Le réseau européen Euromayday n’est pas à proprement parlé un réseau de défense des chômeurs mais de travailleurs précaires et/ou intermittents, comme nous avons eu l’occasion d’en parler à plusieurs reprises dans C4 1.
Initié en 2001 par le collectif milanais « Chainworkers 2 » , Euromayday n’était alors qu’un processus local, une série d’actions directes culminant vers le 1er mai, date d’une streetparty qui rassembla cette année-là 5000 personnes dans les rues de Milan.
À l’époque, il s’agissait surtout de promouvoir l’auto-organisation d’une classe de travailleurs atomisés : les sous-statuts des chaînes de magasins peuplant les centres commerciaux. Le principe est simple; produire une imagerie et une expertise politique « branchée » et subversive à la fois, à l’image d’un flyer de soirée électro. Les actions directes étaient construites dans la même logique : actions de blocages festives de centres commerciaux ou carnaval politique dans les rues.
D’abord bi-polaire (Milan et Barcelone), le processus s’est mué en réseau européen, formalisé en 2004 par l’écriture de la Déclaration de Middlesex , lancée par une dizaine de collectifs de précaires européens en marge du forum social européen de Londres. « Nous avons décidé d’œuvrer à un Euromayday 2005, dans les principales villes d’Europe, et faisons appel aux intérimaires en colère, à celles et ceux en temps partiels, mécontents, aux militants d’organisations syndicales pour nous mobiliser contre la précarité et les inégalités, pour nous réapproprier, reconquérir la flexibilité, orchestrée par les managers et bureaucrates, et assurer ainsi une véritable flexsécurité contre la flexexploitation. (…) Nous emploierons toutes les méthodes dont nous disposons, d’actions directes et subversives, en soutien à des grèves, des piquets, des arrêts, des boycotts, des actions de blocage, des sabotages, des manifestations à travers l’Europe 3 ». Le message est on ne peut plus clair.
Le réseau européen réclame principalement une globalisation des droits sociaux au niveau européen, notamment l’instauration d’un salaire minimum, la dissociation entre le travail et le revenu (« à travail discontinu, revenu continu») ainsi que l’amélioration des conditions d’accueil et des droits des migrants (fermeture des centres de détention pour migrants, liberté de circulation, etc.). Le réseau Euromayday réclame également la gratuité des transports en commun ou encore la liberté de partage des connaissances sur Internet (« free upload and free download »). 4
La problématique du chômage est apparue dans la littérature « maydayenne » lorsque des pays du nord de l’Europe, où les indemnités de chômage sont plus conséquentes, ont rejoint le réseau. En France, nous retrouvons des associations comme « AC » (Agir ensemble contre le Chômage et la précarité, http://www.ac-chomage.org/), luttant depuis de nombreuses années pour la défense des chômeurs, par le biais d’expertises, de soutien juridique ou d’actions directes. On peut également épingler la « [Coordination des Intermittents et Précaires d’Ile-de-France->http://www.cip-idf.org/] », organisateur des parades Euromayday à Paris en 2005 et 2006. Bien connue pour ses actions médiatiques lors des grandes luttes des intermittents ces années-là, la CIP-IdF organise encore actuellement des permanences une fois par semaine pour les chômeurs et intermittents.
Au niveau européen, des rencontres transnationales sont organisées deux fois par an. L’espace d’un week-end, les collectifs locaux échangent points de vue, pratiques, expertises et produisent appels et iconographies pour l’édition annuelle. A Berlin, le collectif « [FelS->http://fels.nadir.org/] » (Pour un
mouvement de Gauche) tente de cartographier la précarité en Europe par le biais d’un questionnaire remis à chaque collectif local, comportant des questions sur le champ d’action (le contexte national ou régional), les pratiques politiques, la situation des migrants sans-papier et les perpectives futures 5.
Il serait impossible de lister en quelques paragraphes toutes les actions et les théories produites par le réseau, tant elles sont multiples et souvent intégrées à des processus locaux, malgré la tentative de créer un discours européen. Un des exemples emblématiques est l’idée d’un salaire garanti, porté par le groupe de Milan et, dans une moindre mesure, le groupe de Barcelone. A l’inverse, dans des pays comme la France, le Danemark, les Pays-bas ou la Belgique, le concept tombait un peu à plat, étant donné que le chômage rémunéré existe pour une durée relativement longue. A Liège, par exemple, lors d’une soirée d’info, des syndicalistes de la FGTB s’indignaient que le réseau défende un concept plutôt associé à la droite en Belgique (l’allocation universelle de Philippe Van Parijs 6 ), estimant qu’il serait plus judicieux de défendre le droit au chômage.
Le réseau monte en puissance dès sa création pour culminer en 2006 avec une vingtaine de villes participant à la parade du 1er mai et pratiquement 300 000 personnes dans les rues européennes. La grosse partie des troupes est concentrée sur Milan, avec 200 000 personnes, ou encore Barcelone, qui en réunit 50 000. A Liège, près d’un millier de personnes ont défilé derrière la banderole « Rêve Général », slogan emprunté aux «Intermittents et Précaires d’Ile-de-France ».
Depuis, Euromayday a tendance à s’essouffler dans sa forme initiale (rencontres européennes / actions le 1er mai) pour muer vers un concept plus décentralisé nommé MondoMayday 7. On peut également souligner que le réseau social initial existe toujours, même s’il n’est plus estampillé « Euromayday ». Un des projets prometteurs est la construction d’un réseau social activiste européen nommé « [N-1->http://n-1.cc] », une sorte de « Facebook» subversif initié par le réseau espagnol. (10)
Notes:
- Voir C4 de mai 07 : http://www.c4magazine.org/2007/06/13/les-precaires-de-leuromayday-semparent-du-premier-mai/ et mars 2008 : http://www.c4magazine.org/2008/03/17/une-europe-des-precaires/ ↩
- http://www.chainworkers.org/ ↩
- Déclaration du précariat européen : http://www.ac-chomage.org/spip.php?article767 ↩
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Euromayday ↩
- Voir les réponses au questionnaire FelS du groupe Euromayday de Liège : http://web.archive.org/web/20061209061452/liege.euromayday.org/52 ↩
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Allocation_universelle ↩
- Mondomayday au Japon : http://mayday2007.nobody.jp/index-en.html ↩