nous soutienne.

Jusqu’à présent, à qui avez-vous proposé le film ?

Surtout aux télévisions. A la RTBF, à Plug RTL et à BeTV.

Et quelles ont été les réponses ?

Soit leur budget était déjà bouclé pour le mois à venir, soit ils avaient déjà investi dans un film plus ou moins ressemblant. C’est ce qu’il s’est passé avec BeTV qui venait d’acheter un docu sur Girls in Hawaï. Ce n’est pas vraiment pareil, mais ça rentre dans le même budget chez eux.

Avez-vous des pistes pour pallier ce problème de distribution ?

On y réfléchit depuis un moment. On est en train de contruire un site sur lequel on diffusera des extraits et
où on permettra aux internautes soit de télécharger le film, soit de recevoir le DVD. On a pas encore décidé quelle méthode on va privilégier mais les choses avancent dans ce sens. On a le nom de domaine www.attentionfestiviteslocales.be. L’autre possibilité, c’est de vendre le DVD lors des festivals, mais cela reste difficile à mettre sur pied. Il faut soit louer un stand, ou le vendre dans le stand d’un autre. On a plus ou moins laissé tomber cette piste-là.

Est-il utopique de vouloir vivre de la réalisation de film en Belgique ?

C’est préférable de passer dès le début par le soutien de la Communauté Française, ça facilite les choses… Il faut ajouter que le statut d’artiste est une aide précieuse. Ca permet de se concentrer sur son travail en sachant que l’on ne se retrouvera pas sans rien du tout à la fin du mois. Ca donne une certaine sérénité dans le travail, même si ce n’est pas tenable à très long terme.

Vous avez de nouveaux projets ?

Oui, on est sur le point de finaliser un court métrage. C’est une fiction mélant vidéo et animation, ça s’appelle « Los Rabbitos » et c’est assez absurde. On a voulu réaliser ce court avec très peu de moyens et, une fois encore, en toute liberté. C’est ce toujours cette liberté qui prime dans ce que l’on fait !

Attention Festivités Locales – Teaser from Boris Wilmot on Vimeo.

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