La société celte est fortement structurée selon des classes sociales et des tribus ethniques. Pourtant, on trouve déjà une autre forme d’association, les druides, puisque leur groupe désigne ses membres et élit son chef. Contrairement aux classes sociales celtes, il existe des liens druidiques qui dépassent les tribus. Chez les Grecs, des corporations rassemblent une même profession et créent des caisses d’entraide. Elles bénéficient d’un statut juridique spécifique octroyant certains privilèges liés à la nature de leur activité.
Des associations basées sur la solidarité se développeront dans le monde romain. Les universitas sont des personnes morales, c’est-à-dire où l’association se distingue de ses membres et bénéficie de biens et de droits propres. À côté des associations festives ou religieuses (collegium) existent des associations professionnelles (corpus) plus structurées. En contrepartie d’une réglementation imposée par les autorités car jugées d’intérêt public, elles ont le droit d’avoir une caisse commune, d’ester en justice et parfois de recevoir des legs.
La longue marche vers la reconnaissance
Témoignant d’une vie collective intense, les villes européennes du Moyen-Âge comptent une variété d’associations: confréries religieuses, groupements commerciaux (corporations, guildes, jurandes, compagnonnage), unions récréatives, associations militaires, … Si elles sont toutes soumises à la religion (parfois unies sous un saint-patron), les liens religieux et économiques s’entremêlent, et parfois ces derniers priment. Il arrive que la fête et la beuverie soient les intérêts communs dominants ! Certains se regroupent en réalité pour contester le pouvoir en place, qui les tolère tant que ces associations lui rapportent, en terme de soutien politique ou d’intérêt économique, mais parfois les interdit.
À la fin du Moyen-Âge, les regroupements en dehors des paroisses fleurissent, notamment pour les œuvres de charité stimulées par les ordres religieux mendiants. Les guildes marchandes, quant à elles, sous l’impulsion notamment des valeurs de la bourgeoisie montante, deviennent profanes.
Aux 17e et 18e siècles, le commerce maritime se développe. Les banquiers et les commerçants se rassemblent en compagnies pour parer aux risques élevés de ce négoce. Parallèlement, le clergé, jusque là reclus dans une vie de prière et de solitude, commence à s’organiser en milieu urbain au sein des chapitres, et diverses paroisses se regroupent en association. Afin de contrôler le clergé rural, des « conférences ecclésiastiques » régulières sont mises en place pour former les curés. L’idéal missionnaire a été à l’origine de nombreuses associations de prêtres séculiers (congrégations, fondations, …). On verra même au 19e siècle des prêtres se réunir pour résister aux calomnies anticléricales.
Le siècle des Lumières verra éclore des cénacles, des cours, des chambres de lecture, des salons, des académies, des clubs mondains et des loges maçonniques où se débattent des questions politiques, esthétiques ou philosophiques. Si la Révolution française est d’abord favorable à ces groupes novateurs, elle les rejette ensuite puisqu’il ne doit y avoir aucun intermédiaire entre le citoyen et la chose publique, la souveraineté populaire s’exerçant par l’élection de représentants politiques nationaux. La loi française Le Chapelier de 1791 interdit l’exercice collectif des métiers ouvriers et leurs réglementations spécifiques. Ils nuisent à la libre entreprise. Cette loi sonnera le glas des traditions des corps de métiers et des corporations.
Au 19e siècle, l’industrialisation crée de nouvelles structures sociales et de nouveaux besoins. Des associations diverses voient le jour. La Belgique, dès sa création, garantit constitutionnellement la liberté d’association. Un encadrement légal sera progressivement mis en place pour les mutuelles en 1851, pour les coopératives en 1873 et pour les asbl en 1921. En 1892 naît la première association féministe belge : la « Ligue
belge du Droit des femmes ».
Deux piliers associatifs, catholique et socialiste, s’affronteront jusque dans les années 70. Le premier inscrit l’action associative dans la tradition charitable et constitue des hôpitaux, des caisses de secours (mutuelle ou assurance), des mouvements de jeunesse et des associations sportives, qui encadrent la jeunesse pour qu’elle échappe à l’oisiveté, à l’alcoolisme et aux mauvaises influences. Les socialistes veulent changer la société et faire participer les ouvriers à l’action sociale. Ils mettent sur pied des syndicats, des coopératives, des caisses d’entraide et des mutuelles. L’éducation du peuple est un enjeu. Pour les catholiques, les formations compensent ou complètent la mission morale de l’école. L’objectif est plutôt d’encadrer que d’instruire. Le mouvement ouvrier, pour sa part, a très vite compris que ses luttes économiques et sociales ne pouvaient se faire sans l’instruction des travailleurs. Les Délégués et affiliés syndicaux sont donc appelés à suivre des formations. L’éducation populaire est reconnue en 1921 par l’arrêté Vandervelde. Les féministes, également convaincues que l’instruction est la base de l’émancipation, soutiennent l’éducation populaire des femmes.
20ème siècle: le boom des associations
Après la Seconde Guerre mondiale, avec l’ascension économique, les associations ont pour but de parfaire les avancées de l’État social sur le chemin du progrès. Par exemple, elles développent le tourisme social via les villages de vacances et les colonies pour enfants. Les premières associations de défense de consommateurs se créent. La Déclaration universelle des Droits de l’Homme incite à l’action collective fondée sur des intérêts et des objectifs communs. Si elle se centre sur les droits individuels, c’est pour mieux montrer que ceux-ci sont indispensables pour participer à la vie sociale et politique. La Déclaration garantit ainsi la liberté d’association. Son postulat est que la citoyenneté mènerait à la démocratie. Les associations féministes militent pour le droit de vote et l’accès au monde du travail. Les premières associations d’immigrés développent des actions sociales pour combler les lacunes de l’accueil organisé par les pouvoirs publics ainsi que des activités culturelles qui les rattachent au pays d’origine.
Les années 70 voient fleurir les mouvements de défense de l’environnement, des radios libres, le théâtre-action, … Les premiers plannings familiaux et les maisons médicales apparaissent. La crise économique des années 80 transforme le public de beaucoup d’associations qui passe de la population ouvrière aux exclus, aux chômeurs et aux précaires. Apparaissent alors des associations d’alphabétisation, d’aide alimentaire, de défense du droit au logement, notamment les squats, … Des associations renouvelant le concept d’économie sociale et solidaire se forment. L’éducation permanente commence parfois à déraper vers la formation professionnelle continue. L’employabilité remplace de plus en plus souvent dans le discours la citoyenneté participative, critique et émancipatrice. Les années 90 sont la décennie où les usagers se réapproprient une parole et s’associent : Act Up pour les séropositifs et malades du SIDA, L’autre lieu pour les personnes souffrant de troubles mentaux, Chômeurs pas chiens et C4 pour les chômeurs, Collectifs sans ticket pour les usagers des transports en commun, …
Les autorités ont de tout temps voulu encadrer les associations. D’une part, il s’agit pour elles de tirer parti de ces structures solides et, d’autre part, d’avoir un droit de regard sur des groupes dont l’organisation est une puissance dangereuse. Ce n’est pas pour rien que les premières associations ouvrières et syndicales refusèrent la reconnaissance légale. On peut aussi craindre que les asbl actuelles ne réintègrent la tradition corporatiste et s’attachent plus à courir les subsides qu’à œuvrer à leur objet social. Aujourd’hui comme hier, on trouve, à côté des associations légalement reconnues, d’autres qui font le pari de vivre libres et
cachées.