Crise nourricière?
Reconversion obligatoire due à la perte d’un emploi, à la difficulté de se réinsérer ou simplement l’envie d’autres choses sont autant de bonnes raisons qui obligent à la réflexion ou poussent au dépassement de soi. La question du « comment » réaliser ses projets reste de poids surtout avec une conjoncture économique où les banques sont encore moins enclines à se jeter à l’eau qu’en temps normal. Les solutions alternatives sont de plus en plus appréciées. La société voit naître de nombreuses associations jouant le rôle de facilitateur à la création de projets individuels.
Dans les années 70’, la crise économique va constituer un contexte favorable pour les associations, particulièrement dans le milieu de l’action sociale. Comme le fait remarquer Sybille Mertens, économiste et chercheuse au Centre d’Economie Sociale de l’ULg, spécialiste du secteur non-marchand : « D’une part, il y a de nombreux besoins sociaux. D’autre part, l’Etat, dans les années 70’, est obligé d’acter la récession économique. Néanmoins, cette situation ne dédouane pas l’Etat de ses responsabilités : il doit continuer à assurer le bien-être social de la population. Et donc, que va faire l’Etat ? Il remarque qu’il y a des associations qui se sont créées sur le terrain, souvent avec du bénévolat, pour répondre aux besoins qui ont émergé. Il décide alors de répondre aux besoins sociaux tout en cherchant à résoudre les problèmes de chômage. C’est le début des programmes de résorption du chômage où l’Etat subsidie des emplois dans les associations. Ainsi, le financement public des associations se justifie à travers la création de postes de travail. Ensuite, je crois qu’il y a eu un effet d’aubaine et le nombre d’associations s’est très vite multiplié. »
Cette conjoncture s’est maintenue au fil du temps. La crise des années 80’ a vu se multiplier les associations à caractère social et les années 90’ ont vu la diversification des domaines d’activités, touchant toujours au plus près des préoccupations de la population.
L’après 2009
Peut-on prévoir que la crise économique de 2009 aboutira elle aussi à un nouveau boom des associations ? Difficile à dire. La question du financement du secteur associatif est dans toutes les têtes. Pour Geoffreoy Matagne, chercheur en sciences politiques à l’ULg, « Quels que soient les projets politiques des différents partis (et notamment leurs projets d’augmenter certains secteurs comme les soins de santé), il est évident que la crise va entraîner une politique d’austérité. Cette austérité va bien sûr affecter tous les secteurs, mais il y a fort à parier qu’elle va particulièrement se manifester là où elle a le moins de risque de choquer l’opinion publique, c’est-à-dire dans l’aide au secteur associatif. Celui-ci bénéficie en effet des subventions qui ne sont pas directement apparentes, au contraire par exemple des soins de santé. En supprimant ces subventions, les pouvoirs publics risquent donc moins d’essuyer des critiques et de perdre des électeurs ».
Cependant, pour Madame Renaud, responsable d’AGES 1 « La crise aura sans aucun doute débouché sur une réflexion. Si le secteur non-marchand stagne quelque peu (sans pour autant que la crise en soit responsable), une évolution positive est probable dans le domaine du marchand ». PROPAGE-S (agence conseil en Economie Sociale agréée par la Région Wallonne) renforce ce propos 2 lors d’une conférence sur le sujet. « Notre agence d’aide à la création souhaite une économie sociale où la richesse sera d’abord l’homme. Et s’il y a crise, elle se situe principalement dans la sphère spéculative. Le quotidien de l’agence le prouve : tous les jours, de nouveaux projets sont proposés. »
Par ailleurs, si aujourd’hui, le tissu associatif belge est
dense, l’importance de la crise que nous connaissons va susciter de nouvelles détresses, de nouveaux besoins. Les associations seront de plus en plus sollicitées. Et même s’il est difficile de prévoir à quel point la crise 2009 sera un moteur dans la création d’associations, l’évolution du secteur nous enseigne la réalité de ce paradoxe.
Syndicats et secteur associatif : mêmes causes, peu d’effets ?
Issue du mouvement ouvrier des industries textiles du milieu du 19e siècle, l’histoire des syndicats est inséparable de celle du secteur associatif. La liberté d’association fait quant à elle partie des libertés fondamentales inscrites dans notre Constitution, décrétée en 1831.
Rappelons que le rôle premier d’un syndicat est de défendre les intérêts des travailleurs, quels qu’ils soient, auprès d’organisations patronales et des pouvoirs publics.
Etonnant dès lors que les syndicats ne soient pas plus présents au sein des petites structures associatives. Turn-over important, nébuleuse administrative autour des aides à l’emploi et du statut des travailleurs salariés ou bénévoles… : la possibilité de recourir facilement à une personne compétente dans toutes ces matières serait bien utile. Mais la loi n’impose pas de représentation syndicale au sein des structures de moins de 20 personnes. Cependant, pour Murielle Frenay, députée provinciale Ecolo et déléguée FGTB, dire que les syndicats sont absents de la sphère associative constitue un constat « erroné et trop radical ». « Nous sommes présents dans plusieurs associations importantes comme l’ ASBL Hôpital de la Citadelle par exemple. En ce qui concerne les plus petites associations de la sphère alternative, on ne peut pas installer une présence syndicale contre la volonté des membres. Prendre l’initiative de pousser la porte d’une association, c’est le rôle de l’Inspection du travail, pas le nôtre. La demande d’une présence syndicale doit émaner des membres. » Or, les demandes ne pleuvent pas. « Je peux recevoir plusieurs demandes pendant une semaine puis plus aucune pendant des mois » témoigne Murielle Frenay. On imagine qu’il n’est pas évident pour un travailleur associatif ou un bénévole de mettre en branle la machine syndicale. Encore faut-il pouvoir en entrevoir la possibilité. Les travailleurs associatifs se sentent-ils assez sensibilisés à la démarche syndicale? Ressentent-ils un réel intérêt des syndicats pour leur secteur?
Des rencontres autour de thématiques communes
Les contacts entre ces deux sphères se font principalement au niveau de plateformes de travail sur des thématiques définies. « En 2001, D’autres mondes a réuni les syndicats et des associations autour de l’altermondialisme. Des Semaines de la solidarité sont organisées régulièrement, et certaines associations existent au sein même des syndicats comme Le mouvement de la Paix à la FGTB. Par ailleurs, beaucoup de délégués syndicaux sont investis personnellement dans des associations comme ATTAC ou Barricade ».
Les rapports entre le monde associatif et syndical existent donc, leurs causes sont souvent communes, et pourtant l’alchimie semble manquer d’un petit quelque chose pour s’accomplir entièrement. Les travaux menés en 2007 par le « Groupe des dix » (représentants des 3 syndicats, de la FEB, de l’UCM et des partenaires sociaux) qui ont élargi les compétences des délégations syndicales dans les entreprises de moins de cinquante travailleurs (information et concertation sur la politique du personnel de l’entreprise, sur la formation professionnelle et sur les conditions de travail) devraient s’étendre aux structures de moins de vingt travailleurs qui sont aussi les plus isolées. Pas encore gagné, puisque ce sont les structures d’au moins vingt personnes qui sont visées par les prochaines rencontre du « Groupe des dix » en… 2010.
Statistiques de toutes les BD extraites de : – M. Marée, C. Gijselinckx, M. Loose, J. Rijpens et E. Franchois, Les associations en Belgique : une analyse quantitative et qualitative du secteur, Fondation Roi
Baudouin, 2008, p.14, Graphique 2