Rencontre avec Raymond Kenler, directeur.
« AURELie a été créée il y a une vingtaine d’années. A l’époque, j’étais directeur d’un centre de jour pour handicapés mentaux à Liège, et suite à des mesures de restriction de subsides à l’emploi, nous avons réorienté deux personnes licenciées de chez nous vers la création d’un petit centre de formation pour handicapés dans le secteur de l’automobile, le démontage de pièces, etc. D’abord, on a fonctionné avec des budgets européens, puis on a été amenés à frapper à la porte de l’Agence Wallonne pour l’Intégration des Personnes Handicapées, l’AWIPH, et on a été reconnus comme centre de formation.»
Même si le public-cible connaît une déficience mentale ou physique d’au moins 20-30%, plus d’un stagiaire sur deux trouve un emploi dans le secteur privé, une minorité seulement se dirigeant vers le secteur protégé. Raymond Kenler explique : « La caractéristique d’AURELie, c’est de travailler avec des handicapés collatéraux et sociaux. Le secteur du bâtiment et de la mécanique automobile attire toute une série de personnes qui sont confrontées à des problèmes de toxicomanie, de délinquance, etc. On a une population très fragilisée. Malgré cela, la moitié de nos stagiaires trouvent de l’emploi ensuite. Cela s’explique par le fait que nous sommes tenus de faire du résultat, au risque de perdre des subsides. C’est aussi une équipe bien soudée, où chacun se connaît depuis longtemps et maîtrise son boulot. »
Fort de ces résultats positifs, AURELie fait des petits avec AURELie Assistance. L’idée est de créer une société coopérative à finalité sociale qui serait génératrice d’emplois pour des personnes défavorisées. Raymond Kenler raconte : « Il restait une série de personnes à qui on a avait du mal à trouver un emploi. Il y a une quinzaine d’années, le gouvernement a lancé les sociétés coopératives à finalité sociale. AURELie Assistance est la première société de ce type et nous avons embauché les stagiaires qui travaillaient déjà avec nous. Au début, AURELie Assistance travaillait pour une société d’assurance. On allait récupérer les voitures déclassées dans les garages, on les entreposait chez nous et on les mettait en vente, ce qui a bien fonctionné. »
Depuis, AURELie Assistance a réorienté ses activités par souci de rentabilité. Raymond Kenler s’explique : « Aujourd’hui, nous avons réorienté nos activités vers la pose, dépose et réparation de containers pour le compte de grosses sociétés, parce que, ironie du sort, la prévention routière fait qu’il y a beaucoup moins d’accidents qu’avant. C’est très bien, mais notre chiffre d’affaire avait sérieusement baissé. Dans le secteur de l’économie sociale, l’aspect économique est aussi important que l’aspect social et nous nous devons d’être rentables. La première année, le rapport subsides/rentrées propres avoisine les 50/50%, la deuxième année 30/70% pour atteindre les 100% de rentrées propres la dernière année. Bien sûr, nous bénéficions des subsides que chaque personne handicapée reçoit. »
Si la rentabilité est le souci premier d’une société à finalité sociale, qu’est-ce qui les différencie d’une société commerciale «classique »? Raymond Kenler répond : « Ce qui nous différencie du secteur privé, c’est que nous n’employons que des personnes handicapées ou des personnes à très faible qualification émargeant au CPAS. Notre but premier n’est pas de faire de l’argent mais de créer de l’emploi, ce qui n’est pas le but premier d’une société privée.» Si les sociétés à finalité sociale ont pour objectif d’être autonomes financièrement et de créer de l’emploi, même pour les personnes qui en sont généralement exclues, mettons-nous à rêver… Pourquoi ne pas multiplier les initiatives ? Et Raymond Kenler d’ajouter : « Ce que je peux conseiller aux acteurs sociaux qui voudraient monter une société coopérative, c’est d’abord d’avoir un projet rentable qui tienne la route, d’établir un business plan de trois ans, et de ne pas avoir peur des
idées saugrenues. Je vais reprendre l’exemple d’AURELie Assistance. A la base, nous avions été trouver de grosses sociétés pour leur proposer la maintenance (réparation, peinture,…) de leurs containers métalliques. L’idée a été moyennement appréciée mais certaines sociétés ont accepté à une condition : que nous fassions également la pose et la dépose de leurs containers en plastique, parce que ce n’était pas leur boulot. C’est une idée à laquelle nous n’avions pas pensé, et qui nous a permis d’embaucher trois hommes. »